1. La famille est-elle un lieu sûr ?

Il y a quelques années, dans le cadre d’une rencontre inter-églises consacrée à la prière pour nos familles, on m’avait demandé d’introduire sur le thème : « La famille, un lieu sûr ». L’intention théologique était claire, mais je me suis interrogé en tant que thérapeute de couples et de familles : en ce début de 21e siècle, la famille est-elle vraiment un lieu sûr, en particulier dans nos contextes chrétiens ? Je constate que la réalité n’est pas aussi édifiante que cela. Lorsqu’il y a un problème, il est essentiel de comprendre où il se situe. Je peux faire l’examen à plusieurs niveaux.

Au niveau personnel, il peut y avoir des questions non résolues, telles qu’elles ont été transmises par les générations précédentes. Une personne peut avoir un problème existentiel, lié ou non à un traumatisme d’enfance ou porter en soi un conflit non résolu.

Au niveau relationnel, l’enfant devenu adulte peut avoir été conditionné par le système familial – nous y reviendrons – et être victime de manipulations, de chantage affectif, voire de triangulation. Il est indispensable d’identifier ces dysfonctionnements, qui sont préjudiciables à de bonnes relations familiales.

Au niveau conjugal, mentionnons les difficultés de communication liées à des attentes différentes ou à une méconnaissance de soi et de l’autre. On le sait, beaucoup de couples se forment inconsciemment pour guérir un manque ou une frustration, qui se révèle impossible à satisfaire.

Enfin, au niveau parental, les enfants, chercheurs de vie, sont souvent les révélateurs des refoulements ou des incohérences des adultes. L’autorité parentale peut malheureusement être abusive et empêcher un développement sain de l’enfant.

Le fondement de la famille, c’est le couple. C’est un homme et une femme qui s’aiment… Mais de même qu’il n’y a pas d’homme idéal ou de femme idéale, il n’y a pas de famille idéale non plus. Chaque personne a son histoire, son héritage familial, ses attentes, ses blessures, etc. Cela influence son caractère, ses réactions, ses tolérances ou intolérances. Il ne faut pas fermer les yeux sur ces réalités, ni les spiritualiser de telle manière qu’on en vienne à croire que les problèmes peuvent se résoudre facilement. Il faut savoir qu’il n’y a aucun automatisme, fût-il même spirituel, qui marche. Veiller sur son âme (Deutéronome 4,9) est un travail ! Dieu veut évangéliser nos profondeurs.

La famille, en bien des endroits, est en crise… même chez des chrétiens qui se croyaient à l’abri. Ce qui tenait lieu de base solide, la foi en Dieu, la conversion, la Parole de Dieu, l’action de l’Esprit, ne peut faire barrage à des forces d’éclatement. Nous retrouvons le dilemme de Paul : « Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas ».

Parmi les outils d’analyse et d’intervention auprès des familles, j’aimerais développer ceux qui relèvent de ma spécificité : l’approche systémique, qui examine les relations et interactions entre les membres, ainsi que les rôles que chacun remplit. Pour cela, nous devons comprendre que la personne porteuse du problème, appelée le « patient désigné », est le symptôme d’un dysfonctionnement familial. Elle indique inconsciemment par-là qu’elle cherche à résoudre un problème familial ou à protéger ses proches d’un mal plus grand.