LES PROBLÈMES SEXUELS, UN LANGAGE

© Jacques et Claire Poujol, Conseillers Conjugaux et Familiaux. Pages extraites de leur livre « Vivre à deux – bien communiquer, gérer les conflits », Empreinte Temps Présent, 2012. Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.

 

Réjouis-toi toujours de vivre

avec celle que tu as choisie dans ta jeunesse,

et rends-la heureuse.

Ta femme est aimable, et gracieuse comme une gazelle.

Que son corps te comble toujours de joie.

Sois sans cesse heureux de son amour.

(Proverbes 5.18-19)

Lorsqu’un couple souffre d’un problème sexuel, nous conseillons, éventuellement, de consulter un médecin, un sexologue ou un psychothérapeute. Leur intervention se révèle en général efficace, puisque, selon le sexologue Réjean Tremblay (Couple, sexualité et société, Payot), sur cent patients qui consultent, 65 constatent une amélioration importante, 25 une amélioration moyenne, et 10 ne voient aucun changement. Ces améliorations sont dues pour 65 % au travail sur soi qu’effectue le client (ou le couple), pour 25 % à la relation qui s’établit entre le thérapeute et le client (ou le couple), et seulement pour 10 % à la mise en application d’une technique spécifique.

Le problème sexuel est un langage. C’est une règle : il n’y a pas de sexualité satisfaisante dans une ambiance quotidienne défectueuse. Tel un sismographe sensible, l’activité sexuelle enregistre la qualité du climat qui règne dans le couple.

Cette règle a des exceptions : pour certains ménages en crise, l’acte sexuel est utilisé pour combler tous les autres manques en tendresse, en partage, en communion. Le coït est accompli même sans amour. De fait, le véritable test d’intimité est le baiser, non le coït, a dit un sexologue connu.

Les tensions se reportent sur le plan sexuel parce que la sexualité est la seule de nos pulsions qui se situe au carrefour du biologique, du psychologique, du spirituel et du social. On est dans sa sexualité comme on est dans sa vie.

Le symptôme sexuel a dès lors valeur de langage. Il permet de dire à l’autre combien on est insatisfait de la vie à deux, de mettre en accusation la personnalité de l’autre, l’ennui qu’il procure, son comportement passif ou dominateur, son manque de tendresse, la présence non souhaitée d’une belle-mère, etc.

En bref le symptôme sexuel quel qu’il soit est l’expression de l’agressivité et du ressentiment. Si l’on n’est pas « proche », c’est que l’on « reproche » quelque chose au partenaire ou, souvent, à une autre personne qui nous fait (ou nous a fait) du tort.

1. Les pratiques sexuelles imposées ou refusées

Dans certains couples, la sexualité reste un tabou, pour diverses raisons. Chacun s’est constitué son propre code du permis et du défendu. Ce n’est souvent qu’après le mariage que les époux découvrent leurs conceptions différentes sur certaines pratiques sexuelles.

Le cas inverse existe, mais c’est le plus souvent l’homme qui voudrait imposer à sa compagne des pratiques sexuelles qu’elle réprouve ou qui la dégoûtent, ou lui interdire ce qui lui procurerait du plaisir. Ce qui pour lui est légitime et normal est ressenti par son épouse comme anormal, immoral ou même pervers.

Ils auront avantage à aborder franchement ces questions, et à s’engager à toujours se respecter mutuellement, sinon cela risque de créer entre eux une mésentente grave. Pour Freud, il y a perversion quand le partenaire n’est plus Sujet, mais objet de désir.

Par ailleurs, avec les années qui passent, les inhibitions sexuelles diminuent, et il arrive que l’homme et la femme se sentent plus libres dans leurs demandes concernant les pratiques amoureuses.

2. Les rapports sexuels douloureux (ou impossibles: vaginisme)

Vingt pour cent des femmes souffrent de douleurs (dyspareunies) lors de la pénétration vaginale ou lors des mouvements coïtaux, mais seulement 2 % d’entre elles consultent.

Ces douleurs ont parfois des causes organiques objectives qu’il faut alors traiter, mais souvent c’est un symptôme ayant une signification, un langage, un appel au secours, une plainte.

