Les techniques d’envoûtement du père abuseur

Quelles sont donc les techniques utilisées par ce père sorcier ? Le père ne séduit pas sa fille : il la paralyse dans ses capacités de raisonnement, il la rend confuse, il crée chez elle une perte du sens critique, il rend impossible toute rébellion. Pour la fille, il y a, à la fois, non consentement et acceptation. C’est ce non consentement qui nous rapproche d’une métaphore de l’envoûtement.

Alors comment envoûte-t-on quelqu’un ?

L’envoûteur pratique par effraction et tout envoûtement fait partie d’une logique de l’effraction.

Les trois canaux dont se sert l’envoûteur sont :

Le regard : le regard perfide, le regard qui trouble, le regard où le désir est explicite. Pire, le regard « illisible » où l’enfant hésite entre désir sexuel et tendresse paternelle : celui qui confond la victime et lui rend les choses indécidables.

La parole : « les paroles à double sens, les énoncés allusifs, marmonnés, inaudibles ou bizarres pénètrent l’autre par son propre étonnement ou encore à l’aide de sa peur ». Commentaires sur des paroles dites par un envoûteur professionnel ou par un père incestueux ? On peut hésiter…

Que disent les pères abuseurs : « Tu peux bien faire ça pour moi puisque c’est moi qui t’élève… puisqu’il doit y avoir un initiateur, il vaut mieux que ce soit moi parce que je serai plus tendre et que je t’aimerai mieux puisque je suis ton père. Méfie-toi des autres »…

Tous ces messages ont la même structure : « Tu n’es pas préservée de la mise en acte de mon désir, comme tu pourrais le croire, parce que tu es ma fille. Au contraire, c’est parce que tu es ma fille que j’ai des relations sexuelles avec toi »…

A savoir une rupture de la logique, une inversion, une perversion, une distorsion logique : ce qu’on croyait être un rempart est un passage.

Ce type de message provoque un effondrement de la critique chez celui qui l’entend, étant entendu que celui qui l’entend est un enfant dépendant affectivement et matériellement de celui qui parle. Paralysie et malaise sont les seules réponses possibles pour l’enfant.

Le toucher : Frôlements inattendus, touchers aux alibis insoupçonnables, prétendus naïfs, devenant tout à coup indécidables (tout comme les messages précédents). Donner un bain à sa petite fille, la prendre sur ses genoux, situations indéchiffrables pour l’enfant quand l’ambiguïté s’y installe.

De plus ces touchers ont souvent pour effet de focaliser l’attention de l’enfant ; ils agissent comme détournement du système d’alerte, créant encore une fois de la confusion, de la paralysie, de l’indécidable, favorisant l’emprise.

Ces techniques tendent donc à fabriquer, programmer un « sujet sous influence, sous emprise ». Toutes les pratiques liées à l’effraction favorisent la perte pour la victime de son enveloppe, c’est-à-dire la perte de ses capacités à juger, estimer, comprendre, arrêter l’autre à la limite de sa propre peau.

Ici l’effraction est constituée par le fait que l’enfant perçoit le désir de son père pour elle dans ses formes les plus violentes et les plus explicites. L’enfant voit ce qu’il ne devrait pas voir : le désir de son père de façon explicite, toute distanciation étant interdite par le passage à l’acte.

On pourrait dire que l’enfant est envoûté par le désir du père.

Enfin pour ligoter définitivement l’enfant, le père lui remet son destin entre les mains : « Si tu parles, j’irai en prison, ta mère se suicidera, tu seras placée en foyer, la famille séparée »…

Poids écrasant pour l’enfant que le destin de son père et de sa famille entre les mains : encore une inversion, confusion de places, de rôles…