2. LE CONFLIT ŒDIPIEN

A. CE QU’IL EST

Il consiste en deux tendances interdépendantes, l’attachement érotique de l’enfant pour le parent du sexe opposé et l’hostilité pour le parent de même sexe.

Ce complexe, découvert par Freud, constitue une étape normale dans la croissance psychologique de l’enfant, il n’a rien de pathologique. C’est sa non-résolution qui peut le devenir ; nous verrons ce qui se passe lorsque les conjoints ne se sont pas détachés de leur père ou de leur mère.

Freud l’a appelé complexe d’Œdipe par référence à la mythologie grecque.

Fils de Laïos, roi de Thèbes, et de Jocaste, Œdipe est éloigné du palais paternel dès qu’un oracle apprend à ses parents qu’il tuera son père et épousera sa mère. Fuyant sa patrie pour échapper à la prédiction, il se querelle un jour avec un vieillard inconnu qu’il tue. C’était Laïos, son père. Arrivé à Thèbes, il sait répondre aux énigmes du Sphinx, terreur de la ville. En témoignage de gratitude, les habitants de Thèbes proclament Œdipe roi et Jocaste, sa mère, devient sa femme. Dans la tragédie de Sophocle, intitulée Œdipe roi, Jocaste se pend et Œdipe, fou de douleur, se crève les yeux et part errer sur les routes. Il a donc commis un parricide et l’inceste.

Avant trois-quatre ans, l’enfant vit essentiellement dans un rapport exclusif avec sa mère.

Mais vers la quatrième année, le garçon se prend d’un vif amour pour celle-ci (« Maman, c’est avec toi que je me marierai quand je serai grand ! »), et simultanément éprouve de l’agressivité à l’égard de son père, en qui il voit un rival heureux, et dont il admire et envie les qualités et la puissance. Inconsciemment, il souhaite sa mort, pour prendre sa place. Ce sentiment violent est assorti de la crainte que son père n’éprouve envers lui les mêmes désirs de mort, et d’une forte culpabilité.

Lorsque le conflit œdipien est bien vécu par le petit garçon et par les parents, il se résout de manière heureuse: il permet la découverte de l’identité sexuelle puisque le petit garçon, en rivalisant avec son père, accède à sa masculinité et découvre sa spécificité de petit mâle (possession du pénis comme papa). Il s’identifie au père et devient moins dépendant de sa mère.

La rivalité œdipienne cessera par le refoulement partiel des pulsions incestueuses, en interdisant à jamais la relation duelle avec la mère. Les parents doivent être attentifs à la crise qu’il traverse, et ne pas jouer l’ambivalence. Tout en restant affectueux, ils doivent affirmer que non, jamais, il n’épousera sa mère, que celle-ci est déjà mariée avec papa.

Si le conflit œdipien est mal vécu, le petit garçon reste attaché de manière excessive à sa mère, il demeure en rivalité avec le père et cherche à l’exclure de ses relations avec la mère. Il est fréquent que le père soit jaloux du fils, car il veut conserver sa femme rien qu’à lui tout seul.

On observe une situation symétrique chez la petite fille qui désire inconsciemment séduire son père. Le conflit œdipien lui permet de se découvrir différente de ce dernier ; elle va se rapprocher de sa mère et trouver son identité féminine à être comme maman.

Si le conflit œdipien se résout mal, la petite fille reste attachée de manière excessive à sa mère. Elle demeure en rivalité avec le père et cherche à l’exclure de ses relations avec la mère. Il est fréquent que celle-ci soit jalouse de sa fille et ne supporte pas qu’elle s’attache à une autre personne, même à son père.

En résumé, le complexe d’Œdipe est un rapport de forces affectif et sexuel au sein d’une famille. L’enfant en est à la fois sujet et enjeu. S’il reste prisonnier de l’attachement œdipien, il ne peut grandir et structurer son moi, car il demeure dans l’impossibilité de dépasser une relation duelle et exclusive. Il noue de ce fait une relation névrotique au parent de sexe opposé tout en éliminant le parent de même sexe qui est l’obstacle à sa passion amoureuse.

Une mauvaise résolution de l’Œdipe entraîne que l’enfant n’est plus sujet de son développement, mais un enjeu de séduction, de manipulation, d’autoritarisme ou de démission.

