1. Conclusion du livre « Les 10 clés pour comprendre la Bible »

Face à la nécessité d’actualiser les textes bibliques pour le lecteur contemporain, l’approche principielle semble constituer un élément de réponse valable. S’appuyant sur une étude approfondie des textes, elle réduit considérablement le danger de la subjectivité, notamment grâce à une plus juste compréhension des textes dans leur contexte social et culturel. Elle ouvre aussi une porte pour ceux qui se sentent enfermés par un texte devenu une prison pour eux, et qui pressentent que la vérité n’est pas là, dans cette prison, mais qui n’ont pas la connaissance pour en sortir. L’approche principielle semble être un bon chemin vers l’actualisation du texte biblique.

Ce serait une illusion de prétendre qu’un simple livre ou quelques règles permettent de comprendre tous les textes bibliques et de les appliquer aisément à toutes nos situations. Pour paraphraser Paul, nous ne connaissons la Bible qu’au travers d’un voile. Mais le but de cet ouvrage est de montrer une voie, d’ouvrir une porte pour faciliter la démarche d’actualisation des Ecritures du lecteur. «Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu.»

Nous avons vu les trois étapes qui composent cette approche principielle : comprendre le texte (4ème à 7ème clé) ; identifier le principe (8ème) ; proposer une actualisation (9ème)

La recherche de principes et d’actualisations grâce à cette approche est un processus long et difficile, nécessitant du calme et des heures d’écoute attentive du texte. L’utilisation d’une méthode, même efficace comme la méthode principielle, ne permet pas de faire l’économie d’un long labeur, de doutes, de tâtonnements avant d’arriver à quelques propositions, elles-mêmes toujours réformables. Toutefois, l’interprète n’accomplit pas cette tâche tout seul. L’Esprit de Dieu, celui-là même qui a inspiré les auteurs bibliques, l’aide à discerner la volonté de Dieu dans sa révélation.

A. Le rôle du Saint-Esprit

Nous avons présenté une panoplie d’outils permettant de comprendre le texte dans son contexte et d’en dégager un principe puis une actualisation. Comment concilier ce recours à de tels outils et le fait que le lecteur de la Bible peut se laisser guider par l’Esprit ?

L’œuvre du Saint-Esprit est double. D’abord il dispose notre cœur à accueillir comme vrai ce que nous allons découvrir dans la Révélation divine. C’est dans cet esprit que la liturgie réformée introduit une prière d’»illumination» avant toute prédication. Ensuite, il nous aide aussi à mieux comprendre un texte. Comme l’a dit Jésus : «Le consolateur, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.»

Toutefois, il ne faut pas oublier deux autres vérités concernant le Saint-Esprit. Premièrement, dans la Bible il semble que l’Esprit ne fasse pas quelque chose à la place de quelqu’un si ce dernier aurait pu le faire lui-même ! Par exemple, bien que Luc ait été inspiré par l’Esprit pour rédiger son Evangile et les Actes, il s’est donné la peine de rassembler les textes et les témoignages authentiques des différents événements qu’il rapporte et de les compiler.

Et deuxièmement, ce que l’Esprit m’enseigne aujourd’hui doit être en conformité avec ce qu’il a enseigné alors, puisqu’il est le même hier et aujourd’hui. Pour vérifier cela, il me faut savoir quel sens l’auteur a donné à son texte. D’ailleurs, sinon, comment faire quand deux personnes ont un avis divergent sur un même texte ? Les deux prétendent «être inspirées» ! Comment trancher sinon en revenant au sens du texte lui-même ?

Laisser agir l’Esprit et utiliser une méthode sérieuse d’investigation des Ecritures sont deux choses parfaitement conciliables. Utiliser une méthode pour lire et actualiser l’Ecriture n’est pas diminuer l’autorité de celle-ci mais tenter d’appliquer en vérité cette autorité dans nos vies. La méthode, aussi élaborée soit-elle, ne remplace jamais le Saint-Esprit. Inversement le Saint-Esprit ne dispense jamais l’Eglise d’une lecture exacte et fidèle des textes scripturaires ni d’une réflexion sur les principes de cette lecture.

L’équilibre ne se trouve sur aucun des axes pris séparément. Une lecture du texte sans l’écoute de l’Esprit Saint risquerait de tomber dans un humanisme séduisant mais stérile. En revanche, une écoute du texte sans étude serait périlleuse car très subjective. La lecture d’un texte biblique doit s’appuyer sur ces deux vérités, dialectiquement.

