D. L’IDENTITÉ SPIRITUELLE

1. L’HOMME COURBÉ

Avant la Chute, l’homme faisait continuellement l’expérience de la présence de Dieu. Spirituellement et psychologiquement il se tenait debout, le visage levé vers Dieu, recevant sans cesse de lui la révélation de sa véritable identité.

C.S. Lewis dit que depuis la Chute, l’homme déchu est comme courbé vers la créature, cherchant son identité dans ce qui est créé, au lieu de la recevoir du Créateur. Romains 1.25 dit : …Eux qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur.

L’homme est esclave de la personne ou de la chose qui lui fournit son identité.

Le conseiller doit chercher à comprendre de quoi ou de qui le client tire son identité, à quoi ou à qui il demande de lui dire qui il est. Il peut s’agir de son père, de sa mère ou de toute autre personne, de ses diplômes, de son argent, de sa réputation, de lui‑même (dans le cas du narcissisme), etc. Certaines personnes ne se définissent que par la souffrance : leur maladie, leur handicap, un traumatisme qu’elles ont vécu : je suis un cancéreux, je suis un malentendant, un orphelin, une veuve, je suis un enfant adopté, etc. Certes, elles sont cela, mais elles ne sont pas que cela. Le SUJET n’est pas paralysé, il n’est pas obèse. Le SUJET EST.

Il n’est pas toujours facile de reconnaître devant quelles idoles la personne est ainsi courbée : outre les dépendances émotionnelles déjà citées, une idole plus difficilement décelable est, pour la femme, le désir d’exister par son conjoint, ou par son rôle de mère.

Si elle se retrouve divorcée ou veuve, ou quand ses enfants quittent la maison, la femme qui n’existait pas par elle‑même, mais par son mari et ses enfants, est désemparée.

Parfois, mettre en route un dernier enfant vers 40 ans peut servir de béquille pour se refaire une identité de mère et éviter de constater qu’elle n’existe pas par elle‑même.

L’homme, lui, a tendance à transformer sa capacité à entreprendre en attrait du pouvoir : ses idoles sont ses succès professionnels ou son pouvoir de séduction.

2. LE PÈRE HUMAIN

Dans la famille, c’est le père qui par sa parole, par la loi qu’il impose et par son amour, confirme ses enfants dans leur masculinité ou leur féminité, et donc les établit dans leur identité personnelle. Ces trois éléments : parole, loi et amour sont ici tous indispensables.

De même que la mère joue un rôle vital dans les premiers mois de la vie, de même le père joue un rôle primordial au moment de l’Oedipe et à la puberté.

Chaque garçon et chaque fille doit séparer son identité de celle de sa mère. C’est le père qui doit alors se placer entre la mère et son fils, afin de permettre à celui‑ci de trouver son identité sexuelle et personnelle. Il en est de même (à un moindre degré) pour la fille, bien qu’elle soit du même genre que sa mère.

Dans la Bible, on voit clairement que pour les Hébreux, ce sont les pères qui donnent l’identité aux fils. Cela est visible dans toutes ces généalogies qui les rattachent aux pères fondateurs du peuple d’Israël. Salomon est quelqu’un parce qu’il est le fils de David, David parce qu’il descend d’Abraham, etc.

L’identité de l’Israélite s’exprime donc par son ascendance. Il se définit en se reliant à ses pères. Chaque génération doit apprendre aux enfants la vocation et les exploits des patriarches.

L’histoire que vivaient les Israélites avait commencé avec leurs pères. Elle était résumée par les promesses faites par Dieu et les buts donnés aux patriarches, et les Israélites s’identifiaient entièrement à leur histoire. Dieu était « le Dieu de leurs pères ».

A Moïse qui demande : Qui suis‑je ?, Dieu lui répond : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Lors de la fête de la Pâque, les Hébreux rappelaient l’entrée dans le pays promis et les enfants apprenaient qui ils étaient à travers l’histoire de leurs pères.

Quand, plus tard, ils s’établirent dans le pays de Canaan avec une administration et tout ce qui fait une nation, ils demeurèrent néanmoins des nomades spirituels, parce qu’ils demeuraient dans l’identité de leur ancêtre Abraham « l’Araméen nomade ».

