INCIDENCES PSYCHOLOGIQUES DE LA DOULEUR CHEZ L’ENFANT
Catherine Lestang, Docteur en psychologie
Introduction
Quand en 1946 Spitz décrivait les effets de l’hospitalisme (Spitz R . De la naissance à la parole, la première année de la vie de l’enfant. P.U.F. Paris, 1968), c’est-à-dire l’impact de la séparation sur de jeunes bébés, il mettait en évidence que la perte de l’objet maternel créait une souffrance tellement importante qu’elle pouvait conduire à la mort.
Quand la douleur physique s’abat sur un enfant, quel que soit son âge, et nous reviendrons sur ce point, la douleur dont il ne comprend pas l’origine, et qui parfois perdure, tant que le l’origine exact du symptôme n’est pas trouvée, provoque chez lui un vécu de désarroi, une projection du mal sur la mère qu’il ressent comme une maman abandonnante.
A la souffrance somatique se joint alors une autre douleur, plus psychique mais qui est inséparable de l’autre. Même si un jour on arrivait à contrôler la douleur en chirurgie post-opératoire, on ne peut gommer ni la réaction de l’entourage, ni le comportement de l’environnement, ni l’influence de la séparation, ni de la perte des repères et de l’autonomie, ni l’interprétation que l’enfant va donner à ce qui lui arrive.
Ces autres éléments font en quelque sorte corps avec la douleur et peuvent majorer celle-ci considérablement. Car un enfant qui a peur est souvent un enfant plus douloureux qu’un enfant qui se sent en sécurité. Ces éléments sont fonction de l’âge de l’enfant et de la qualité et de la permanence de ses représentations internes. Ils sont liés à un contexte socio-familial et culturel différent pour chaque enfant (capacité pour les parents de reconnaître les signes de souffrance chez leur enfant et d’y répondre de manière adaptée), mais aussi à son développement psycho-affectif et psycho-intellectuel.
Ils restent difficiles à évaluer mais ils auront une incidence sur les douleurs ultérieures, car le corps surtout chez l’enfant petit, qui n’a pas de mots pour le dire, l’enregistre, et toute nouvelle douleur réactive le passé et tous les événements qui l’ont accompagnée. L’angoisse des parents est également ressentie par le jeune enfant. Elle peut avoir elle aussi une incidence. Ceci explique que des enfants opérés très tôt dans leur vie, à une époque où la douleur n’était pas gérée comme elle l’est maintenant, sont des enfants ou des adolescents qui nécessitent plus de calmants que les autres, comme si le seuil de tolérance à la douleur fonctionnait différemment.
Je voudrais avant de présenter des effets psychologiques de la douleur chez l’enfant proposer quelques cas cliniques qui correspondent à ma pratique en milieu hospitalier et qui essayent de mettre en évidence les effets psychologiques de la douleur somatique..