« Je crois en la présence secrète de Dieu »

Extrait de « Ce que je crois » de Jacques ELLUL, Grasset, 1987

 

Le Dieu biblique est un Dieu caché et cependant présent. Je crois à la présence secrète de Dieu dans le monde. Il est un Dieu qui nous laisse parfois dans le silence, mais qui toujours nous dit : « Souviens-toi », c’est-à-dire qui nous renvoie à la parole qu’Il a dite, toujours nouvelle si nous refaisons le chemin de l’écrit à la parole vécue, actualisée.

Il est un Dieu incognito, qui ne se manifeste pas dans les grandes orgues et cérémonies sublimes, mais qui se cache dans le surprenant visage du pauvre, dans la souffrance (comme Jésus-Christ), dans le prochain dont je m’approche, dans la fragilité.

Comprenons bien cette vérité élémentaire : Dieu se révèle par le moyen fugace de la parole et dans l’apparence du dénuement, parce que tout serait faussé s’il se révélait à nous dans Sa puissance, Sa gloire, Son absoluité, rien ne peut le contenir ni ne pourrait supporter sa présence. Dieu ne peut être connu directement mais seulement par la médiation de ce qui est dans notre possibilité.

J’en trouve une confirmation éclatante dans la vie même de Jésus. L’action de Jésus dans sa vie n’est pas la non-violence. Ce qui a constamment marqué sa vie, plus que la non-violence, c’est le choix en toute circonstance de la non-puissance. Ce qui va infiniment plus loin.

La non-puissance n’est pas l’impuissance. La non-puissance est un choix. C’est une des expressions les plus bouleversantes de cette considération d’un Dieu qui est le Tout-Puissant, et qui venant parmi les hommes prend la décision de la non-puissance.

La non-puissance comme choix de vie, c’est ce que nous constatons du début à la fin de la carrière messianique. Mais cette orientation permanente et ce choix explicite de Jésus de la non-puissance nous placent actuellement, nous chrétiens, dans une situation délicate. Car nous devons faire le même choix.

Mais nous sommes placés dans une société qui n’a pas d’autre orientation, pas d’autre objectif, pas d’autre critère de la vérité que la puissance !

Nous sommes aujourd’hui placés dans la situation la plus difficile qui n’ait jamais eu lieu, puisqu’il nous faut récuser à la fois l’esprit de notre temps et les moyens employés.

Car si le dernier mot est l’amour, il consiste à ne jamais exprimer ni marquer une puissance quelconque envers l’autre en toute circonstance. Et seule la non-puissance aujourd’hui peut avoir une chance de sauver le monde…