5. Le virus de l’anxiété

Que pouvons-nous apprendre d’une infection virale lorsque nous la comparons aux murmures dans une communauté ? Que se passe-t-il quand un virus entre dans le Corps de Christ, le menaçant d’infection ? Dans les relations, si les murmures sont encouragés, c’est-à-dire s’ils trouvent une cellule accueillante, il y aura infection. Des réactions vont se produire entre les personnes ou les groupes anxieux.

Pareille à un virus, l’anxiété a besoin d’une cellule d’accueil pour se reproduire. Toutes les formes de murmures ont besoin de cellules d’accueil pour vivre et croître. Quatre virus sont particulièrement virulents et peuvent transformer une communauté en milieu dangereux ou en gouffre d’anxiété :

  • Les secrets (commérages, rumeurs)
  • Les accusations (plaintes, critiques)
  • Les mensonges (tromperies)
  • La triangulation (déplacer un fardeau ailleurs, sur quelqu’un d’autre)

Tous ces éléments sont l’expression du virus de l’anxiété. La présence de secrets ou de triangles n’est pas en elle-même la maladie. Cette présence rend possible le processus de la maladie. Le virus doit trouver des personnes qui vont permettre au secret de prendre vie.

A. Le murmure souterrain (les secrets)

Une des significations du mot grec « goggizo » est parler en secret ou à voix basse. Rien n’est plus difficile à confronter que des plaintes non exprimées (des non-dits). Ce qui est inconnu et dissimulé ne peut pas être guéri. Quelqu’un a dit que la lumière du soleil est le meilleur désinfectant.

Lorsque nous sommes anxieux, nous utilisons surtout le cerveau reptilien. Nous sommes imprécis, flous, en retrait, moins transparents. Nous agissons dans l’obscurité. Le secret est un virus mortel. Tant qu’il n’est pas détecté, il peut faire beaucoup de dégâts pendant des années. Comment une communauté peut-elle être en bonne santé si elle vit dans l’obscurité, garde des squelettes dans le placard, et laisse la maladie infectieuse poursuivre son œuvre de destruction ?

Les secrets sont contagieux. Par exemple, les rencontres secrètes ne sont pas destinées au bien de la communauté, et ne constituent pas un dialogue par nature. Elles réussissent une chose : placer quelqu’un dans la position de « bouc émissaire », ou de « patient désigné ». Les rencontres secrètes divisent : un groupe sait, les autres ne savent pas. L’atmosphère du secret représente toujours un danger.

C’est le principe du secret, non son contenu, qui est important. Le comportement secret est un comportement réactif. Il néglige complètement le conseil biblique de « dire la vérité dans l’amour ». Dans le Nouveau Testament, 3 situations traitent de la réactivité anxieuse dans la communauté :

  • Les enseignements de Mathieu (5 : 21-24, 7 : 3, 18 : 15-22)

« va d’abord te réconcilier… » « pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère… »

« si ton frère a péché contre toi… »

  • Le Concile de Jérusalem (Actes 15)

« quelques individus sortis de chez nous… vous ont troublés et inquiétés par leurs discours… »

  • La confusion de Corinthe (1 Cor. 1 : 12, 3 : 4)

« il y a des disputes parmi vous… »

Chaque situation a nécessité une personnalisation du conflit, des rencontres face à face, et une mise en lumière pour désinfecter la maladie.

Les secrets encouragent l’immaturité. Ceux qui murmurent dans une communauté sont généralement des personnes peu sûres d’elles, dépendantes, de maturité infantile. Si les dirigeants protègent ce comportement immature par leur silence, ils le renforcent. S’ils refusent de confronter cette activité clandestine, ils expriment leur propre anxiété. Ces dirigeants, ainsi que tous les mécontents dissimulés, sont dans le même piège. Ils lient le système avec des nœuds d’anxiété, et favorisent le développement de la maladie.

B. C’est à cause de vous ! (les accusations)

Se sentir mal à l’aise ou insatisfait, n’est pas pathologique. La pathologie apparaît lorsque cet état d’esprit débouche sur des accusations amères contre les autres. L’accusateur rejette la responsabilité de son insatisfaction sur quelqu’un d’autre. Certains utilisent les autres pour se libérer de leur propre souffrance. « C’est à cause de vous que je suis malheureux. » Les gens immatures croient que la réponse à leur mal-être est simple : « C’est à vous de changer. »

L’accusation est un virus. Il est capable de vider une cellule vivante. Mais en tant qu’expression d’une anxiété, il a toujours besoin de la réactivité d’une autre cellule pour se maintenir. Parfois, les accusations sont renforcées par la cellule accusée, qui se défend, qui explique, qui se justifie. Les gens critiques ou agressifs ne peuvent pas créer une infection tout seuls. Les cellules accueillantes contribuent toujours à l’infection en fournissant la nourriture nécessaire.

