2. Les buts de la démarche
En ne lisant que les solutions négatives de la démarche proposée par Jésus, on n’en tirera que les idées de « discipline communautaire » et de « rupture ».
Or, le cœur de la parole du Seigneur, c’est le salut, le pardon, la guérison.
Celui qui est venu, « non pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé » (Jean 3.17), pose le but suprême de la démarche : « gagner ton frère ».
Le verbe traduit par « gagner » apparaît surtout dans la Bible pour illustrer la conversion, l’accession au salut. Les trois étapes d’intervention peuvent toutes se finir par ce « gain » !
Demandons au Seigneur d’orienter notre cœur, face au mal que nous subissons, vers ce désir de résolution positive… Mais prenons aussi conscience des trois buts essentiels qui la conditionnent.
A. La vérité
On ne peut pas sérieusement parler de pardon, si le mal et le péché ne sont pas dénoncés ni définis. Il faut que l’offense soit mise en lumière, sans demi-teinte.
Quand Jésus dit de « reprendre » le pécheur, le verbe utilisé est bien plus riche que le français. Il ne s’agit pas seulement de faire des reproches, mais aussi de convaincre et de révéler à son frère son péché. Un spécialiste donne le sens suivant : « montrer à quelqu’un son péché et l’engager à la repentance. »
On peut dessiner ici deux lignes pratiques :
- Il s’agit de faire réaliser au pécheur sa faute. Il n’en est peut-être pas conscient ou il la relativise… il peut lui être utile de se mettre un peu à la place de la personne qu’il a offensée ! Aider quelqu’un à prendre conscience d’une faute, c’est lui rendre service !
- Il faut aussi oser dire sa souffrance et son sentiment face au tort subi. La colère, tant qu’elle n’est pas une haine ou un désir meurtrier, n’est pas à refouler ! N’ayons pas peur d’exprimer notre contrariété face à une injustice : nous voiler la face devant la réalité ou faire semblant que rien ne s’est passé ne résout rien !
B. La repentance
Jésus ne dit pas « Si ton frère pèche contre toi, donne-lui l’absolution de toute façon… »
Il est évident que toute la démarche que propose le Christ est d’amener le coupable à changer d’attitude, afin qu’il puisse recevoir le pardon !
Le parallèle dans l’Évangile de Luc clarifie ce point essentiel : « Si ton frère a péché, reprends-le ; s’il change radicalement, pardonne-lui. Et s’il pèche contre toi sept fois par jour, et que sept fois il revienne à toi, en disant : ‘‘Je vais changer radicalement’’, tu lui pardonneras. ». (Luc 17.3-4 – noter que « changer radicalement » est le choix (heureux) de traduction de la Nouvelle Bible Segond pour le grec metanoïa, qui est souvent traduit par « se repentir ». Or le terme couvre bien plus que cette dernière expression, et implique le désir de changer d’attitude et de comportement, de se tourner vers Dieu, etc.)
Si l’on comprend que le pardon est une démarche envers le coupable, on saisira que, pour le bien de celui-ci, il est nécessaire qu’il réponde activement à l’offre qui lui est faite.
Un pardon donné sans repentance, c’est empêcher le fautif de prendre le chemin de la rédemption (qu’a-t-on à lui offrir, si jamais un jour il se repent ?).
C’est aussi donner caution au mal qu’il a commis et implicitement appeler l’offenseur à recommencer.
Je rappelle que nous ne parlons pas ici des moyens, pour la victime, de trouver la paix intérieure : c’est un autre sujet que je me réjouis d’aborder à une autre occasion…
Apprenons à demander à l’offenseur sa repentance : c’est lui rendre service !
C. La grâce
Si le frère « écoute », alors le chemin du pardon est ouvert.
Toute la démarche que Jésus ordonne vise cet aboutissement.
Du côté de l’offensé, il doit exister la volonté d’offrir la grâce et le pardon.
Il ne s’agit pas d’une envie, mais d’une résolution.
Faire coller les émotions à cette décision est un autre sujet…
Dans un autre sens, « écouter », ce n’est pas simplement admettre qu’on a entendu ce qui est dit. Il est clair que ce verbe implique un vrai changement !
On définit traditionnellement la repentance à trois niveaux de l’être : la contrition du cœur (la conviction intérieure d’avoir fauté), la confession de la bouche (on reconnaît ouvertement son péché) et la satisfaction par les actes (on adopte un comportement qui révèle un vrai changement).
Ce ne sont pas quelques mots de regret, obtenus « à l’arraché », « parce qu’il le faut bien », qui font une vraie repentance… Si le cœur et le comportement n’y sont pas, c’est du vent !
Face à une offense, demandons à Jésus de nous animer de la volonté d’offrir le pardon au coupable, dès lors que celui-ci entre dans une démarche authentique de repentance.
Il peut être alors nécessaire d’attendre un peu, avant de d’« aller » vers un offenseur, et de chercher en Dieu les ressources de grâce qui nous rendent aptes à proposer la grâce…