Le rapport hommes/femmes, matrice de toutes les inégalités :

Quelques pistes pour se libérer de l’emprise des inégalités entre les hommes et les femmes

Première partie de l’atelier de la 6e Université d’été de la relation d’aide / 25-27 août 2017

par Valérie Duval-Poujol

La prise de conscience, le constat des inégalités hommes/femmes

  • Monde du travail et rémunération

En France, les femmes représentent 48% de la population active en 2010. Mais : 2/3 des salariés à bas salaire sont des femmes. Les femmes forment l’énorme bataillon du travail à temps partiel. Elles sont deux fois plus nombreuses au chômage que les hommes. L’écart de rémunération entre homme et femme est de 27% en moyenne. A poste équivalent, elles touchent 10% de moins.

  • Les tâches ménagères

Les femmes assument 71% des tâches ménagères et 65% des tâches parentales. Le temps consacré aux tâches domestiques (enfants, jardinage, bricolage…) par jour par les femmes est de 3h52, pour les hommes 2h24 soit une heure et demie de moins. En ce qui concerne les tâches plus spécifiquement ménagères (linge, cuisine, courses, ménage,…) il est de 3h03 pour les femmes par jour contre 1h23pour les hommes. Autre formulation : les mères consacrent deux fois plus de temps à leurs enfants que les pères, en plus des autres tâches domestiques qu’elles assument à 80%.

  • Postes à responsabilités

Dans la fonction publique les femmes occupent 20% des emplois de direction, elles représentent 10% des préfets, et sur 500 sociétés, elles sont 2% à être Président-Directeur-Général.

  • Éducation

A l’université toutes disciplines confondues 14% des professeurs titulaires universitaires sont des femmes en France (5% en Allemagne), 36% des maitres de conférence sont des femmes. Dans les écoles d’ingénieur françaises, les femmes représentent 23% des effectifs des étudiants. Jusqu’au troisième cycle, les filles sont moins soutenues financièrement que leurs frères par les parents ; par exemple 37% des garçons ont un ordinateur contre 22 des filles étudiantes.

  • Mariage forcé

Selon le Haut conseil à l’intégration en France, cinquante mille jeunes filles seraient victimes chaque année en France de mariages forcés. Ces jeunes filles, parfois à peine âgées de 15 ans, sont mariées de force, la plupart du temps « au pays », ce qui implique ensuite des viols répétés et souvent elles tombent enceintes. On attendra leur majorité pour organiser le mariage civil.

  • La violence conjugale

Tous les trois jours une femme décède sous les coups de son partenaire.

  • Les agressions sexuelles

Environ cinquante mille femmes par an sont victimes de viol en France. On estime qu’une femme sur trois a été victime d’abus sexuel au moins une fois durant sa vie.

  • Quelques grandes dates

1965 : les femmes peuvent travailler sans l’autorisation de leur mari, ouvrir un compte bancaire et disposer de leurs biens. 1970 la notion de « chef de famille » disparaît, au profit de l’autorité parentale conjointe. 1992 la loi réprime le harcèlement sexuel.

  • Le droit de vote pour les femmes

1944 : Le droit de vote a été accordée aux femmes en France. 1971 : Les femmes suisses obtiennent le droit de vote pour les élections au niveau fédéral. Sur le plan cantonal, les cantons ont agi en ordre dispersé. Les cantons de Vaud et de Neuchâtel ont donné le droit de vote aux femmes dès 1959 et celui Genève en 1960 ; les derniers cantons à le leur avoir accordé sont ceux d’Appenzell Rhodes-Extérieures et d’Appenzell Rhodes-Intérieures en 1989 et 1990.

  • La représentation politique

Il y a 20 ans, seules 10% des députées à l’Assemblée Nationale était des femmes. En 2017 elles sont presque 40%. Mais aucun des postes à responsabilité de l’Assemblée n’a été confié à une femme. Depuis sa création, il n’y a jamais eu à l’Assemblée Nationale de femme au perchoir ou de femme à la présidence d’un groupe. Au Sénat, un sénateur sur quatre est une femme, 16% des maires.

  • La mixité sociale

Liste d’exemples par des acteurs de terrain d’évolutions inquiétantes concernant la mixité dans notre pays dans l’espace public : disparition des filles de certaines activités sportives, fixation d’horaires d’ouverture pour les hommes/pour les femmes dans telle boutique ou telle piscine, exigence d’être examinée par un médecin du même sexe que soi, refus de serrer la main d’une femme, récusation d’examinateurs de l’autre sexe pour un examen universitaire, refus par des pères ou frères d’élèves de s’adresser à une enseignante, remarques déplacées sur des enseignantes portant une jupe,…

  • Dans le judaïsme

Affaires récentes de chantage au divorce dans la communauté juive orthodoxe français : pour être divorcé religieusement, la femme juive orthodoxe doit obtenir de son ex-mari son « acte de répudiation » appelé le guett : sans lui, elle ne peut refaire sa vie, ses futurs enfants d’une nouvelle union seraient considérés comme des « bâtards »… mais l’obtention dépend du bon vouloir de son ex-mari. En 2014, au tribunal rabbinique de Paris, on a demandé à une femme qui sollicitait depuis 5 ans son « acte de répudiation » de payer 90000 euros à son ex-mari pour obtenir cet acte de répudiation.

