3. Les moyens de la démarche

Nous avons vu les objectifs visés par Jésus, dans son enseignement.

Maintenant, il est aussi très important de voir le « comment » de la démarche proposée.

Notre manière d’agir peut, soit accréditer le but poursuivi, soit le trahir…

A. L’initiative

Jésus s’adresse à l’offensé et lui donne l’instruction d’aller.

Il se peut que le fautif ne se rende peut-être pas compte du mal qu’il a commis.

Par ailleurs, s’il y a péché, il faut que l’affaire se règle.

N’oublions pas que ce n’est pas l’offensé qui est premièrement dans une mauvaise posture !

Maintenant, il est vrai que, dans certains cas, on ait peur d’aller vers l’offenseur – par exemple, s’il s’agit d’une personne violente ou dominante.

Surtout, si l’on a été « conditionné » à adopter une attitude de subordination envers elle.

Il est très difficile, dans un vis-à-vis, d’entrer dans un dialogue libre, entre « égaux » (devant Christ).

Il y a sans doute d’autres possibilités, dans de tels cas, que le face-à-face : écrire est souvent un moyen efficace d’entrer en contact…

Il faut aussi bien noter que Jésus parle ici d’une démarche envers un frère, c’est-à-dire envers quelqu’un qui est censé partager le même sens de la grâce que soi.

Le Christ ne nous demande pas d’engager l’initiative de manière semblable envers des personnes (ou des instances) qui ignorent, voire rejettent la perception chrétienne de l’existence…

Ce qui peut nous aider à aller dire à l’offenseur sa faute, c’est que cette démarche est bonne pour lui. Si nous sommes animés par l’amour du Christ, l’avertir, c’est l’amener à la grâce.

B. La discrétion

« Reprends-le entre toi et lui seul… »

On est loin des procès staliniens, où l’on traînait les présumés coupables devant un tribunal populaire, afin qu’ils confessent toutes leurs fautes !

Jésus recommande le plus grand respect du prochain.

D’ailleurs, si la démarche aboutit, on en reste au niveau du tête-à-tête.

Les confessions publiques sont souvent l’occasion de grandes perversions :

  • celle de l’assistance, qui se repaît d’une « mise à mort », par laquelle le coupable porte le poids du ressentiment de tous – ce qui disculpe les autres de leur propre culpabilité.
  • celle de l’autorité, qui exige la mesure, car elle renforce sa domination par la terreur.
  • celle du confessant, qui peut développer une sorte d’exhibitionnisme – à défaut de passer pour un saint, autant se faire une notoriété comme « grand pécheur » !

Jésus enseigne le passage de l’entretien individuel à une plus grande échelle, non comme une solution souhaitable, mais comme un pis-aller, en cas d’échec…

Apprenons cette juste discrétion : n’est-ce pas le moyen d’ouvrir un vrai chemin de rédemption à notre prochain ?

C. La progression

Le Seigneur décrit la démarche d’offre de pardon en trois étapes : le tête-à-tête, le dialogue intime (à trois ou quatre) et, enfin, l’examen communautaire.

Chacune des étapes peut déboucher sur une conclusion positive : « s’il t’écoute ».

Trois chances sont donc données au fautif.

Et, dans la pratique, on peut même imaginer que chaque étape peut consister en plusieurs entretiens : certaines situations ne sont pas aussi simples qu’il n’y paraît au premier coup d’œil, et un dialogue demande souvent des pauses…

Le chemin de la repentance est souvent difficile à emprunter, et Dieu en tient compte, dans sa bonté. Ces trois niveaux sont autant de signes d’amour et d’attention, qui ouvrent la porte au salut, à la réconciliation, au changement.

S’il peut arriver que l’on laisse trop traîner de vieilles brouilles, reconnaissons aussi que l’impatience et le désir de vengeance nous incitent souvent à précipiter les choses.

Demandons à Dieu son sens du temps et sa sagesse, afin que nous apprenions à agir selon la progression qu’il a prescrite !

On peut aussi voir dans le crescendo des entrevues la possibilité que le « frère » n’en soit pas vraiment un : c’est aussi le moyen d’éprouver son attachement au Seigneur et son désir d’être son disciple…

Si l’on passe à une étape plus contraignante, ce sera par la faute de l’offenseur : il ne tient qu’à lui de reconnaître son péché et, ainsi, de saisir la grâce qui lui est offerte !

La dimension disciplinaire est de nos jours l’objet d’un rejet excessif – sans doute à cause des abus d’un autoritarisme passé – mais il nous faut prendre conscience qu’elle est nécessaire.

L’indifférence au mal et les tolérances coupables aboutissent à de fausses réconciliations, à des rabibochages insatisfaisants et à un flou qui fait perdre de vue le sens de la vérité, de la justice et, logiquement, de la grâce.

La grâce, qui est vraiment donnée à quiconque a vraiment mal agi.

D. Le pardon donné

Face à une vraie repentance, le pardon doit être donné.

Même s’il y a faute répétée – suivie d’une vraie repentance répétée, bien sûr !

Si nous percevons la mesure de grâce que Dieu nous fait en Jésus-Christ, nous pardonnant pleinement nos fautes – dès lors que nous nous en repentons ! – nous ne pouvons que faire de même envers quiconque nous le demande.

Soyons concrets : il s’agit d’abord d’une démarche volontaire, contre certains sentiments et blessures réelles en nous.

Au-delà du pardon donné, il est souvent nécessaire de prendre un chemin de guérison.

Il n’est pas interdit de nous donner le temps de nous rétablir !

Déjà le temps de voir l’offenseur produire les « fruits de la repentance », montrant par son comportement qu’il a changé, est d’une grande aide : accepter que le mal qu’on a commis demande du temps pour être guéri peut faire partie d’une vraie repentance !

Et comptons sur le ministère de l’Esprit Saint, qui insuffle en nous la foi et la paix, nous rapprochant de Jésus et nous rendant la sécurité et les repères que les difficultés de la vie nous ont parfois ôtés !