On retrouve cet équilibre, cette tension, dans l’épisode de la conversion du haut fonctionnaire éthiopien. Etienne, devant la perplexité de cet homme face à un passage difficile des Ecritures, ne lui dit pas : «Tu n’as qu’à prier, tu recevras la réponse à tes questions, le Saint-Esprit t’assistera !» Non, il lui explique rationnellement les Ecritures, et en même temps, le Saint-Esprit ouvre son cœur.

Le Saint-Esprit aime qu’on travaille un texte pour en chercher le vrai sens et il nous assiste. En dépit de ce que fait croire une interprétation erronée du passage : «De même, personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu», avoir l’Esprit ne suffit pas pour assurer une bonne compréhension du texte. Nous sommes tous faillibles et avons besoin de beaucoup de prudence, de respect et d’humilité en face du texte. Le Saint-Esprit ne nous a pas été envoyé pour justifier une arrogance à propos de nos certitudes.

Lorsque Jésus marche avec les disciples d’Emmaüs qui ne le reconnaissent pas, il aurait pu se révéler d’un coup à eux par un seul mot : «Voyez, c’est moi !» Au lieu de cela, il leur explique tout ce qui, dans les Ecritures, le concerne et ensuite, «leurs yeux s’ouvrirent», sous l’action du Saint-Esprit. Pour une bonne interprétation, outre la disposition spirituelle, la bonne volonté, il faut donc employer son intelligence, et ne pas hésiter à avoir recours à une approche structurée.

L’intelligence est un don de Dieu. Il n’y a qu’à considérer tous les passages des Proverbes qui en parlent ! Dans le même sens, les chrétiens de Bérée sont honorés car ils se donnent la peine de vérifier l’enseignement reçu. D’ailleurs le verbe grec utilisé pour décrire leur attitude envers la Parole, anakrinô, contient l’idée d’une investigation intensive pour découvrir le sens de quelque chose. C’est le terme employé pour décrire l’investigation judiciaire comme en 1 Corinthiens 4,3 : «Pour moi, il m’importe fort peu d’être jugé par vous, ou par un tribunal humain. Je ne me juge pas non plus moi-même». On le retrouve en 1 Corinthiens 2,14 pour décrire la compréhension spirituelle d’un texte, preuve que ce n’est pas incompatible.

L’assistance du Saint-Esprit dans notre lecture de la Bible ne doit pourtant pas être synonyme de passivité de notre part ; elle s’accompagne d’une étude active qui fait usage de notre raison. L’illumination divine ne remplace pas l’effort humain. C’est dans cette optique qu’ont été présentés les différents outils exégétiques dans ce livre et que la lecture principielle a été proposée.

B. L’Autre du texte

Quel effet a la Bible dans notre vie ? Ses paroles sont-elles porteuses de culpabilisation morale, oppressantes ? Or, c’est fondamentalement le chemin du bonheur que trace la Bible, un parcours libérateur qui suit une belle ligne, de la libération d’Egypte à la liberté en Christ. Le but de la démarche présentée dans ce livre, c’est de permettre au texte de s’offrir et de libérer son parfum de vie ; c’est de lui permettre de nous rencontrer dans nos cheminements personnels, et de nous faire entendre la voix du Créateur qui veut faire de nous des Sujets du Verbe.

La lecture des Ecritures, inspirée et inspirante, devrait conduire à cela. Sommes-nous serviteurs du texte ou ses esclaves ? Suivons-nous la lettre ou l’esprit du texte ? Les textes de la Bible sont-ils pour nous des paroles de condamnation qui mènent à la mort, comme les mots que Pilate grave dans le bois de la croix ? Ou bien sont-ils porteurs de vie, ouvrant un avenir à chacun, comme les paroles que Jésus écrit sur le sable pour libérer une femme que l’on accusait par une lecture négative du texte ?

Toutefois, choisir de se baser non sur la lettre mais sur l’esprit des Ecritures, est plus insécurisant car c’est une invitation à la réflexion sans cesse renouvelée, loin de tout raccourci et du prêt-à-penser. C’est faire le choix de redonner à l’Ecriture sa juste place. La plus grande tentation pour les chrétiens face au texte est de vouloir le sacraliser, lui donner le statut de norme ou magistère, bref de déifier la Bible. Or la Bible n’est pas la quatrième personne de la trinité ! Le danger n’est pas qu’on risque de trop respecter la Bible, mais que ce respect soit mal orienté. Le risque serait d’accorder quelque valeur à l’Ecriture en dehors de Christ et de substituer la Bible à Christ et au Saint-Esprit, les seuls vrais guides.

