4. Et s’il n’y a pas de repentance…
C’est bien l’essentiel du problème que pose l’enseignement biblique du pardon : si l’offenseur ne change pas d’attitude et ne regrette donc pas sérieusement son comportement…
A. Rupture
Que dit Jésus de faire ?
Dit-il : « Si ton frère n’écoute pas, s’il ne se repent pas, accorde-lui de toute façon le pardon ! » ? Certainement pas !
Il ose enseigner la rupture : « Qu’il soit pour toi comme le païen et péager ! »
Il ne s’agit pas seulement de couper le contact, mais bien de considérer que ce « frère » n’en est pas vraiment un. Du moins tant qu’il ne prend pas le chemin de la repentance…
Même si l’idée nous dérange, la possibilité de la rupture existe et, parfois, elle est nécessaire.
L’amour, la communion et la fraternité qu’établit Jésus n’ont aucun sens s’ils ne sont pas vécus dans la justice, la vérité et l’humilité…
B. L’appel demeure
Toutefois, comprenons bien ce que Jésus entend par « qu’il soit pour toi comme le païen et le péager » !
Le Seigneur ne nous engage pas ici à la haine, ni à la persécution de l’offenseur.
Il est venu pour sauver les pécheurs !
L’offenseur impénitent n’est certes plus à considérer comme un frère, mais en même temps, il est toujours invité à saisir la grâce qui lui est offerte : l’appel à la repentance et au salut demeure !
Le respect lui est dû, comme à tout être humain.
Comprenons que, derrière les sanctions les plus sévères, Dieu adresse toujours un appel au salut aux hommes !
C. L’offensé cherche la guérison
La rupture, même si elle est une issue regrettable, a le côté positif de mettre en lumière le mal commis. L’Église entoure la personne lésée et lui donne droit dans l’affaire.
Au-delà de cette réalité extérieure, il va de soi que l’absence de repentance laisse l’offensé avec un besoin de justice qui, s’il n’est pas géré correctement, peut se muer en rancune, en amertume et en haine.
Je me permets ici de déborder de la question du pardon, pour nous donner quelques pistes de « soins intérieurs » : c’est en effet à cette question qu’on songe souvent, en pensant qu’il s’agit de pardon…
Le problème n’est pas de ne pas avoir pardonné – car, nous l’avons vu, le pardon ne s’accorde qu’en réponse à la repentance – mais d’être intérieurement rongé, intoxiqué par le mal qu’on a subi.
L’offenseur impénitent, même absent (même mort, parfois !), continue à vouloir justifier la peine qu’il a créée chez sa victime… il continue à faire du mal chez l’offensé, parce que justice n’est pas faite.
L’offensé doit donc trouver le moyen de se débarrasser de son désir de vengeance.
Ici, une recommandation de l’apôtre Paul est d’une grande aide : « Ne rendez à personne le mal pour le mal. Efforcez-vous de faire ce qui est bien devant tous. S’il est possible, pour autant que cela dépende de vous, soyez en paix avec tous. Ne vous faites pas justice vous-même, bien-aimés, mais laissez place à la colère, car il est écrit : ‘C’est moi qui fais justice ! C’est moi qui paierai en retour, dit le Seigneur’. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire, car en agissant ainsi, ce sont des braises que tu amasseras sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. » (Romains 12.17-21)
Nous trouvons ici les recommandations suivantes :
1. Renoncer à faire justice soi-même
C’est en effet ce qui peut nous rendre malades, au fond : souffrir du besoin de voir la justice s’appliquer, la faute être sanctionnée – et son statut d’offensé (de victime, même) être reconnu.
Tant que nous portons en nous-mêmes le mandat de justicier, le mal a la victoire sur nous…
La justice que nous risquons de rendre sera forcément entachée de péché, et nous nuirons autant à l’autre qu’à nous-mêmes…
Si nous portons des fardeaux de haine et des désirs de vengeance, déposons-les aux pieds de Jésus ! Ne donnons pas ce plaisir au mal : causé par un offenseur, il ne doit pas continuer, encore et encore, son œuvre de sabotage en nous !
2. Remettre la personne à la justice de Dieu
C’est ici le suprême recours du chrétien.
Dieu, au-delà de toutes les instances humaines, est le juste Juge.
Quand Paul parle de « laisser agir la colère », il s’agit de celle du Seigneur !
C’est une démarche spirituelle libératrice que de « remettre le dossier d’instruction » au seul juge qui soit totalement impartial, incorruptible… et implacable !
N’oublions pas que le Seigneur est offensé des péchés qui sont commis entre les personnes : de toutes façons, l’offenseur, au-delà des réparations au niveau humain, devra en rendre compte à son Créateur.
La foi que Dieu prend le poids de la situation et gère son suivi est la source de notre paix !
Apprenons à nous décharger sur lui du poids des offenses que nous avons subies !
3. Entrer dans une attitude libérée de la haine
Paul ne dit pas, ensuite, de développer l’amitié la plus intime avec l’offenseur, mais de pourvoir à ses besoins s’il est en détresse…
Une telle attitude révèle d’une part qu’on a vraiment remis le dossier au Juge suprême. On n’est plus le justicier : on sait qu’une procédure infiniment plus efficace est engagée !
D’autre part, elle est un appel à la repentance : elle place le coupable dans une situation difficile. Sa conscience en subit les feux, comme si l’on plaçait des braises sur sa tête !
Qui sait ? Il pourrait prendre, enfin convaincu de péché, un chemin de repentance et de salut ! « Remettre le dossier » à Dieu, c’est aussi ouvrir la possibilité d’une action convaincante de l’Esprit sur le cœur du méchant…
Appelons-en à l’Esprit Saint qui, dans notre cœur, nous communique les capacités d’amour, de paix et de joie ; qui, surtout, nous aide à voir comme Dieu voit et nous donne la foi dans la justice efficace du Seigneur !