2. Les composantes psychologiques de la douleur chez l’enfant

Quand une douleur se manifeste dans le corps de l’enfant, surtout quand il est petit et ne dispose pas de la parole, il va falloir la décoder et y répondre le mieux possible, voire le plus rapidement possible.

A. Le lieu de la douleur

La douleur « attaque » en un endroit donné, et cet endroit n’est toujours facile à décrire. Le bébé s’agite dans tous les sens pour dire qu’il a mal, mais ne montre pas où est le siège de la douleur. Romain mettait sa main dans sa bouche pour dire qu’il avait mal à l’estomac. Certains enfants, surtout les bébés changent totalement de comportement : par exemple, ils refusent totalement de manger.

Tout changement de comportement doit être pris très au sérieux, car c’est ainsi qu’un enfant très jeune ou qui ne dispose pas d’un cerveau intact (je pense ici aux enfants et adolescents lourdement handicapés), traduisent leur mal être sans pouvoir localiser la douleur. Le lieu a aussi une importance psychologique. Avoir mal aux jambes c’est ne plus pouvoir marcher, avoir mal au ventre, c’est d’une certaine manière ne plus pouvoir manger. Et les représentations sont différentes en fonction de l’âge et peuvent être vécues comme la réponse à une culpabilité inconsciente.

B. L’intensité

Il faut évaluer l’intensité de la douleur. La description n’est pas si aisée que cela. Les termes employés en cas de douleur aiguë : « ça pique, ça brûle, ça lance, ça fait comme un coup de poignard, voire comme une décharge électrique », sont toutes là pour indiquer que la douleur est vécue comme une effraction. Le corps est donc fragile, il ne nous protège plus contre les agressions externes ou internes. Nous ne sommes donc pas tout-puissants mais dépendants.

Personne n’a pu empêcher cette agression. La douleur peut donc provoquer une colère, une révolte contre nous mais aussi contre le monde entier. Quand la douleur est provoquée par une maladie grave qui n’est pas encore identifiée, elle développe un sentiment d’abandon, même si les parents sont présents. Car même présents ils ne peuvent éviter le changement dû à l’hospitalisation, les séparations dues à certains examens, les suites opératoires, etc.

Parfois, la douleur est trop intense elle provoque chez les petits un important repli sur soi, avec une attitude antalgique d’atonie psychomotrice, avec une absence totale de communication, et chez les plus grands (voire supra Leila), un véritable désir de mort pour échapper à cette douleur dévorante. Alors se mêlent des sentiments de révolte, des sentiments de haine envers les autres et un authentique sentiment de dépression liée à la totale impuissance.

C. La durée

Une douleur qui dure, crée une différence entre soi et l’autre qui se traduit bien souvent par un sentiment de persécution : « tu ne peux pas comprendre, tu n’es pas à l’intérieur alors je me referme sur moi, sur ma douleur, et je t’en veux ». Le vécu douloureux provoque une agressivité importante vis-à-vis de la personne qui compte le plus pour nous à ce moment-là. C’est une attitude qui se voit fréquemment à l’hôpital où les enfants petits au lendemain d’une intervention boudent la maman, tourne la tête quand elle arrive, refuse d’être touché et câliné. Cette agressivité est très difficile à supporter par les parents qui doivent déjà faire face à leur propre angoisse et qui se sentent rejetés et totalement démunis.

D. La régression

Il est courant de dire que la maladie, la douleur provoque chez le bébé ou chez l’enfant une régression. Cela veut dire qu’il y aurait reprise de comportement infantiles : se faire alimenter, se faire laver etc. Ceci peut être vrai pendant le moment où l’enfant est encore trop secoué par ce qu’il vient de vivre pour reprendre son autonomie. Cela est très fréquent chez les enfants « polyhandicapés » qui n’ont aucune notion du temps et qui ne pouvant comprendre la finalité d’une intervention destinée par exemple à lutter contre une attitude « vicieuse » des hanches.

Le seul moyen pour eux d’exprimer leur mal être est par exemple de revenir à un comportement présentant une symptomatologie d’autisme (jeux stéréotypés, salivation importante, etc. Mais la pulsion de vie (là je fais à nouveau référence aux travaux de Winnicott), est chez un enfant normal très puissante et dès que la cause (ou les causes) de la souffrance diminuent suffisamment pour qu’il puisse reprendre confiance en lui, la vie redémarre.