B. LA RELATION TERNAIRE

Un autre intérêt du conflit œdipien auquel on pense moins souvent, c’est qu’il s’agit non plus d’une interaction à deux (mère-enfant), mais d’une interaction à trois: père, mère, enfant. Pour la première fois ce dernier prend conscience que son père et sa mère ont des relations entre eux, en dehors de lui. L’œdipe représente l’irruption de la réalité dans l’illusion fusionnelle mère/enfant.

L’introduction du troisième terme, l’importance de la relation ternaire, a été théorisée par Sartre. Renée Marti résume ainsi la pensée de ce philosophe: « L’adéquation de toute relation à deux à la réalité matérielle et sociale passe par l’introduction d’un troisième terme, médiateur et surtout garant du fait que la relation reste ancrée dans la réalité et ne va pas sombrer dans un délire à deux, dans un enkystement psychotique ou pervers. »

Toute relation à deux est amenée à intégrer un troisième terme ou à devenir perverse. Si une mère maintenait son enfant dans un attachement exclusif à elle seule, elle lui préparerait un avenir affectif difficile et à la limite en ferait un psychotique.

C’est le troisième terme qui empêche la dissolution de la personnalité dans celle de l’autre. Par exemple l’interaction professeur/élève suppose un objet qui soit un « médiat » de cette interaction: c’est la matière enseignée.

Le père a une fonction de séparation psychologique de l’enfant d’avec la mère. S’inspirant de l’appel de Dieu à Abraham, le psychanalyste Moussa Nabati imagine ce qu’un père pourrait dire à son enfant:

« Va, va pour toi seul, hors de ton pays et du ventre maternel où tu es comme au paradis béat, sans manque et sans besoin. Sors de là, envole-toi de tes propres ailes. Débrouille-toi pour gagner ton pain à la sueur de ton visage. Abandonne ta maman et trouve-toi une autre femme au prix de tes efforts et de ton travail. Des obstacles surgiront sur ton chemin. Tu seras seul, mais ma promesse t’accompagnera et tu les surmonteras, comme je l’ai fait moi et nos ancêtres bien avant moi et toi. Marche et deviens. »

La vie conjugale présente la même évolution que la vie de l’enfant: elle passe du deux au trois. Si lors du stade fusionnel, les amoureux vivent comme s’ils étaient seuls au monde, ils seront tôt ou tard rattrapés par le monde extérieur, la réalité, la société. Et même, ils éprouveront le besoin d’introduire un troisième terme entre eux deux: un enfant, un engagement social, religieux, un travail, etc. La parole peut aussi jouer le rôle de tiers dans le couple. Dans les premiers temps de leur amour, ils se comprennent sans parole, par les regards, les caresses et les étreintes. Mais bientôt ils comprennent la nécessité de communiquer par le langage.

Des amants qui n’atteignent pas ce stade de la réalité donnent une impression de malaise. Certains se séparent très vite après le mariage parce qu’ils sont déçus de devoir sortir du stade fusionnel et intégrer le fait que leur conjoint est tout à la fois un bon sein et un mauvais sein, et que le monde extérieur existe.

Notre société, par les romans, les films, les journaux, n’aide pas ceux qui s’aiment, car elle tend à imposer la vision névrotique du couple fusionnel replié sur lui-même, lieu secret de toutes les satisfactions émotionnelles. Le statut social du couple, pour être plus équilibrant et stabilisant, doit être intégré dans la réalité de la vie économique, et dans la continuité d’un lignage familial.

Un couple, ce n’est pas un je et un tu seuls l’un avec l’autre et coupés du monde qui les environne.

Nous avons déjà dit que le mariage, loin d’être une affaire privée, est un engagement social, proclamé publiquement, devant des témoins. « Ce n’est pas le couple qui dit qu’il est marié, ni quand il est marié, c’est la société », dit le philosophe protestant Paul Ricœur. On n’est donc un couple qu’en référence à un tiers. Les époux s’unissent non seulement l’un à l’autre, mais leur promesse publique les unit en tant que foyer à la société, donnant ainsi naissance à nouvelle cellule sociale.

Or une rupture s’est établie entre la société et les personnes, qui se traduit par un émiettement du tissu social, la perte du sens des relations entre les gens. De solidaires, nous sommes devenus solitaires. Bien que vivant dans une société dite de communication, le dialogue vrai, la rencontre, l’échange sont rares.

