D. AIDER LA VICTIME A REVIVRE

Celle-ci devra cesser d’écouter les voix intérieures qui la maintiennent dans la culpabilité et la honte et se mettre à l’écoute de la voix de la vérité, qui la conduira vers la libération.

Elle devra aussi abandonner les voies sans issues que des personnes bien intentionnées mais incompétentes (des aidants «peu aidés» !) lui proposent : nier l’abus, le minimiser, oublier, pardonner au coupable sans que celui-ci se soit sérieusement repenti, tourner la page, cesser de se plaindre, guérir instantanément après une prière, etc.

La voie menant à la résurrection comprend plusieurs étapes : réaffirmer sa confiance en Dieu, regarder la réalité en face, et décider de revivre.

1. Réaffirmer sa confiance en Dieu

La victime se débat avec des interrogations lancinantes : «Où était Dieu ? Pourquoi a-t-il laissé faire cela ? Pourquoi n’a-t-il rien fait pour m’aider ?»

Une réponse possible, et conforme à la pensée biblique, serait de dire que, pendant ces abus sexuels, Dieu était sur la croix en Jésus-Christ, en train de porter à la fois la souffrance de la victime et le crime de l’abuseur. Dieu, en effet, est hors de nos limites humaines de temps et d’espace.

On l’encouragera à réaffirmer que Dieu n’est ni l’auteur du mal ni son ennemi, qu’il est un Père aimant désireux de son bonheur, et qu’il est pour elle, non contre elle.

Les traumatismes sexuels, comme toute autre souffrance aiguë, posent le problème du mal. Continuer à croire que Dieu est amour, même au sein de la douleur incompréhensible, la fera progresser dans la maturité spirituelle.

La personne doit aussi laisser à Dieu la maîtrise du temps, renoncer à son calendrier personnel de guérison et admettre que le processus de rétablissement prendra le temps qu’il faudra.

Souvent la décision d’accorder sa confiance à Dieu passe par l’accord de sa confiance au conseiller qui représente les autres, l’autorité, ou Dieu, bref tout ce que voudrait fuir celle qui a souffert de trahison. Ceci montre combien est grande la responsabilité de ceux qui s’occupent de victimes d’abus sexuels.

2. Regarder la réalité en face

La personne devra peu à peu retrouver les souvenirs de l’abus, admettre les dégâts et ressentir les sentiments adéquats.

1. Retrouver les souvenirs de l’abus

La victime préfère souvent les oublier, tant cela la dégoûte ou la terrifie. Ou alors elle les raconte froidement, comme si c’était arrivé à quelqu’un d’autre. Mais ce déni est un obstacle à la guérison.

Avec beaucoup de tact, on l’encouragera à remonter dans le passé, parfois très lointain, car seul un abcès vidé peut cicatriser.

Le retour des souvenirs refoulés se fera progressivement au cours de la relation d’aide. L’inconscient de la personne collabore activement par le moyen de rêves, ou d’images qui lui reviennent à l’esprit.

Certains événements font aussi resurgir les traumatismes oubliés, par exemple : une rencontre avec l’abuseur, une grossesse, la ménopause, un autre abus, le fait qu’un de ses enfants atteigne l’âge qu’elle avait lorsqu’elle a été abusée, le fait de se retrouver sur les lieux de l’agression, ou le décès du coupable.

2. Admettre les dégâts

Ce retour pénible dans le passé va lui permettre d’admettre les dures vérités suivantes :

  • J’ai été victime d’un ou de plusieurs abus sexuels. C’est un crime contre mon corps et contre mon âme.
  • Etant victime, je ne suis en rien responsable de ce crime, quoi que j’aie pu ressentir.
  • Suite à ces abus, je souffre de sentiments d’impuissance, de trahison et d’ambivalence.
  • Ma souffrance est intense, mais la cicatrisation est possible, si j’admets qu’il y a eu blessure.
  • Cette cicatrisation prendra du temps.
  • Je ne dois pas recouvrir mon passé d’un voile de secret et de honte ; mais je ne suis pas non plus obligé d’en parler au premier venu.

3. Ressentir les sentiments adéquats

La culpabilité (qui est un sentiment racket très fréquent ici), la honte, le mépris, l’impuissance, la haine, le désespoir, devront peu à peu être remplacés par les sentiments plus adéquats que sont la colère envers l’abuseur et ses complices, et la tristesse face aux dégâts subis. Cette tristesse ne doit pas mener à la mort, au désespoir, mais à la vie, c’est-à-dire à une foi, une espérance et un amour renouvelés.

Le conseiller favorisera l’expression de ces deux sentiments, de manière réelle ou symbolique, mais toujours en toute sécurité, à savoir dans le cadre protégé des séances de relation d’aide.

4. Décider de revivre

Pourquoi une victime d’abus sexuel devrait-elle décider de revivre, après tout ce qu’elle a souffert et souffre encore ? Tout simplement parce que Dieu veut qu’elle choisisse la vie et non la mort, et que cette volonté est bonne, agréable et parfaite.

Choisir de revivre signifiera pour elle :

1. Refuser d’être morte

Elle trouve normal de vivre avec un corps et une âme morts ; paradoxalement, cela lui permet de survivre, en ne risquant plus de ressentir la joie ou la douleur. Elle devra peu à peu comprendre que se comporter devant le Dieu de la vie comme un être mort est un affront.

2. Refuser de se méfier

La victime se méfie de Dieu et de tous les êtres humains. Une femme violée, en particulier, voit tout «mâle» comme étant le « mal ». Elle devra apprendre à transformer sa méfiance envers les hommes en vigilance, ce qui est tout différent.

3. Ne plus craindre le plaisir et la passion

Ces deux éléments la ramènent au drame qu’elle a subi, alors elle les fuit. Ce faisant, elle se prive de ces deux dons de Dieu.

Ayant été victime du désir (pervers, mais désir tout de même) de quelqu’un, elle «jette le bébé avec l’eau du bain», c’est-à-dire qu’en rejetant l’abus qu’elle a subi, elle rejette en même temps tout désir, même le sien.

Elle doit réaliser que ce n’est pas parce que quelqu’un a eu un désir pervers envers elle qu’elle doit désormais renoncer à son propre désir.

4. Oser aimer à nouveau

Elle devra progressivement renoncer à ses attitudes auto-protectrices et à son repli sur elle-même pour goûter à nouveau à la joie d’aimer les autres et de nouer des relations chaleureuses et sûres.

Elle quittera sa carapace pour retrouver un cœur tendre, capable de prendre le risque d’aimer ceux qu’elle rencontre. Comme le dit Ezéchiel 36 : 26, elle abandonnera son cœur de pierre (constitué par ses défenses) et laissera la place à son cœur de chair, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne s’entourera pas de protections. Une protection n’est pas une défense.

Elle découvrira alors que, s’il est vrai qu’une ou plusieurs personnes l’ont trahie, la grande majorité des autres sont dignes de confiance.