La femme peut se punir inconsciemment de ses fantasmes ou de ses actes adultérins, de mal élever ses enfants, etc. Ou bien elle extériorise dans son corps les principes éducatifs qu’elle a reçus selon lesquels sexualité = péché. Elle exprime sa peur, réelle ou imaginée, de l’homme et de son pénis, en conséquence d’abus sexuels qu’elle a subis. Bref elle focalise dans ces douleurs génitales toutes ses phobies, inquiétudes, difficultés psychologiques.

Si ces douleurs ne sont pas verbalisées et soignées auprès d’un thérapeute, elles risquent d’évoluer vers la disparition du désir ou du plaisir sexuels ou vers le vaginisme : les muscles entourant le vagin se contractent de façon spasmodique, rendant impossible toute pénétration. Ce trouble physique doit être traité au niveau psychologique, car le blocage se situe dans l’esprit de la femme.

Dyspareunies et vaginisme trouvent leur origine dans une éducation sexuelle insuffisante ou culpabilisante, dans la crainte d’avoir mal lors de la pénétration, ou dans des traumatismes sexuels passés, qui sont, hélas, fréquents et qui ont des conséquences dans la vie sexuelle du couple.

La consultation d’un spécialiste permettra à la femme de verbaliser ce qui a déclenché les douleurs, de s’informer sur son anatomie, d’apprendre à se relaxer, etc.

L’homme a moins tendance que la femme à reporter sur la sphère génitale ses difficultés psychologiques. Les douleurs lors des rapports ont chez lui le plus souvent une origine physique et exigent une consultation médicale rapide.

3. L’éjaculation prématurée

Selon une enquête récente, 74 % des hommes ont reconnu être inquiets sur leur capacité à maintenir leur érection assez longtemps pendant le coït. Ce trouble affecte réellement 44 % des hommes mariés depuis moins de deux ans, et seulement 26 % des hommes ayant entre cinq et dix ans de mariage. Souvent ceux-ci ont souffert, enfants, d’énurésie nocturne. L’homme ressent une grande souffrance, une honte, un déshonneur, un échec pour sa virilité et même son identité : il n’est pas un « vrai homme », capable de procurer des orgasmes à sa partenaire.

Certaines femmes prennent ce problème avec philosophie, mais d’autres commencent par se sentir coupables, puis deviennent agressives, se résignent, prennent un amant, et finalement quittent leur mari.

Willy Pasini distingue cinq types d’hommes souffrant de ce trouble (Le temps d’aimer, Odile Jacob) :

  • Le surexcité est le plus fréquent (70 % des cas). Il mange vite, parle vite, et éjacule trop vite aussi. C’est un grand anxieux. Le traitement consistera à calmer son anxiété, se relaxer, augmenter sa maîtrise de soi, apprendre des techniques simples de contrôle de l’excitation sexuelle.
  • L’émotif, lui, ne perd la tête qu’au moment de la pénétration. Son éducation sexuelle a été rudimentaire ou répressive, si bien que la « Femme » est pour lui une terre mystérieuse et effrayante, l’objet d’attentes démesurées. Le thérapeute lui fournira des informations anatomiques sur les mystères du corps féminin, et le fera réfléchir sur le fantasme du « vagin dangereux ».
  • Le craintif considère le corps féminin comme négatif voire dangereux. Il préfère donc ne pas trop s’y attarder, une fée pouvant cacher une sorcière. La relaxation est ici insuffisante, une psychothérapie est conseillée.
  • L’impuissant craint toujours de ne pas pouvoir maintenir son érection et se dépêche de jouir avant qu’elle ne cesse. Cette précipitation est plutôt le lot des hommes d’âge mûr. Ici, c’est l’impuissance qui doit être traitée.
  • Le vindicatif éjacule volontairement trop vite pour punir son épouse, lorsqu’il a un grief grave contre elle. Là, c’est la mésentente conjugale qu’il convient de traiter.

4. Les problèmes sexuels liés à la stérilité

Dix pour cent des ménages ne peuvent avoir d’enfants, et quinze pour cent en ont moins que prévu parce qu’ils ont des difficultés à concevoir.

La stérilité est souvent vécue comme un échec et met à rude épreuve les partenaires, y compris dans leur sexualité. Dans le cas où l’épouse sent qu’elle n’est pas vraiment femme tant qu’elle n’est pas mère, cette frustration risque de lui barrer l’accès au plaisir et même d’affaiblir son désir.

Lorsque le mari ressent sa stérilité comme un manque de virilité, il peut perdre ses capacités érotiques et même se voir rejeté par sa compagne.