Notons qu’un conseiller conjugal ou un psychothérapeute va jouer le rôle du père lorsqu’il se trouve face à un tel ménage névrotiquement fusionnel: étant dans la réalité et non dans une fusion imaginaire, il représente pour eux cette troisième personne, qui ramène sans cesse à la réalité du monde, qui par la parole, les fait passer de l’imaginaire au symbolique. « Il peut être celui qui aide le couple à passer du stade de l’illusion fusionnelle au stade de la réalité. » (Renée Marti)

C. LES CONSEQUENCES D’UN COMPLEXE D’ŒDIPE MAL RESOLU

Pour s’allier à l’être qu’on aime, et se relier à lui, il faut d’abord s’être délié de ses parents. Or certains amants ne se sont jamais déliés de leurs parents et ne peuvent pas s’allier ni se relier l’un à l’autre.

Si quelqu’un est resté accroché à l’un de ses parents, il transfère sur son partenaire les craintes, attentes et sentiments qu’il éprouvait jadis envers son père ou sa mère. Ne s’étant pas libéré d’un modèle de relation infantile, il continue à rechercher ce modèle dans la relation amoureuse: il vit ce que l’on appelle un amour névrotique.

Bien que chronologiquement adulte, il est resté un enfant sur le plan affectif. Bien entendu, cela crée de nombreuses tensions et des malentendus dans le foyer parce que derrière une parole ou un geste anodin se projette le souvenir du père ou de la mère auquel il reste lié par la peur ou la rancune, le mépris ou la haine, ou au contraire une affection excessive.

« Un nombre incalculable de fantômes du passé peuplent nos chambres à coucher. Hommes et femmes doivent lutter pour ne pas sombrer dans l’archaïsme de relations mère/fils et père/fille qu’ils ont tendance à reproduire dans leur couple », écrit Guy Corneau.

Il faut parfois oser se poser la question: combien sommes-nous dans notre lit conjugal ? Deux seulement ? ou bien trois, quatre, cinq ou six (si l’on compte, outre les deux conjoints, le souvenir du père, de la mère, de la belle-mère, du beau-père…) ?

Ce problème, extrêmement important, est évoqué dans le verset exposant le plan de Dieu au sujet du mariage (verset cité quatre fois: Genèse 2, Matthieu 19, Marc 10, Ephésiens 5):

« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair. »

Pour que deux êtres s’attachent l’un à l’autre, ils doivent quitter leur père et leur mère, non seulement matériellement mais aussi psychologiquement. Cette séparation ne se fait pas en un jour mais se poursuit toute la vie: la tendance naturelle est de revenir vers son père ou sa mère lors de chaque crise personnelle ou conjugale.

Voici quelques situations les plus fréquentes de non-détachement des parents:

1. L’homme resté attaché de manière infantile à sa mère

Auprès de sa compagne il recherche la protection, l’amour inconditionnel, la chaleur que sa mère lui prodiguait ou, au contraire, qu’il aurait aimé recevoir de celle-ci. Sa relation manque de profondeur, son but étant d’être aimé, non d’aimer. Sa femme est nourricière mais plutôt autoritaire, souvent plus intelligente que lui. Elle choisit jusqu’à la couleur de ses chemises, et contrôle sa sexualité. Lui est content qu’elle prenne tout en main, d’ailleurs il l’a épousée pour cela. Il est soumis, faible de caractère, aime se faire dorloter. Il est pour la paix: elle donne les ordres et lui, il obéit. Il ne prend aucune responsabilité.

S’il a découvert l’objet de ses rêves, à savoir le sosie de sa mère, il se sent en sécurité, mais peut-on alors parler d’un couple épanoui ?

Mais si sa femme n’est pas sans cesse en train de l’admirer, si elle veut vivre sa vie en Sujet et désire elle aussi être aimée et protégée, il se sent profondément blessé et déçu. Alors il rationalise: elle est égoïste, elle ne m’aime pas.

Plusieurs indices dans la Bible semblent suggérer que ce fut le cas d’Isaac.

Remontons d’abord à ses parents. Malgré les leçons spirituelles bien connues que l’on peut tirer de la vie d’Abraham et de Sarah, avouons que l’histoire de ce ménage est loin d’être triste !