Pour éviter de tomber dans cette «bibliolâtrie», il faudra toujours y rechercher le Christ, ne pas séparer le livre de la personne du Christ. Dieu n’envoie pas un livre, il envoie son Fils, Parole vivante. La révélation n’est pas un livre, elle est une personne, Jésus de Nazareth à laquelle tout le livre nous renvoie. On dénature le projet de communication divin en lui enlevant son véritable objectif, celui de la rencontre entre Dieu et l’homme. L’erreur consiste à prendre la Bible comme une fin en soi. Pour le christianisme, la Parole n’a pas été faite livre, la Parole a été faite chair.

La Bible n’est pas avant tout un code d’éthique mais une bonne nouvelle, une rencontre. A la question que pose le lecteur à la Bible : «Que dois-je faire ?» doit succéder celle que la Bible lui pose : «Qui es-tu, toi qui m’interroges ?», «Quelle est ta relation avec le Tout-Autre au delà du texte ?»

2. ANNEXE

L’évolution de l’exégèse aujourd’hui

A. Présentation

Pour celles et ceux qui souhaiteraient mieux connaître la nature des recherches exégétiques actuelles, nous présentons ici un bref panorama de quelques outils couramment utilisés par les spécialistes. Ces outils constituent une autre façon d’étudier la Bible, bien distincte de l’approche principielle présentée dans ce livre. Ils entrent dans une démarche d’investigation du texte appelée «critique». Ce terme est ici à considérer non dans le sens de scepticisme mais d’une analyse scientifique et méthodique. Il s’agit ici en quelque sorte d’avoir une lecture «savante» de la Bible. La plupart de ces outils appartiennent à la méthode historico-critique.

Comme son nom l’indique, cette méthode présente deux caractéristiques principales qui en font sa spécificité :

  • L’aspect historique : le lecteur utilisant cette approche étudie le contexte historique dans lequel est enraciné un texte ancien ; il se penche aussi sur les processus historiques de production de celui-ci.
  • L’aspect critique : le lecteur opère à l’aide de critères scientifiques aussi objectifs que possibles, avec les mêmes outils d’interprétation que pour n’importe quelle œuvre littéraire. La raison sert de guide.

Envisager le texte de façon critique revient à le soumettre à différents outils que nous présentons ici, d’une manière assez succincte, alors que chacun de ces outils représente en soi un champ d’investigation immense. Ces approches sont tout à fait praticables simultanément sur le texte. Toutefois, elles demandent chacune des compétences tellement pointues qu’il est très difficile de les pratiquer sans formation ou sans recours à des ouvrages spécifiques de spécialistes.

Ces outils d’une lecture critique de la Bible sont autant de ressources précieuses permettant aux spécialistes une plus juste compréhension des textes bibliques.

B. Les différents outils d’une lecture critique

Les trois premiers dépendent directement de la méthode historico-critique alors que les derniers relèvent d’une orientation sensiblement différente.

1. La critique textuelle

Pratiquée depuis longtemps et utilisée par la grande majorité des exégètes de toutes dénominations, cet outil vise à établir le texte le plus en conformité possible avec l’original. Pour cela, les spécialistes comparent les différents «témoins» du texte : les manuscrits (sur papyrus ou parchemins) ; les anciennes versions de la Bible (arménienne, éthiopienne, Septante, syriaque…) ; les citations de ces textes faites par les auteurs anciens, notamment les Pères de l’Eglise.

Car la réalité est que nous ne disposons d’aucun original des textes bibliques. Les manuscrits les plus anciens du texte biblique que l’on ait découverts et comprenant quasiment la Bible en entier, ne remontent qu’au 4ème siècle de notre ère. Lorsqu’on compare l’ensemble de ces témoins de textes bibliques découverts en différents endroits et datant de périodes très échelonnées, on constate qu’il existe des divergences entre eux. L’objet de la critique textuelle, face à une différence entre les manuscrits, est d’établir, par un travail de comparaison et suivant des règles précises, la variante (le terme technique est «la leçon») qui semble être la plus fidèle à l’original.

La plupart de ces variantes entre manuscrits sont de simples erreurs de copistes, des mots répétés ou omis, voire des lignes sautées ou doublées, des lettres se ressemblant, confondues. Parfois il s’agit aussi de corrections délibérées du copiste assez faciles à repérer. Ces variantes ne portent la plupart du temps pas à conséquence et il est possible dans bon nombre de cas de se faire une idée assez juste de ce qu’a pu être le texte original. D’ailleurs les traductions de la Bible que nous utilisons couramment s’appuient grosso modo sur le même texte hébraïque ou grec. Mais il existe encore des passages où les discussions se poursuivent et où il est difficile de trancher.

