INCESTE ET RELATION D’EMPRISE

« La thérapie de l’inceste ne serait-elle pas une thérapie de l’emprise ? », Martine Nannini, Novembre 1990

(extrait du n° 3 de « Peau d’Ane » édité par SOS Inceste pour Revivre, mai 1992)

 

La grande majorité des incestes père/fille se passent sans violence « objective » de type agression, et même si le premier acte sexuel incestueux peut être défini comme un viol, il a souvent lieu pour la victime dans une sorte d’état second de conscience rétrécie.

Quand l’inceste se prolonge pendant plusieurs années, et c’est souvent le cas, la victime est prise au piège d’une toile d’araignée relationnelle qui grignote peu à peu sa résistance et ses possibilités d’opposition : ceci ne revient pas à un consentement.

Il s’agit plutôt d’une relation dans laquelle l’un, le père incestueux, escroque le corps de sa fille et dans laquelle l’autre, la victime, se « fait prendre » sans pouvoir imaginer alternative, ni opposition.

L’emprise est cette relation complémentaire dans sa forme la plus extrême où le père emploie manœuvres et stratégies pour éviter d’avoir à employer la violence.

Beaucoup de jeunes femmes qui ont vécu l’inceste se torturent avec l’idée qu’elles n’ont pas su dire « non ».

Nous avons su développer ces dernières années tout un courant d’idées autour de la prévention des abus sexuels intra-familiaux. Il faut, nous dit-on, apprendre aux enfants à dire « non ». Comment un enfant peut-il dire « non » à son père ? N’est-ce pas plutôt le père qui est censé dire « non » ?

Difficile de prescrire une partie du problème pour résoudre le problème. Difficile de prescrire la résistance, l’opposition aux enfants quand on devrait la prescrire aux pères.

La relation d’emprise est donc une relation dans laquelle ni l’enfant ni le père ne peuvent dire « non ». Pourquoi cette impossibilité pour le père ? Pour l’enfant ?

Le seul modèle que nous ayons trouvé d’une telle relation, nous l’avons trouvé dans les pratiques de sorcellerie. L’emprise et ses techniques y sont décrites avec une grande précision.

Les petites filles, les enfants victimes d’inceste sont-ils envoûtés, ensorcelés ? Par qui ? Qui est le sorcier ? Pourquoi le père se fait-il sorcier ? Quelles sont ses techniques d’envoûtement?