LES HOMMES « MUETS »

 

Une des plaintes les plus fréquemment entendues par les conseillers conjugaux est la suivante: « Mon mari ne parle pas, n’exprime pas ses sentiments. »

Au début, lorsqu’un homme courtise une femme, il paraît ouvert et expansif, mais une fois marié, il se sent subitement prisonnier de celle-ci, et c’est alors qu’il s’enferme dans le mutisme.

Plusieurs raisons expliquent que certains hommes soient peu communicatifs.

• D’abord, les petits garçons ont plus de difficultés que les fillettes à s’exprimer verbalement, ce qui diminue leur confiance en eux, et cette insécurité demeure parfois jusqu’à l’âge adulte.
• Une deuxième raison au repliement affectif de certains hommes est le syndrome d’Ulysse.

Rappelons que dans l’Odyssée, Ulysse doit traverser le détroit de Messine dont les côtes rocheuses sont habitées par des sirènes aux chants merveilleux : des milliers de marins ont péri, attirés par le chant de ces sirènes.

Semblable à Ulysse, l’homme a peur que sa virilité soit détruite s’il se rapproche des femmes. Luttant contre son désir il se ligote fermement au mât de sa virilité. L’homme a peur de trop s’attacher à la femme et d’en devenir dépendant.

Qu’y a-t-il derrière cette peur ?

La première privation et la blessure la plus profonde du petit garçon est la séparation d’avec sa mère, qui marquera à tout jamais sa vie affective. Aucune mère ne peut en effet répondre parfaitement aux attentes de son fils, elle a un mari, d’autres enfants, un métier.

A l’âge adulte, suite à cette expérience décevante, l’homme d’une part voudrait retrouver auprès d’une femme l’affection maternelle perdue, et d’autre part a peur de cette intimité. Il va ressentir haine et crainte à l’égard de sa femme, la dévaloriser, lui être hostile ou indifférent. Il peut donc en arriver à se méfier instinctivement de sa compagne et surtout de son arme préférée : les larmes.

• La relation père/fils influe également sur l’incapacité à s’extérioriser.

Un homme dont le père jouait au patriarche aura tendance à dominer sa propre épouse. Un père apprend à son fils ce qu’est un mâle viril. Un père exigeant, distant, froid, réservé, absent (physiquement ou affectivement) enseigne inconsciemment à son fils qu’il doit être indépendant, et qu’il doit se préserver de toute relation affective.

En rejetant les tentatives de son fils de se rapprocher de lui et en refusant de lui manifester de la tendresse, le père lui apprend que « cela ne se fait pas » de manifester de l’amour.

C’est la raison pour laquelle un homme est incapable d’aimer une femme tant qu’il n’est pas sûr d’avoir obtenu l’amour de son père. Reproduisant la froideur de son père à son égard, il restera de marbre devant sa compagne quand elle le suppliera : « Parle-moi ! Aime-moi ! Serre-moi dans tes bras ! »

• Une épouse peut faire beaucoup pour aider son mari à s’extérioriser, si elle parvient à devenir sa meilleure amie.

En tout mari taciturne sommeille un homme communicatif qui n’attend que l’aide de sa femme pour sortir de sa prison de silence.

Elle s’efforcera d’abord de comprendre pourquoi il s’est construit une telle carapace de mutisme. Elle lui montrera l’exemple de la vulnérabilité et de la transparence. Si elle est franche sur ses faiblesses et ses besoins, cela peut inciter son compagnon à le devenir aussi. Elle ne monopolisera pas l’expression des sentiments dans le couple, ce qui voudrait dire qu’elle tient pour acquis que l’homme est incapable de parler.

Une femme peut apprendre à son conjoint à s’exprimer en lui posant des questions précises sur son passé, son enfance, en lui confiant un secret et en lui demandant de lui en confier un aussi, en le touchant physiquement ; en effet pour un homme (contrairement à la femme), une caresse est plus significative qu’un « Je t’aime ».

Il sera plus facile à une femme d’aider son partenaire si elle discerne à quel type de maris silencieux il appartient (Gregory W. Smith et Steven Naifeh, Ces hommes qui ne communiquent pas, Le Jour).

• Le cas le plus fréquent est celui de l’homme fort, viril, maître de lui, indépendant, courageux. Le plus difficile sera de capter son attention. Dans un tel couple, les conjoints consacrent parfois moins de trente minutes par semaine à converser ! Une femme aura intérêt à lui expliquer franchement qu’elle a besoin de sa présence et de son affection, car il ne le devinera jamais tout seul.
• Il y a aussi le bourreau de travail, pour qui le fait qu’un jour ne compte que vingt-quatre heures est une véritable tragédie ! La réussite professionnelle compte pour lui plus que son épouse et ses enfants.
• Un autre type est l’ours solitaire, qui n’attend rien de personne, et se montre indifférent à tous, parfois depuis son enfance ; non seulement rien ne peut le faire sortir de sa coquille, mais on s’aperçoit vite que la coquille elle-même est vide. Une femme mariée à un tel homme peut s’en accommoder si elle a une vie très indépendante et n’a pas de grands besoins affectifs. Sinon, elle devra admettre, tôt ou tard, qu’il n’y a aucun espoir : le glaçon ne fondra jamais, autant le laisser geler tout seul.
• Il y a enfin le séducteur, qui exprime des sentiments qu’il n’éprouve pas. C’est plus grave que d’éprouver des sentiments sans pouvoir les exprimer, comme la majorité des hommes. En fait, le charmeur est mort sur le plan affectif. Il sait manipuler les femmes, les séduire, mais il est très insécurisé : il doute de sa virilité et cherche sans cesse à se la prouver par ses conquêtes féminines. L’épouse d’un don Juan n’a qu’une solution : rester toujours un peu hors de sa portée, maintenir l’équilibre des pouvoirs, lui résister.