Une question brûlante se pose alors au lecteur biblique : le texte de la Bible telle que nous le possédons aujourd’hui est-il fiable ? Oui ! Comparé aux autres œuvres de la littérature classique grecque ou latine, le texte biblique se trouve dans une situation étonnamment favorable de par le nombre et la qualité des manuscrits. Le fait est que la transmission du texte au cours des siècles a été particulièrement fidèle. La découverte des fameux rouleaux de Qumran a mis à jour des manuscrits plus anciens d’un millénaire par rapport à ceux que les chercheurs possédaient. Or les divergences entre tous ces manuscrits sont minimes. La transmission a été l’objet des plus grand soins.

En réalité, cette absence du texte d’origine peut être perçue comme providentielle. Elle évite une sacralisation de l’écrit parmi les chrétiens. C’est bien l’esprit du texte et non la lettre de tel document que les chrétiens recherchent.

2. La critique des formes ou encore la critique du genre littéraire ou l’histoire des formes

Il s’agit d’identifier à quel genre littéraire tel texte appartient. Nous l’avons dit, un genre littéraire désigne la forme que prennent des textes similaires : parabole, hymne poétique, texte de loi, généalogie… Cette critique s’appuie sur un inventaire et une description des nombreuses formes stéréotypées que suivent les textes bibliques. L’étude de ces différentes formes, avec un accent particulier sur le langage employé, permet de savoir comment prendre le texte, quel effet est recherché et de ne pas se méprendre sur l’intention de l’auteur.

3. La critique ou l’histoire des traditions

Elle consiste à étudier quelle influence les traditions des civilisations voisines d’Israël ont eu sur la tradition biblique. On observe en effet des liens de parenté indéniables, tant dans la forme que le contenu, entre certains textes anciens et des textes bibliques. Cette critique des traditions rappelle que les auteurs bibliques n’ont pas créé de toutes pièces un modèle littéraire. Ils se sont servis de formes littéraires utilisées par leurs contemporains pour faire passer leur message. Un peu comme si quelqu’un prêchait aujourd’hui sur Internet en utilisant les formules stéréotypées propres à ce média. Mais si la critique des traditions souligne l’enracinement historique des auteurs de la Bible, du coup, elle fait aussi ressortir l’originalité, la spécificité de leur message.

Les outils présentés jusque ici appartiennent à ce qu’on appelle la méthode historico-critique.

Mentionnons brièvement deux autres grilles de lecture historico-critique  : la critique (ou l’histoire) de la rédaction et la critique des sources. La critique de la rédaction s’intéresse à l’étude des étapes et des visées de la rédaction, c’est-à-dire au travail de l’éditeur, du rédacteur du texte final. Avec la critique des sources, le lecteur recherche les antécédents du texte, sa «source» : à quelle unité littéraire préexistante au texte appartient le texte étudié ? Cela se pratique surtout pour les textes dont on a plusieurs versions, des parallèles, notamment les Evangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc).

Mais d’autres grilles d’analyse permettant aussi une lecture critique poussée du texte se sont développées plus récemment. Ce sont des méthodes d’interprétation du texte dites synchroniques, c’est-à-dire qui se concentrent sur l’étude du texte biblique tel qu’il se donne à lire dans son état final.

4. L’analyse rhétorique

Elle essaie d’identifier dans les textes du Nouveau Testament des artifices oratoires, des figures de style empruntés à la rhétorique classique gréco-latine. Cette approche a révélé notamment à quel point Paul utilise souvent cet art de la rhétorique dans ses écrits pour mieux convaincre ses lecteurs et mettre en valeur son message. L’analyse rhétorique permet par exemple, face aux phrases particulièrement longues de Paul et son développement de pensée dense et imbriqué, de discerner sa pointe principale.

5. L’analyse narrative ou «narratologie»

Elle se concentre sur la façon dont les récits sont présentés au lecteur en se demandant quel effet l’auteur voulait produire en racontant de telle façon l’histoire rapportée. Elle étudie par exemple les agencements des événements, la façon qu’a le narrateur de commenter en aparté une action avec humour ou jugement, les silences volontaires sur un aspect de l’intrigue… Cette lecture s’appuie sur le fait que tout texte biblique est un acte de communication délibéré d’un auteur à ses lecteurs et que celui-ci emploie de nombreuses stratégies pour atteindre son objectif.

6. L’analyse sémiotique ou structuralisme

Elle souligne que chaque texte est un tout, structuré par des arcanes identifiables et mettant en valeur le sens. Cette lecture vise donc à identifier l’architecture de surface du texte car la structure supporte souvent le sens et met en valeur une idée. Elle repère entre autre les inclusions, chiasmes, pointes émergentes, répétitions, synonymies ou antithèses.