Abraham oblige Sara à l’appeler son frère et dit d’elle que c’est sa sœur (c’était d’ailleurs sa demi-sœur).

Sara l’appelle aussi mon Seigneur, très exactement mon Baal. Ce terme dénote une relation toujours infériorisante pour elle. Elle a, semble-t-il, peu d’occasions de l’appeler simplement mon mari ou mon chéri. Alors que le besoin premier d’une épouse est la sécurité, chaque fois qu’Abraham rencontre un problème, un danger, il ne trouve rien de mieux que d’imposer à sa femme d’avoir des relations sexuelles, que ce soit avec le Pharaon (Genèse 12.18) ou avec Abimélec (Genèse 20.2).

Il n’est pas étonnant que Sara refuse, sans doute de manière inconsciente, d’avoir un enfant d’un homme aussi insécurisant, et qu’elle somatise et affirme dans son corps son désir d’être reconnue, en étant stérile. Elle est si sûre que c’est elle qui est stérile qu’elle le fait vérifier à son mari en le poussant à avoir un enfant avec sa servante Agar.

Dès que Isaac, le fils promis, naît (le miracle de sa naissance montre que Sarah n’avait aucune malformation physique l’empêchant d’enfanter), il est accaparé par sa mère qui reporte sur lui tout l’amour dont elle est frustrée. Son insécurité personnelle fait qu’elle l’élève en le protégeant de tout: il sera tout sauf un homme d’action et fuira sans cesse les conflits. Il est incapable de chercher lui-même une femme et c’est Abraham qui doit en prendre l’initiative, quand il réalise qu’il est encore célibataire à quarante ans.

Ce n’est que trois ans après la mort de Sara (âgée de 127 ans !) qu’Isaac se marie enfin avec une jeune fille… de la famille de sa mère. C’est dans la tente de sa mère (!) qu’il conduit sa jeune épouse et Genèse 24.66 précise: « ainsi fut consolé Isaac de la mort de sa mère. »

On imagine les problèmes de ce nouveau couple dans lequel Rebecca ne sert qu’à remplacer Sara dans le cœur d’Isaac. Elle aussi va rester stérile, pendant vingt ans. Et Isaac usera du même procédé que son père: face à un autre Abimélec, il dira de Rebecca qu’elle est sa sœur (Genèse 26.7). Nous verrons plus loin les répercussions que ce comportement a eues sur Jacob, leur fils.

2. L’homme resté attaché à son père

Sa mère était froide et distante et le fils s’est attaché de manière excessive à son père. Le but de son existence sera de lui plaire, de gagner son estime. Avec sa compagne il reste distant, légèrement méprisant, il la traite avec une sollicitude paternelle. Celle-ci est déçue lorsqu’elle réalise qu’elle ne joue dans sa vie qu’un rôle marginal, son compagnon restant affectivement lié à son père ou à tout autre substitut paternel.

Ce fut peut-être le cas de Salomon.

Sa mère, Bath-Scheba, n’avait pas dans le palais la réputation d’une femme vertueuse: quand David était allé la chercher, elle « était venue vers lui » (2 Samuel 11) librement et avait plus que consenti à l’adultère. Elle n’était pas non plus innocente dans la mort de son mari Urie.

Elle n’a donc communiqué à son fils Salomon qu’une image négative de la femme et de la fidélité conjugale. Ce qui explique qu’il épousa la fille de Pharaon, chose que Dieu interdisait. En cela il imitait la désobéissance de ses parents, et il alla même plus loin que son père dans la rébellion puisqu’il eut, étant roi, un harem d’environ mille femmes. Salomon souffrait-il d’un complexe d’Œdipe mal résolu ?

Comme un enfant a besoin malgré tout d’un modèle parental, Salomon resta fixé sur le modèle de son père David, représentant l’ordre et l’autorité. Il accomplit en Israël un extraordinaire travail d’organisation administrative, religieuse et militaire, mais ses femmes non seulement ne lui apportèrent pas l’amour mais détournèrent son cœur de Dieu.