  • Une prière juive

Tous les matins, le juif orthodoxe récite toujours la même prière, la même bénédiction du matin[1] : « Seigneur, loué sois tu de ne m’avoir pas fait femme ! » car l’homme a la « chance » de pouvoir appliquer les 613 commandements du judaïsme alors que la femme bénéficie de « dispenses ». A l’heure actuelle dans le judaïsme orthodoxe en France, on interdit à la femme de prendre la parole dans la liturgie synagogale, notamment pour lire la Torah. Or cet interdit ne vient pas de la loi juive (la halakha) qui autorise cette prise de parole si les hommes et les femmes sont assis dans la même pièce de la synagogue mais de façon séparée.

[1] Prière quotidienne rapportée par la tradition (Tosephta 7 :16-18) : « Béni soit-il qui ne m’a pas fait Gentil ; béni soit-il qui ne m’a pas fait femme ; béni soit-il qui ne m’a pas fait homme sans éducation.

  • Dans l’islam

La Grande Mosquée de Paris a publié le 31 Mai une « Proclamation des droits des femmes dans l’Islam en France ». Elaboré par une quinzaine d’hommes, elle assure que la majorité des Français de confession musulmane sont déjà pour l’égalité des sexes. Mais après ce préambule la Grande Mosquée se dit toutefois inquiète de la montée en puissance au sein de la communauté musulmane d’une vision misogyne, rétrograde et réactionnaire de la place des femmes dans la société et le foyer.

  • Dans le catholicisme

Les femmes ne peuvent exercer le ministère de prêtre, ne donner aucun sacrement, ne peuvent pas être diacres (ou « diaconnesses »), ne peuvent pas prononcer d’homélies. Depuis les années 90-2000 s’ajoutent l’exclusion des fillettes du service des enfants de chœur qui s’ouvraient à elles, même si la décision ultime est laissée à l’évêque. Au synode sur la famille (synode extraordinaire en 2014, synode ordinaire en 2015) où les femmes étaient au centre du discours, leur voix fut quasi inaudible, leur présence quasi invisible : seule une poignée de femmes furent conviées et purent prendre la parole. Les décisions furent votées par une assemblée exclusivement masculine de cardinaux, évêques et prêtres. Dans les diocèses, des femmes peuvent occuper des postes de délégués épiscopaux ou diocésains, de membres du conseil épiscopal, d’économes ou de chanceliers mais ces postes restent masculins à 75%.

  • Le pastorat féminin

Les premières femmes pasteures en France sont reconnues dans les années après la seconde guerre mais elles avaient l’obligation de rester célibataires et elles percevaient un salaire inférieur de 70% à celui des hommes. Chez les réformés (Epudf) elles représentent aujourd’hui un tiers du corps pastoral. Chez les baptistes et les Eglises libres en France, environ 10% du corps pastoral est désormais féminin.

  • Dans les Églises évangéliques et de type pentecôtistes

En France l’accès au pastorat reste fermé dans la plupart de ces Eglises. La femme n’a pas non plus le droit de prêcher, de faire des études bibliques, d’être ancien ou membre du conseil d’Eglise, voire de distribuer la Cène… Elle ne peut pas célébrer de mariage, d’enterrement ou de baptême. Dans des grands rassemblements de femmes, on demande la présence d’un pasteur homme pour assurer « la couverture spirituelle » de l’événement. Dans les instituts de formation théologique de ces Eglises, il n’y a pas de femmes professeurs enseignant les « grandes matières », elles peuvent éventuellement enseigner les langues ou l’histoire.

  • Responsabilités en Églises pour des femmes

Tous milieux chrétiens confondus, il y a encore un certain « plafond de verre » : peu de femmes accèdent aux postes de responsabilité ecclésiastiques supérieures ; cela reste des exceptions qu’on cite mais qui sont l’arbre qui cache la forêt :

  • Pas de femme présidente ou secrétaire général d’une union d’église (sauf une présidente d’une union protestante alsacienne de 1982-1988 et une présidente réformée en France pour l’EPUDF depuis quelques mois).
  • Pas de femme doyenne de faculté de théologie ou d’institut de formation (sauf une à l’IPT jusqu’à cet été)
  • Pas de femme membres des conseils de direction d’Eglise, des instances dirigeantes. Cf la composition du comité représentatif du Conseil National des Evangéliques de France, l’organe de décision : sur 15 membres, 15 hommes !
  • Chaque minute dans le monde…

Chaque minute une femme meurt dans le monde en donnant naissance à un enfant, faute de soins appropriés. Chaque minute 4 femmes vont être excisées. Chaque minute 11 jeunes filles vont être mariées de force.