Si les conjoints suivent d’interminables et pénibles traitements dans l’espoir d’une grossesse, les rapports sexuels n’ont plus comme finalité le plaisir mutuel ; ils s’unissent avec l’unique obsession de parvenir à une fécondation.

Parfois des époux qui ne parviennent pas à surmonter la blessure narcissique infligée par la stérilité, finissent par divorcer. Il leur paraissait évident qu’ils pourraient avoir un enfant quand ils le voudraient. Le constat de stérilité a frappé l’équilibre de leur foyer, d’autant plus que ce n’est pas quelque chose que l’on prévoit en se mariant.

Que ce soit l’homme ou la femme qui est stérile, c’est une souffrance du couple, qui doit être portée, verbalisée et soignée à deux.

5. Les troubles de l’érection

Cette incapacité à obtenir ou à maintenir une érection pour accomplir l’acte sexuel est le motif masculin le plus fréquent de consultation en sexologie. L’impuissance peut être totale ou partielle, chronique ou momentanée, et elle a des causes organiques variées (maladie, fatigue) ou psychologiques : la dépression, la culpabilité, la colère, des traumatismes sexuels dans le passé, la peur de l’échec ou une période de chômage.

Nous insisterons sur la peur de l’échec et sur la fatigue.

  • Notre société privilégie la puissance et le succès. S’il a été une fois dans sa vie incapable d’avoir une érection, l’homme craindra de tomber à nouveau « en panne ». Cette angoisse l’empêchera d’avoir une érection et il en ressentira un sentiment d’échec. Si cette peur de ne pas avoir d’érection devient habituelle, l’homme développe une névrose d’échec et devient un impuissant chronique. C’est un cercle vicieux.
  • Quant à la fatigue, elle est le prétexte le plus souvent invoqué par l’homme lorsqu’il craint de ne pas parvenir à « assurer ». Il n’y a rien qu’il redoute autant que l’impuissance, rien qui l’humilie davantage devant sa femme. S’il ne se sent pas sûr de lui, il préfère dire qu’il est fatigué et d’ailleurs souvent, il l’est effectivement, en particulier lorsqu’il rentre du travail. La testostérone (l’hormone sexuelle mâle) est à son niveau le plus bas à 23 heures, à son niveau le plus haut à 8 heures du matin.

Les traitements de l’impuissance sont médicaux ou psychologiques, selon les causes. S’il s’agit d’un homme d’un certain âge, il doit accepter de toute façon que ses capacités viriles décroissent inexorablement avec l’âge. S’il ne vise pas la performance à tout prix, s’il n’est pas esclave des « normes statistiques », il se satisfera d’autant mieux de relations sexuelles de qualité mais moins fréquentes, et privilégiera la tendresse et la complicité affective.

6. Quelques suggestions pour une vie amoureuse satisfaisante

Souvenons-nous que faire l’amour, cela implique que l’amour est à faire, à construire. On ne peut bien « faire l’amour » au lit, que si on le construit aussi debout, instant après instant, dans un effort constant de communication, d’attention à l’autre et de tendresse.

N’oublions pas non plus que le premier organe sexuel est… le cerveau ! Le désir et la jouissance, le dégoût ou la douleur dans l’acte sexuel, viennent principalement de ce que nous pensons.

Par ailleurs voici huit conseils d’un sexologue pour une vie sexuelle harmonieuse :

  • Partagez vos besoins et désirs sexuels, vos vulnérabilités et vos craintes.
  • De temps en temps faites-vous la cour, accordez-vous une soirée romantique.
  • Touchez-vous souvent, en dehors de tout contexte sexuel.
  • N’attendez pas de chaque rapport amoureux qu’il vous fasse atteindre le septième ciel, mais retirez de chaque rencontre ce qu’elle vous apporte d’agréable (détente, plaisir d’être ensemble).
  • Réservez à l’acte sexuel un temps privilégié dans la hiérarchie de vos urgences.
  • Multipliez les changements (de lieu, de caresses, de positions…) et mettez en jeu vos cinq sens.
  • Ne bannissez pas l’imaginaire érotique des jeux de l’amour. Soyez le meilleur support des fantasmes de tendresse et d’érotisme de l’autre.
  • Ne faites pas l’amour pour obéir à des statistiques et entrer dans la normalité d’une bonne moyenne.