2. Ouverture
Ainsi, nous sommes capables de ressentir la vie, d’éprouver le fait d’exister, comme une chose à laquelle nous participons; mais notre petit «être» individuel est loin d’entrevoir la totalité de l’existence de l’Être en tant que tel. Nous sommes enracinés dans quelque chose de tellement plus grand que ce que nous sommes nous-mêmes. Quand la lumière (qui tombe continuellement du ciel) nous éclaire, que la ténèbre recule, que nous effleurons la source de l’Être, le fondement de ce qui est (entête, lui) il me semble que nous effleurons ce que nous appelons Dieu.
Je vous propose de tenter de faire le tri de ce qui, dans nos façons de croire, participe de la vie et à la vie et de ce qui n’est que fuite devant l’angoisse du vide et finalement refus de la vie.
Il ne s’agit pas pour moi de vous dire ce qu’il convient de croire, ni comment le croire ni avec qui le croire mais il s’agit seulement de prendre un peu de recul par rapport aux articles de foi tels que nous les professons habituellement, d’ouvrir une fenêtre et d’offrir un espace de respiration qui nous aide à sortir de l’enclos des idées reçues.
Michel Dussaud relève que l’un des problèmes de la religion, c’est son aspect dogmatique. Bien que l’existence du mystère y soit reconnue, l’homme, pour calmer son angoisse, se donne le droit d’aller au-delà de ce mystère en instaurant des croyances qui, bien qu’elles portent en elles la trace de l’émotion initiale face au mystère de l’existence, ont pour conséquence de tuer la foi dans l’énigmatique présence au cœur de la Vie.
En écrivant que toute religion est tentée de manipuler le divin pour s’attacher ses fidèles, le théologien protestant Karl Barth, quant à lui, reprochait à la religion d’être foncièrement incrédulité et idolâtrie.
La religion en tant que source de consolation est un obstacle à la véritable foi…
Simone Weil
Freud dans l’avenir d’une illusion avait déjà relevé que: L’angoisse humaine face aux dangers de la vie s’apaise à la pensée du règne bienveillant de la providence divine, l’institution d’un ordre moral de l’univers assure la réalisation des exigences de la justice, si souvent demeurées irréalisées dans les civilisations humaines, et la prolongation de l’existence terrestre pour une vie future fournit les cadres de temps et de lieu où ces désirs se réaliseront.
L’homme est ainsi fait que l’incapacité à répondre de façon satisfaisante à la quête de sens engendre, en lui, une insupportable angoisse. Le problème de la réponse religieuse classique, c’est qu’elle risque de neutraliser cette angoisse par une fuite du questionnement au profit de l’adhésion à des réponses toutes faites.
Maurice Blanchot, romancier et philosophe, écrit ceci: «la réponse est le malheur de la question». En effet, la question place l’affirmation dans une sorte de vide qui nourrit et enrichit le questionnement, alors que la réponse clos l’interrogation (souvent à bon compte).
Me référant au titre de cette intervention, je précise que l’humanisme, aussi, peut être une croyance: croyance en la toute-puissance de l’homme, maître de son destin, individuellement selon le libéralisme, collectivement selon le marxisme. L’homme s’imagine capable de construire son avenir en utilisant son seul intellect et en refoulant son émotion face au mystère de la vie. Mais on le sait bien, l’angoisse essentielle, refoulée, n’est pas apaisée pour autant et exige toujours plus de «progrès» matériel.