7. Les approches socio-historiques

Ces tentatives de lire le texte biblique en recourant à des méthodes et modèles empruntés aux sciences sociales sont diverses : lecture anthropologique, qui a surtout porté sur l’étude du patriarcat ; lecture sociologique étudiant par exemple le rôle de la religion dans la société israélite ; lecture psychanalytique… Ces approches liées aux sciences humaines ont offert d’immenses découvertes sur les personnages bibliques, leur interaction et leur évolution, leur milieu, nous les rendant bien plus familiers et par là-même permettant une meilleure appropriation du texte par le lecteur.

C. Les limites de ces outils critiques

Si les bénéfices de tous ces outils critiques sont certains, ils présentent également des faiblesses. La lecture critique présente le défaut de sa qualité : si elle excelle dans la connaissance de l’aspect humain de la révélation, elle a en revanche tendance à réduire le texte biblique à cette dimension. Elle oublie parfois l’aspect révélationnel des Ecritures, en considérant la Bible comme n’importe quel autre livre étudiable. Or on ne dissèque pas un cadavre comme on opère un homme vivant ! Selon que l’on considère la Bible comme parole vivante ou comme recueil de textes anciens à étudier, l’approche et les résultats ne seront pas identiques.

Le risque de la démarche critique serait de trouver le miraculeux plutôt suspect et de vouloir trouver à tout prix une explication rationnelle à tout événement biblique. Ce n’est plus alors l’étude de la révélation, mais une reconstruction en des termes «acceptables».

De plus, ces grilles de lecture ont tendance à être peu sensibles aux questions d’actualisation du texte. Toute l’attention se porte sur l’origine, la forme, le contexte du texte et moins sur le sens voulu pour nous aujourd’hui.

Ce danger d’une certaine stérilité ou sécheresse se fait d’autant plus ressentir que la plupart de ses outils sont assez complexes à manier. Les résultats demandent une grande expertise pour être compris et le danger est de sombrer dans des débats de spécialistes auquel le lecteur de la Bible n’est pas en mesure d’avoir accès.

Pour finir, un dernier défaut de ces lectures serait la tendance de chaque outil mentionné de vouloir être appliqué sur tous les textes en toutes occasions. Par exemple il serait inapproprié de vouloir à tout prix chercher une explication psychanalytique à chaque fait et geste rapportés dans la Bible même si cette grille de lecture apporte des éclairages importants pour certains textes particuliers. De même, tous les textes ne peuvent être étudiés du point de vue de la rhétorique ou de la narratologie. L’utilisation d’un de ces outils ne doit pencher vers l’exclusivisme et empêcher le recours aux autres outils.

En bref

Une lecture uniquement scientifique du texte biblique risquerait de passer à côté de l’essentiel : nourrir la foi et la vie du lecteur. Toutefois, en dépit de certaines limites présentées ici, un rejet des outils d’une lecture critique serait une erreur dommageable pour comprendre les Ecritures. Le lecteur-chercheur est donc invité à développer une lecture critique du texte, en donnant à ce terme son sens premier : le souci de prendre au sérieux les textes.

Bibliographie

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L.VAGANAY et C.B.AMPHOUX, Initiation à la critique textuelle du Nouveau Testament, Cerf, 1986

R.DUPONT-ROC, P.MERCIER, Les manuscrits de la Bible et la critique textuelle, Cahiers de l’Evangile N°102

A.ROBERT et A.FEUILLET, Introduction à la Bible I et II, Desclée, 1959

F.F BRUCE, Les documents du Nouveau Testament, peut-on s’y fier  ?, Telos, 1977

Quelques livres pour aller pour loin

Alexandre WESTPHAL, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Empreinte Temps Présent, 2003

Xavier LEON-DUFOUR, Dictionnaire du Nouveau Testament, Seuil, 1976

Alan MILLARD, Des pierres qui parlent. Lumières archéologiques sur les lieux et les temps bibliques, Excelsis, 1998 Eric LUND et P.C.NELSON, Herméneutique. Comment interpréter la Bible, Vida, 1985 Gordon FEE et Douglas STUART, Un nouveau regard sur la Bible. Un guide pour comprendre la Bible, Vida, 1990

Gleason ARCHER, Introduction à l’Ancien Testament, Emmaüs, 1978

Concordance des Saintes Ecritures d’après la version Segond et synodale, Société biblique de Genève et du canton de Vaux

Les commentaires Edifac sur différents livres de la Bible

L’auteur  : Valérie Duval-Poujol est Doctorante en théologie (en exégèse)