3. LES CONFLITS CONJUGAUX SONT DONC INEVITABLES

Si certains foyers connaissent l’harmonie, chez d’autres c’est plutôt « l’enfer », selon l’expression de Sartre.

Tous les partenaires souhaiteraient une coexistence pacifique, mais elle se révèle problématique. On vit difficilement seul, mais il est par ailleurs difficile de vivre à deux. Chacun a besoin que l’autre l’accepte, mais inévitablement surgissent des désaccords, à cause des différences.

Quel que soit le degré d’amour, de respect, de compatibilité, de rapprochement entre un homme et une femme, il y aura toujours des instants où leurs droits, leurs actes, leurs besoins, leurs sentiments, s’affronteront. Il est impossible et même, il n’est pas souhaitable, que deux êtres pensent, ressentent ou agissent continuellement de façon identique.

Transportons-nous un instant par la pensée à l’aube de l’humanité. Lorsque Dieu créa l’homme et la femme, il leur ordonna de « cultiver et de garder » l’espace où ils vivaient, ce qui incluait de cultiver leurs relations.

A cette époque, il y avait naturellement déjà des conflits, des heurts, mais ceux-ci n’avaient aucune connotation négative. Ils signifiaient seulement qu’entre deux personnalités créées différentes se produisaient des divergences, des oppositions qui pouvaient être gérées, donc résolues de manière satisfaisante. Nous pensons que l’homme et la femme étaient destinés à croître, à évoluer et à s’épanouir en s’enrichissant précisément de leurs différences. Bien que dissemblables, ils étaient égaux, de même nature et de même dignité, et complémentaires.

Après des moments de bonheur, d’unité dans l’acceptation des différences et des limites de chacun, au sein du premier couple apparurent la zizanie, l’accusation, le désaccord. Adam et Eve éludèrent tous les deux leur responsabilité en accusant quelqu’un d’autre. Adam s’en prit à Eve et à Dieu qui l’avait créée: « La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre et j’en ai mangé. » Et Eve reporta la faute sur le serpent.

Pour le théologien Gérard von Rad, « cette parole de disculpation est le signe d’une communion désormais brisée entre êtres humains. La solidarité du péché dans laquelle ils sont maintenant unis devant Dieu est leur dernière solidarité qu’ils refusent de reconnaître. L’homme dénonce et trahit la femme. Le péché commis ensemble n’a pas uni mais isolé les humains. » Puis la division gagna les deux fils du couple. Caïn tua son frère Abel.

Les rapports entre les hommes furent marqués à partir de ce moment-là par la perte de la capacité de gérer leurs dissemblances et leurs divergences. Celles-ci, de constructives qu’elles étaient, prirent une connotation destructrice. Ne sachant s’enrichir de leurs différences et accepter leurs oppositions, les hommes se firent du mal les uns aux autres.

Souvenons-nous que les deux pôles structurants d’un être humain comme d’un couple sont: l’amour et le conflit.

On est tenté de croire que, par sa nature même, le couple serait le lieu de la confiance, de l’entente, un havre de paix au milieu d’une société conflictuelle. Que deux êtres qui se sont mis ensemble parce qu’ils s’aimaient, aient des désaccords, semble inacceptable. Parce qu’ils pensent qu’ils ne devraient pas en avoir, ils les nient. Ils ont intérêt plutôt à les reconnaître, à accepter le fait que leur couple est soumis aux mêmes problèmes relationnels que tout autre groupe. Ils ne doivent pas vivre dans l’utopie, car cela comporte des dangers.