Le jugement ne change rien, ni personne, dans l’univers. Si vous n’aimez pas quelqu’un et réagissez négativement à son comportement, cela ne change pas la personne ou son comportement. Quand vous jugez quelqu’un, vous ne définissez pas cette personne, vous vous définissez vous-même. Cela décrit ce que vous aimez ou n’aimez pas. L’accusation « C’est à cause de vous » parle en réalité de vous.

C. Les gens du mensonge (cf. « Les gens du mensonge », Scott Peck)

La tromperie est le signe par excellence du mal et des gens mal intentionnés. Parfois, ce mal s’introduit dans la vie de la communauté, et peut même y être encouragé. Le mal ou le mensonge ne doivent pas être analysés et gérés, ils n’ont tout simplement aucune place dans la communauté. Sans repentance et réconciliation, le mal doit être refusé.

La tromperie est une dissimulation, une fausseté et une activité ténébreuse. Les gens mal intentionnés évitent tout ce qui peut les exposer à la lumière. Scott Peck a écrit : « Là où il y a le mal, il y a toujours le mensonge ». Les gens mal intentionnés ne sont pas dignes de confiance. C’est dans leur nature de se trouver un déguisement. Peck ajoute qu’il n’est pas étonnant que ces personnes se retrouvent dans l’église, sous le masque de la piété.

Les gens mal intentionnés sont égocentriques. Sans aucun scrupule, ils sacrifient les autres à leurs propres intérêts. En leur présence, vous pouvez vous sentir mal à l’aise, ne pas désirer être en leur compagnie. Vous vous retirez d’eux. Avec eux, il vous arrive d’être parfois dans la confusion : quelque chose ne tourne pas rond, n’est pas logique ou est incomplet. De plus, ces gens-là sont spécialistes pour faire des autres des boucs émissaires, en les blâmant. Très souvent, ils paraissent être du côté de la justice. Ils peuvent être très autoritaires, rebelles et pervers, déterminés à imposer leurs propres idées.

La manifestation du mal que l’on rencontre le plus fréquemment dans l’église est la ruse, sournoise, sous forme de manipulation subtile, de séduction par une sagesse apparente ou un semblant d’innocence. En fait, on peut affirmer que ce côté rusé des gens mal intentionnés est même soutenu, encouragé et accueilli avec bienveillance dans l’église. C’est comme si l’environnement de la communauté coopérait avec ce type de virus. Les communautés sont malheureusement trop ouvertes à se compromettre avec les tromperies des « gens du mensonge », par souci de ne pas entrer en conflit. Nous avons besoin de trouver un équilibre entre « l’innocence de la colombe » et « la prudence du serpent ».

D. La triangulation

En situation de conflit, la présence d’un troisième pôle est logique et émotionnelle. Logique, parce que ceux qui sont les moins capables de résoudre une dispute sont les participants eux-mêmes. Une approche constructive sera de faire appel à un médiateur. La présence d’un troisième pôle est aussi émotionnelle. Une relation duelle est instable, et quand la tension et l’anxiété dépassent un niveau tolérable, des triangles se forment. La triangulation est une voie naturelle pour gérer l’anxiété. Si l’anxiété dans une relation ne trouve pas de solution, elle va s’exporter dans une autre relation. L’une des personnes va trouver un soulagement de sa tension auprès d’un troisième pôle. Relevons cependant que l’anxiété de la première relation n’a pas changé ! Elle a été exportée.

Vous pouvez observer l’existence de triangles dans les situations suivantes :

  • La réaction qui s’exprime envers vous est excessive, intense et au-delà de ce qui est normal ;
  • Quelqu’un surinvestit sur vous ;
  • Vous cherchez une troisième personne qui vous est favorable pour partager votre irritation au sujet d’un adversaire ;
  • Vous vous adressez à un deuxième parti pour parler du troisième ;
  • Vous vous alliez avec un ami contre son adversaire ;
  • Vous avez besoin de porter secours, de prendre soin, d’un ami qui traverse une période d’anxiété ;
  • Vous collez votre anxiété sur quelqu’un pour relâcher la tension qui appartient à une autre relation.

Chacun qui a grandi dans une famille humaine a observé que la formation des triangles est naturelle. Il y a des triangles qui ne sont pas destructeurs, mais temporaires. Quand les triangles deviennent forts, rigides et permanents, alors toutes les relations impliquées ont tendance à se détériorer. Les personnes réagissent davantage les unes par rapport aux autres. La perception des situations est déformée. Au lieu de s’occuper des problèmes, les gens se critiquent les uns les autres.

Il est évident que toutes sortes de virus peuvent infecter une communauté. J’en ai relevé quatre des plus importants. Cependant, l’identité de chaque virus est secondaire. Ce qui est fondamental, c’est la manière dont ces virus sont accueillis, tolérés ou encouragés ou non. Les gens anxieux et réactifs ne trouvent pas leurs victimes de façon automatique. Comme un virus, ils insistent pour que vous vous adaptiez à eux. La clé de toutes ces situations, c’est toujours comment vous leur répondez.