LE PASSAGE DE LA COHABITATION AU MARIAGE

© Jacques et Claire Poujol, Conseillers Conjugaux et Familiaux. Pages extraites de leur livre « Vivre à deux – bien communiquer, gérer les conflits », Empreinte Temps Présent, 2012. Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.

 

La presque totalité des couples vivent ensemble avant de se marier. La cohabitation peut servir de refuge, occasionnel ou temporaire, ou bien elle a valeur de test, d’essai prénuptial (« On va voir si on est faits pour vivre ensemble ») ; parfois elle est un véritable substitut au mariage (On peut lire à ce sujet : Robert Grimm, Les couples non mariés, Labor et Fides, 1985). Son but est de nouer un compagnonnage, de quitter ses parents, d’être un antidote à l’angoisse de la solitude.

L’union libre met l’accent sur les aspects idéalisés et romantiques de la relation, c’est une relation fusionnelle qui sert de soupape d’échappement à de nombreuses tensions, surtout avec ses parents.

Une partie des cohabitants décident de se marier, sur l’insistance des familles ou après la naissance d’un enfant qui officialise, par force, leur couple. « L’enfant se fait le maire de sa mère », ironise France Quéré.

Mais ce passage à la mairie est très problématique : de nombreux partenaires ayant vécu maritalement pendant plusieurs années se séparent sitôt qu’ils sont mariés ! France Quéré dit que des cohabitations qui durent cinq ans ont plus de chances de se rompre que celles qui durent six mois, et elle ajoute (La famille, Seuil): « On ne se mariait plus pour éviter les divorces, mais en ne se mariant pas on augmente les séparations. »

Pourquoi l’officialisation d’une union libre entraîne-t-elle de telles conséquences ? Cela vient surtout de ce que le mariage exige une implication personnelle mais aussi dans la société, une compatibilité des époux dans tous les domaines de la vie. Il ramène à la réalité (l’amour rend aveugle, le mariage rend la vue, dit-on !), révèle les véritables personnalités en les confrontant aux choix décisifs concernant la profession, l’argent, le mode de vie, l’éducation des enfants, etc.

Par ailleurs la régularisation ne change en rien le quotidien des cohabitants, ce qui crée chez eux une profonde déception, surtout chez certains qui, traversant quelques orages dans leur couple, attendaient un effet magique du passage devant le maire. Il est vrai que le mariage peut difficilement leur apporter quelque chose, puisqu’ils vivaient déjà comme des gens mariés…

Et surtout, en se mariant, les concubins découvrent peu à peu le pas énorme qu’ils ont franchi et dont ils n’ont peut-être pas bien mesuré l’importance : ils sont passés d’un « Nous nous aimons ici et maintenant, ‘on’ verra bien si ‘ça’ marche à l’avenir… » à « Je promets de t’aimer pour la vie entière, jusqu’à ce que la mort nous sépare, pour le meilleur et pour le pire. »

Que voulait dire ce « on » et ce « ça », sinon qu’ils étaient des spectateurs du film de leur amour ? Une fois mariés, ils se découvrent engagés à devenir des acteurs de leur couple. Ils sont passés de l’indépendance à l’engagement, du doute à la foi, de l’individualisme à la soumission mutuelle, de l’ici et maintenant à la vie entière. C’est un changement radical ! Ils sont passés du prêt à l’autre au don à l’autre. Don qui, seul, crée la rupture et donne la base d’une création nouvelle : le couple.

Cet engagement à aimer dans la durée, dans le temps, peut-être pour les cinquante années à venir, la même personne, peut leur donner le vertige a posteriori. Ils se rendent compte du risque qu’ils viennent de prendre, de l’imprévisibilité de l’avenir, de la folie de leurs promesses. Ils « sont condamnés à des noces d’or et cela leur pèse comme du plomb », dit France Quéré…