Leurs circonstances avaient changé, mais leur identité restait la même, puisqu’elle était située ailleurs, dans leurs pères.

Ils devenaient en faisant mémoire des pères. Ils entraient dans leur histoire personnelle en entrant dans l’histoire de leurs ancêtres. Quand ils mouraient, ils étaient « réunis à leurs pères ».

Jésus, au chapitre 8 de l’Evangile de Jean, dit en quelque sorte aux Juifs : « Si vraiment vous teniez votre identité de votre père Abraham, vous auriez reconnu en moi le Fils, mais en réalité vous tirez votre identité d’un autre père, le menteur, qui vous trompe sur vous‑mêmes. »

3. MON IDENTITÉ EST AUSSI EN DIEU

De tout ce qui précède ressort ceci : comme les Israélites trouvaient leur identité dans leurs pères, dans les promesses reçues de Dieu, la loi, le culte, l’exode, la conquête du pays, la foi, de même mon identité, je la trouve en Celui qui m’a engendré, mon Père céleste, Dieu.

Le théologien Jérémias a écrit que le message central du Nouveau Testament peut se résumer en ce seul mot : Abba ! Père !

Dieu est mon Père. Je peux avoir manqué de racines familiales, n’avoir pas connu mon père ou ma mère, être orphelin, déraciné, réfugié. Mais par Jésus‑Christ, j’entre dans la généalogie divine, je trouve mes racines en Dieu, de qui toute famille tire son nom.

Donc la question « Qui suis‑je ? » pourrait être formulée ainsi : « De qui suis‑je le fils, la fille ? » Je suis le fils, la fille de Dieu!

Nous comprenons alors mieux pourquoi Jésus nous met en garde : N’appelez personne sur la terre votre père car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux.

Il faut quelquefois beaucoup de temps pour parvenir à entrer pleinement dans cette vérité, surtout quand l’image du père terrestre a été négative. Tout le travail sur soi dont que nous au avons évoqué au chapitre précédent est nécessaire pour réaliser que Dieu est mon repère, mon re‑Père.

4. AIDER QUELQU’UN À SE REDRESSER

Le client qui se reconnaît courbé devant une idole qui le fait exister peut décider de renoncer à cette idolâtrie, recevoir une nouvelle colonne vertébrale et accepter de se redresser devant le Père. Son identité lui est alors donnée par Dieu, qui consolide en lui les parties de son être qui n’ont pas été confirmées par son père humain. Un solide sentiment d’être lui est alors communiqué.

Karl Barth écrit : « Aucun père terrestre, mais Dieu seul, est essentiellement, véritablement et primordialement Père. Aucun père humain n’est le créateur de son fils, ni celui qui contrôle sa destinée, ni celui qui le sauve du péché et de la mort. Aucun père humain n’est, par sa parole, la source de la vie temporelle et éternelle de son enfant. Au sens propre, véritable et premier de ce terme, Dieu, et lui seul, est Père. »

Dieu, qui détient le pouvoir de l’Etre (Je suis celui qui suis), établit alors le client en tant que personne. En lui nous avons la vie, le mouvement et l’être, disait Paul aux Athéniens. Le sentiment d’exister qui vient de la source de tout être est communiqué à celui qui jusque‑là s’était identifié avec le non‑être.

Pour que le client vive son identité chaque jour, Dieu lui a donné le Saint‑Esprit, par lequel il crie : Abba! Père !

C’est par cet Esprit qu’il comprend ces vérités essentielles /

  • Dieu a voulu que j’existe.
  • Je suis unique et j’ai une place dans le cœur du Père, dans le monde et dans la création.
  • Dieu m’a consacré à lui, m’a béni en Christ et m’a confié des dons.
  • Dieu m’aime d’un amour paternel et maternel, d’un amour éternel, inconditionnel et personnel.

Ces vérités sont détaillées dans notre précédent ouvrage : L’équilibre psychologique du chrétien, pages 11 à 33.

Le client devrait être prévenu que l’épanouissement de son identité est un processus qui durera toute sa vie, un long chemin dont la relation d’aide ne constitue souvent que quelques pas, et une psychothérapie la continuation.