3. L’homme craignait son père qui était dominateur

Il n’osait pas défier ce dictateur. Il s’est alors identifié à sa mère qu’il « défendait » contre son mari. Une fois marié, il se comporte vis-à-vis de sa compagne comme un grand frère. Jacob par exemple complota contre son père Isaac, appuyé par sa mère Rebecca avec qui il vivait en parfaite symbiose. C’est dans le pays de sa mère qu’il s’enfuit devant la colère d’Esaü. Là, il épousa deux sœurs, incapable la nuit de ses noces de faire la distinction entre l’une et l’autre !

4. La femme a adulé son père, l’a materné

Elle sera alors une mère pour son mari. On retrouve ici la même problématique que dans le cas de l’homme resté attaché infantilement à sa mère.

Freud soutenait que pour qu’un mariage réussisse, il fallait que la femme développe des attitudes maternelles envers son mari. Certes, en un certain sens, on peut dire qu’une femme épouse un mari/père/fils, et qu’un homme épouse une femme/mère/fille. Beaucoup d’hommes aspirent secrètement à être maternés, la plupart du temps sans en être conscients. Leur propre mère était aux commandes, et dans notre société matriarcale, le phénomène ne fait que s’accentuer.

Un époux particulièrement passif ou immature réclamera cette forme d’amour de manière inconditionnelle. Il aura besoin d’une femme-mère et l’acceptera comme un dû. Ils vivront en symbiose, en complémentarité d’attentes, mais ne formeront évidemment pas un couple de deux sujets distincts.

Un homme plus indépendant, en revanche, n’appréciera pas du tout ce maternage qui lui semblera trop pesant, car ce qu’il veut, c’est une femme, une amante, et non une mère.

5. La femme a été frustrée d’amour paternel

Son père était souvent absent, ne la câlinait jamais, ne lui témoignait pas d’affection, mais s’intéressait cependant à elle en tant que « jolie poupée ». Elle va donc s’accepter comme objet de désir, objet sexuel de l’homme. Mais en même temps, elle va refuser et mépriser la sexualité et refouler ses sensations sexuelles, car elle n’a pu s’identifier à sa mère qui la considérait comme une « rivale », et éprouvait du ressentiment envers sa beauté.

Le cas est malheureusement très fréquent d’une fillette dont le père l’a abandonnée ou qui simplement ne lui a jamais manifesté d’affection, ne l’a jamais serrée dans ses bras, ou qui est mort. Cette jeune fille arrête de grandir sur les plans sexuel et affectif et deviendra une femme dont la maturité émotionnelle est en fait celle d’une enfant de dix, douze ou quinze ans.

Devenue adulte, elle est toujours une « petite fille » soumise, passive, fragile, qui recherche un substitut paternel. Généralement elle est séduisante, puisque c’est seulement en étant une « poupée » qu’elle parvenait à capter l’attention de son père.

Elle épouse un homme qui pense pour elle, qui aime l’avoir à ses côtés dans un rôle de figurante: « Sois belle et tais-toi ». Il risque de ne pas apprécier du tout qu’elle conquière son autonomie car alors il perd le pouvoir (y compris sexuel) qu’il avait sur cette femme-enfant.

6. La femme a vu son père comme un frère faible

Sa mère était ambitieuse, dominatrice et agressive. Son père était faible, ou simple. Elle a senti qu’il avait besoin d’aide et lui a accordé une sympathie « fraternelle ». Consciemment, elle s’identifie à son père passif, mais inconsciemment elle s’identifie à sa mère dominante. Elle choisira un conjoint inférieur à elle sur le plan intellectuel ou professionnel, et le traitera comme un frère faible, un compagnon inférieur, elle sera « sa sœur ». Sa sexualité sera « fraternelle » et non conjugale.

7. La femme a souffert de voir son père dominé par son épouse

Cette mère dominatrice le réduisait au silence. La jeune fille a toujours ressenti de la compassion pour son père et a eu besoin de se dévouer pour lui. Elle cherchera à sauver tout le monde et aura une profession de soignante ou de travailleuse sociale. Elle épousera un homme handicapé, alcoolique, drogué, délinquant, endetté ou déprimé, qu’elle cherchera aussi à sauver. Si elle n’y parvient pas, elle devient Persécuteur, méprisante envers lui et vindicative.

« La relation finale qu’adopte une femme envers son conjoint, dit Tordjman, relève de celle qu’elle a développée avec son père. On ne dira jamais assez le rôle du père dans le devenir sexuel et conjugal de sa fille. »