1. « L’amour est divin »

A. Le mythe

L’amour n’est certes pas un état ordinaire, mais certains franchissent le pas en le divinisant. C’est un grand mythe toujours récurrent. De la parole de l’apôtre Jean : « Dieu est amour » (1 Jean 4.16), certains passent à : « l’amour est dieu », il est point de contact avec le divin. Le christianisme a ainsi préparé le romantisme, qui n’est qu’un affadissement du premier.

Si l’amour est divinisé, il est tout-puissant, et on en attend tout. On oublie qu’il ne supprime pas les traits pénibles de caractère, les difficultés à communiquer, le poids du passé, etc. L’amour ne lève pas miraculeusement les difficultés de vivre à deux au quotidien. La philosophe Simone Weil souligne (La pesanteur et la grâce, Pocket, 1991) que la grâce ne supprime pas la « pesanteur ».

B. La réalité

Il est souhaitable d’avoir une conception juste et biblique du couple et de l’amour, ce qui nous évitera de les diviniser. Diviniser l’amour nous empêche de nous sentir responsables, et capables, de construire notre couple.

D’après la Bible, le couple est un élément non accidentel mais essentiel de la création de Dieu. Jésus dit que « le Créateur, au commencement, fit l’homme et la femme et dit : C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et les deux deviendront une seule chair ». (Marc 10.6)

Le récit de la Genèse dit que Dieu était content d’avoir créé le monde : « Cela était bon ». Mais lorsqu’il eut créé l’homme et la femme, « il vit tout ce qu’il avait fait et voici cela était très bon ».

De même, il n’est pas dit qu’il a béni Adam seul ou Eve seule, mais qu’« il les bénit », tous les deux ensemble. (Genèse 1.28) C’est la toute première bénédiction que Dieu accorde, et c’est le couple, et donc la différence, qui en bénéficie.

Ce passage montre que le couple est la première institution de Dieu, car c’est lui-même qui « amena la femme vers l’homme ». Et la finalité du couple ainsi créé est de manifester complètement l’image de Dieu : « A l’image de Dieu il le créa », « homme et femme il les créa ». (Genèse 1.27)

Paul dit : « Dans le Seigneur, la femme n’est pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme ». (1 Corinthiens 11.11) Il n’y a qu’une nature humaine, mais deux manières d’être au monde.

Il n’est pas étonnant que la Bible soit confirmée par la plupart des spécialistes de la vie conjugale qui arrivent à la même constatation que Jésus : « Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair ». (Marc 10.8)

Tous ces auteurs reconnaissent que le couple n’est pas l’addition de deux individus qui juxtaposeraient leurs personnalités, mais une entité, un être original unique qu’ils nomment la dyade conjugale. C’est au point qu’on a remarqué un fait clinique : le trouble mental de l’un des époux est parfois exprimé par un symptôme chez l’autre !

Cette entité est à construire. Le mariage n’est pas un aboutissement mais le commencement d’une construction.

Si l’amour n’est pas tout-puissant, le couple a néanmoins quatre fonctions (Roger Mucchielli, Psychologie de la vie conjugale, ESF, 1980, p. 41) :

1. La fonction biologique ou procréatrice

Au-delà des seules exigences de survie de l’espèce, l’amour conjugal voit dans l’enfant à mettre au monde et à élever, une œuvre commune. L’ordre : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre »  (Genèse 1.28) ne vient qu’après l’institution du couple et après que Dieu ait béni celui-ci. L’enfant est donc une bénédiction supplémentaire et indépendante de la première bénédiction du couple seul. Ce fait devrait encourager les couples malheureusement privés d’enfant.

2. La fonction sociale

Le couple, puis la famille, non seulement sont des cellules de la société, mais c’est aussi par eux que les enfants vont apprendre à vivre en société.

3. La fonction psychique ou psychothérapeutique

Selon Eric Fromm (L’art d’aimer, Ed. Universitaires, 1967, p. 25 à 49), le couple est la réponse plénière au problème numéro un de l’existence, la solitude. « Le paradoxe de l’amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent deux », dit-il.

Et J. G. Lemaire, qui est pourtant l’auteur du classique Le couple, sa vie, sa mort (qu’il écrit aussi : « Le couple, ça vit, ça mord » !), confirme : « Le couple représente les conditions les meilleures pour l’épanouissement affectif de la grande majorité des individus. »

4. La fonction maturante

Parce qu’il se sent responsable de son foyer et de l’avenir d’une vie commune qu’il faut structurer, chaque conjoint va dépasser son égocentrisme.