4. LA « GUERRE » CONJUGALE

C’est un état durable, différent du simple désaccord en ce qu’on n’est plus en mesure de s’en sortir sans aide extérieure. Elle est marquée par :

A. L’exaspération permanente

Des périodes de calme apparent alternent avec des phases d’explosion. Tout chez l’autre devient irritant, les attitudes, les manies, les tics, les paroles, le rire, la voix. C’est l’inverse de la cristallisation amoureuse qui, selon Stendhal, pare l’être aimé, lors des premières rencontres, de toutes les qualités. On ne parvient plus à camoufler l’agressivité, même en présence de tiers. On affirme être indifférent à l’autre mais en fait on s’acharne à l’épier, à ruiner l’unité du couple.

B. La séparation émotionnelle

Si l’on n’y prend pas garde, les échanges s’empoisonnent rapidement, la communication se dégrade et revêt alors des formes destructrices : silence, critiques, humiliations, négation de la personne, disputes continuelles.

Il n’y a pas encore séparation effective, mais au niveau affectif le couple en tant qu’unité vivante est détruit. Les forces de mort, de destruction du couple (Thanatos) se sont substituées au désir de vie, de construction du couple (Eros). Ayant acquis une bonne connaissance de l’autre, on sait le frapper aux points douloureux. L’objectif premier est de se concurrencer, se nuire et s’entre-déchirer, quitte à utiliser les enfants comme otages, confidents ou instruments.

En règle générale hommes et femmes sont sensibles à la critique sur des points différents. Il est facile d’abîmer l’image qu’une femme a d’elle-même en s’attaquant à son apparence physique, vestimentaire, ou à la manière dont elle s’occupe de ses enfants.

Un homme sera plus sensible à des remarques visant ses capacités professionnelles, ou à ce qui se rapporte à sa virilité, comme l’éjaculation précoce, l’impuissance sexuelle.

Un homme blessera sa femme par ses commentaires, ou son absence de commentaires, sur sa cuisine ou ses vêtements. Si un homme fait cuire un steak, le sert à un ami et que celui-ci lui demande où il l’a acheté, il répondra probablement : «  Au supermarché ». Si un mari pose cette même question à son épouse, celle-ci lui répondra sans doute :  « Pourquoi, qu’est-ce qu’il a mon steak ? »

Une femme est habituellement très sensible aux remarques de son mari. Un homme déteste généralement qu’on lui montre ses erreurs, particulièrement en public. Une simple remarque sera perçue par lui comme une attaque ou un défi et engendrera automatiquement une réaction de défense.

Un individu sain ne recherche pas systématiquement les disputes. Un homme les fuit peut-être tout particulièrement parce qu’il pressent que sa femme ne s’en tiendra probablement pas à l’objet de la querelle et que son esprit logique ne parviendra pas à suivre.

Se faire critiquer, en public ou non, voir sa demande méprisée ou rejetée, être contraint à faire ce que l’on ne voudrait pas faire, être utilisé comme moyen de satisfaction égoïste, sont autant d’exemples, et la liste n’est pas exhaustive, de négation de la personne.

C. La déviation de la communication

Ne remplissant plus sa fonction positive de communion et d’amour, la communication subsiste cependant sous forme de messages soit courts et banaux, se limitant à l’essentiel, soit abondants : scènes de ménage, flot de paroles destructrices, disputes pour un oui ou un non. Souvent elle se réduit de plus en plus jusqu’à aboutir à un silence tendu ayant l’apparence de la paix (armée). Les altercations continuelles sont caractérisées par la défense contre la culpabilité personnelle (je me justifie puisque je suis la victime innocente), par la culpabilisation de l’autre et le besoin de punir : c’est à cause de l’autre que je rate ma vie, je dois donc le punir.

Voici ce qui se passe lorsque l’homme et la femme communiquent mal :

  • Leur communication, loin d’accroître la connaissance de l’autre et de ses attentes, n’a qu’une fonction offensive ou défensive, qui ne fait progresser en rien l’ajustement des perceptions.
  • Le langage et les gestes ne correspondent pas : des choses agressives sont dites avec le sourire, des choses banales de façon agressive.
  • Au lieu d’être dynamisants, gratifiants et recherchés, les échanges sont fatigants, inefficaces, donc on les fuit.
  • Chaque problème de couple en réveille d’autres ; on sort de son sujet pour finalement aller jusqu’à remettre en question même la relation amoureuse.
  • Au lieu de se parler l’un à l’autre en étant l’un avec l’autre, les partenaires se parlent sans être l’un avec l’autre. Ils cherchent à convaincre, esquiver ou manipuler.
  • Loin d’être accepté tel qu’il est, l’autre est considéré comme une source de frustration, récusé en tant que conjoint.
  • La communication se réduit à des paroles ou même à l’écrit (petits mots), on passe par les enfants pour échanger. La communication non verbale (regards, caresses, gestes de tendresse) est négligée.

D. Un sentiment d’aliénation

C’est la perte de la dignité de celui qui se voit contraint à un comportement. Un homme et une femme qui ne s’aiment plus doivent cependant continuer à vivre ensemble. La vie à deux est alors perçue comme une prison. Cette aliénation peut se traduire par des symptômes mentaux ou somatiques qui révèlent les difficultés éprouvées

Inversement certains chercheurs ont établi que le meilleur test objectif du bonheur dans le couple et de la vie familiale épanouissante est la bonne santé mentale des partenaires et l’absence de troubles psychologiques acquis chez les enfants.