4. Le rôle du thérapeute

Au terme de cette brève description des interactions et des structures familiales, on peut se poser la question : que faire ? Comment procéder pour libérer les victimes d’un système dysfonctionnel ? C’est avant tout la question à laquelle tout thérapeute ou conseiller en relation d’aide doit répondre. Dans la perspective donnée par ces rencontres sur l’émergence du sujet, je crois que le thérapeute doit aider à la différenciation. Qu’est-ce à dire ? Reprenons quelques-uns des éléments décrits précédemment.

A. Clarifier les interactions, rôles, héritages

La première tâche du thérapeute est de mettre en lumière les vrais problèmes, souvent sous-jacents à ceux que perçoit le client. Ce n’est pas de trouver des solutions immédiates au symptôme observé, car elles ne touchent pas la racine du mal. Le thérapeute fournira des outils d’analyse à ses clients, qui permettront de clarifier les relations et intentions, définir les vrais problèmes, identifier les rôles (la représentation symbolique), discerner les héritages. L’utilisation du génogramme (arbre généalogique schématisé) permettra de repérer visuellement les alliances, les conflits, les transmissions générationnelles. Il permettra également d’évaluer les liens affectifs, les ruptures, les jeux de pouvoir, la place de chacun dans la trame familiale.

B. Désenchevêtrer et différencier

Dans beaucoup de situations, la proximité des protagonistes est telle que chacun croit savoir ce que l’autre pense ou veut, ce qui donne lieu à toutes sortes de malentendus. Le milieu chrétien renforce encore cette difficulté. Paradoxalement, cette proximité les éloigne, par de fréquentes projections réciproques. Une impulsion de différenciation est nécessaire. Un thérapeute de famille connu en a décrit le principe : « Se séparer pour s’unir ». Cette différenciation favorise le retour à la réalité du soi authentique, pour une relation renouvelée et créatrice de vie.

Nous sommes là au cœur de mon propos. Mais cette démarche correspond t-elle au dessein de Dieu ? Je ne peux mieux faire que de citer Jeanne Farmer, dans son livre « Je comme unique » :

« La fusion est l’ennemi de la vraie intimité : c’est croire profondément que pour être proches il faut être semblables. Or Dieu nous a créés différents. Mais dans la mesure où nous croyons que nos différences sont une menace pour la relation, nous aurons tendance à les gommer, à essayer d’être ce que l’autre souhaite que nous soyons, et notre relation ne sera pas complètement authentique. L’intimité, au contraire, grandit avec notre capacité de nous accepter les uns les autres tels que nous sommes vraiment.

Qu’est-ce qui nous donne la force d’agir différemment de nos traditions familiales, d’assumer nos responsabilités et pas celles de nos proches ? Pour répondre à cette question, il faut trouver une motivation plus profonde que l’influence familiale : la voix de Dieu dans notre vie. Il faut chercher à comprendre ce qu’Il veut pour notre vie, et à écouter cela plus que toutes les autres « voix » qui essaient de nous dire qui nous sommes et quel est le sens de notre vie. Notre entourage nous donne toujours une image plus ou moins déformée de nous-mêmes et de ce que nous devrions être. Seul Dieu sait quel est notre véritable destin, le genre de personne que nous sommes appelés à devenir dans la ressemblance avec le Christ. C’est pour cela que Jésus dit que celui qui ne le préfère pas à son père, sa mère, et toute sa famille, ne peut être son disciple. C’est cette voix de Dieu, par Sa Parole et le Saint-Esprit, qui nous guide et nous donne la force de changer par rapport à cet héritage que nous avons reçu de notre famille d’origine. »

C. Détrianguler

Il s’agit d’identifier à qui appartient le problème. Quelle frustration, quel conflit n’a pas reçu de solution satisfaisante dans cette relation ? Un vrai travail personnel ou relationnel sera entrepris entre les deux premières personnes concernées. Celle qui porte le symptôme sera encouragée à renoncer à son rôle de sauveteur.

D. Assouplir sans culpabiliser

Lorsqu’une personne et ses relations sont rigidifiées, souvent par besoin de protection, et provoquent donc des contraintes inconscientes sur l’entourage, il s’agira de manifester de l’empathie pour cette insécurité sous-jacente. Puis d’amener progressivement la personne à se libérer de ses peurs. Ses rapports avec les autres deviendront plus souples, parce qu’elle se sentira moins menacée. La notion de faute est à proscrire : ce serait une culpabilité inutile, car le fond du problème est ailleurs.