1. Les penseurs non chrétiens
« Pourquoi existe-t-il tant de mal, tout étant formé par un Dieu que tous les théistes se sont accordés à nommer bon ? », se demandait Voltaire.
Quand on pense au mal et à sa relation avec un Dieu bon, plusieurs questions viennent à l’esprit :
- D’où vient le mal ?
- Qu’est-ce que le mal ?
- Jusques à quand durera-t-il ?
Les réponses des penseurs se classent en trois catégories :
A. Les optimistes
Ils pensent que si l’on peut construire un système rationnel englobant le mal, on dépouillera celui-ci de son caractère mauvais.
Très extrémistes, la religion des Védas, et Spinoza au 17ème siècle, nient la réalité du mal. Plus modérés, les stoïciens (avec qui Paul discuta à Athènes, voir Actes 17.18) estiment que le sage est celui qui adhère au destin providentiel qui ne laisse rien au hasard.
Pour Plotin, le mal « se montre nécessairement pris dans les liens de la beauté, comme un captif chargé de chaînes d’or ».
Les optimistes escamotent donc l’insoutenable réalité du mal en prenant leurs désirs pour des réalités.
B. Les dualistes
A l’inverse des optimistes cherchant à résorber dans l’unité l’opposition du bien et du mal, les dualistes voient la réalité comme constituée, puis régie, par les deux principes du Bien et du Mal. C’est la guerre entre les deux, une guerre qui fait marcher le monde. Zoroastre, les manichéistes et les gnostiques sont des dualistes purs et durs.
D’autres sont plus modérés : Platon et, plus près de nous, les évolutionnistes, considèrent que le mal est nécessaire pour pousser l’humanité vers son évolution ; il est l’un des piliers de l’ordre de l’être.
Le mal nous aide à nous détacher d’un monde encore imparfait, à nous projeter et nous « excentrer » en Dieu, dit Teilhard de Chardin. Pour ce paléontologiste et jésuite, il faut un « arrachement » pour « s’unifier en soi ou pour s’unir aux autres ».
C. Les pessimistes
Ils généralisent le mal. Tout le réel est mauvais. Ainsi pour le Bouddha, « la naissance est douleur, la vieillesse est douleur, la mort est douleur, l’union avec ce que nous haïssons est douleur, la séparation avec ce que nous aimons est douleur, ne pas obtenir ce que nous désirons est douleur… »
Schopenhauer, Camus, Sartre, Michel Foucault, estiment que l’homme n’a aucun sens dans un monde qui n’en a pas.
Paradoxalement, ces pessimistes rejoignent les optimistes dans leur négation du mal. Camus conclut qu’il faut « imaginer Sisyphe heureux » de remonter sans fin son rocher pour le voir à nouveau dégringoler la pente. Pourquoi pas, puisque dans l’absurde, aucune comparaison n’est possible…