LES CAUSES CACHEES, PROFONDES, DES CONFLITS DE COUPLE : LE POIDS DU PASSE DE CHAQUE CONJOINT

 © Jacques et Claire Poujol, Conseillers Conjugaux et Familiaux. Pages extraites de leur livre «Vivre à deux – bien communiquer, gérer les conflits», Empreinte Temps Présent, 2012. Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.

 

Ces causes profondes représentent la plus grande part (environ les 6/7) de l’iceberg des conflits dans un couple. Mais, justement parce qu’elles sont cachées, en prendre conscience ne se fait souvent que lors d’un travail sur soi, avec l’aide d’un psychothérapeute.

Cependant, si nous les évoquons, c’est pour fournir des pistes pour la réflexion personnelle, et favoriser éventuellement un désir de commencer un travail sur soi.

Tout ce que le mari et la femme ont vécu, ressenti, subi, vu, pensé depuis leur naissance demeure emmagasiné dans leur inconscient et dans leur conscient et peut resurgir à un moment ou à un autre. Même si ces choses ne refont pas surface, elles agissent puissamment sur leurs comportements. Mais ils se rendent peu compte à quel point il leur arrive de réagir, dans une situation donnée, de façon étrange et excessive.

Un couple arrive chez un conseiller conjugal avec des visages consternés. La femme lui dit: «Nous venions de passer une soirée très sympathique avec des amis. Après leur départ, désireuse d’un rapprochement avec mon mari, je lui chuchote tendrement: ‘Tu ne m’aimes plus ?’ Et le voilà parti dans une colère telle qu’il m’a fallu trois jours pour m’en remettre ! »

Le mari, interrogé sur cette réaction excessivement violente, répond après un moment de silence: «Vous comprenez, quand j’ai entendu ces mots ‘Tu ne m’aimes plus ?’, ça m’a tout à coup ramené à l’âge de quatre ou cinq ans, quand j’avais fait une sottise et que ma mère, très sévère, me disait: ‘Je ne t’aime plus, plus jamais !’ Je me sentais abandonné, perdu pour toujours. »

La façon dont cet homme a ressenti ces quelques mots de son épouse n’est pas en rapport avec leur réalité objective, car ils étaient prononcés sans méchanceté et plutôt avec tendresse. Il a vécu cette interrogation sur un registre de sensibilité excessive. Il a manifesté une colère disproportionnée à la question de sa femme. Ce type de réaction est de même nature que la frayeur panique en face de petits animaux. Quelqu’un qui en a peur dira: « C’est plus fort que moi, je ne peux pas me raisonner. »

Depuis Freud, nous savons que certaines circonstances de notre vie retentissent non seulement au niveau de notre conscient, mais surtout à celui de notre inconscient.

La situation que nous vivons réactive un conflit archaïque et obscur, de même espèce mais portant sur un autre objet, et qui à l’époque n’a pas été résolu mais enfoui. C’est alors la réaction émotionnelle la plus primitive et la plus intense qui se produit, incontrôlée et incontrôlable de par son origine.

Dans un heurt entre deux partenaires, si l’un d’eux se conduit d’une manière étrange, c’est parce que, malgré les apparences, il ne parle pas réellement à l’autre, mais à telle ou telle personne qui a eu une importance primordiale pour lui dans son passé. Il y a une relation cachée entre la conversation actuelle et ce conflit archaïque qui a été enfoui profondément et qui resurgit soudainement. Un couple a donc intérêt à prendre conscience des diverses manières dont le passé de chacun interfère dans leur vie quotidienne.

Beaucoup de couples vont mal tout simplement parce que les époux auraient besoin d’une guérison intérieure. Ils gardent en leur cœur des points de vie très personnels, des souffrances émotionnelles, psychiques, morales, des faits douloureux, dont ils ont un souvenir conscient ou qui ont été refoulés dans l’inconscient, et cela occasionne des difficultés relationnelles entre eux. Ils s’accusent, se critiquent, s’agressent, sont colériques, amers.

Le couple ayant une dimension thérapeutique, guérissante, il est normal que les événements pénibles du passé resurgissent. Les époux devraient donc consulter leur mémoire: quels traumatismes n’ont pas été guéris et les font réagir de la sorte ? Les blessures les plus profondes et les plus douloureuses remontent en général à l’enfance et ont souvent été causées par des proches, les parents, les frères et sœurs, à l’école, etc.

Le poète William Wordsworth avait raison d’écrire que « l’enfant est le père de l’homme ». Vous avez été un enfant, et cet enfant continue d’exister en vous. Votre conjoint a été aussi un enfant, et cet enfant continue d’exister en lui.

Dans votre vie quotidienne ces deux enfants resurgissent et se manifestent avec une grande facilité ! Vous croyez être deux ? Erreur ! Vous êtes quatre en réalité, les deux adultes que vous êtes et les deux enfants que vous avez été ! Lorsque vous regardez votre mari, votre femme, n’oubliez pas de voir l’enfant qui vit en lui, en elle. Cet enfant a peut-être été, dans le passé, meurtri, blessé, effrayé, humilié, mal-aimé. Vous comprendrez mieux certains de ses comportements « incompréhensibles » si vous vous souvenez de cela.

Un psychiatre disait: « Je ferais mieux d’indiquer sur ma porte: pédopsychiatre. En effet en chaque client qui vient me voir, ce n’est pas l’adulte que je soigne, mais l’enfant qui est en lui. »

Ainsi, dès qu’un homme et une femme vivent ensemble, ils introduisent chacun leur problématique personnelle qui va conditionner l’avenir du lien amoureux.

Cette problématique s’articule en particulier autour de la relation du bébé avec la mère, du conflit œdipien, des schémas précoces d’inadaptation et des abus sexuels.