3. Les voies sans issue

À présent, je vais présenter les aspects problématiques de certaines formes de croyance et ce en quoi elles s’éloignent d’une foi humanisante pour ensuite proposer un chemin vers une foi plus saine, libératrice, ouverte et transmissible…

Parmi les risques que nous courons lorsque nous confions le soin de notre spiritualité à des structures religieuses «problématiques», nous trouvons ceux-ci: Le risque du conformisme, de l’enfermement sectaire, de l’emprise, de l’intégrisme et du fondamentalisme.

A. Le risque du conformisme

Lorsqu’un responsable religieux présente des dérives totalitaires il devient contraignant et use de son autorité, accompagnée de subtiles menaces de «perte du salut», pour imposer ses dogmes. Le membre de ce groupe est mis en demeure de renoncer à toute mise en question les concernant. Il renonce alors à la sincérité qui donne sens et authenticité à sa foi. Il est enfermé dans la conformité, qui est de l’ordre d’une logique primaire qui recherche la similitude et n’a pas accès à une logique secondaire, plus complexe qui intègre les différences.

Max Bouderlique qui est philosophe et qui a beaucoup travaillé sur les dérives sectaires relève que les organisations religieuses utilisent souvent une logique primaire, basique qui enferme leurs membres dans la seule recherche de conformité à un modèle.

B. Le risque de l’enfermement sectaire

Dans ces systèmes, c’est l’appartenance au groupe qui fonde l’individu. Par lui-même l’individu n’est rien, le groupe est tout. Et ce qui symbolise ce «tout» c’est souvent l’autorité du dirigeant qui échappe à tout contrôle. Certains membres d’églises qui viennent chercher une aide pour éclaircir leur propre authenticité sont ainsi captés par ces groupes inauthentiques. Leur approche est fondée sur le ou exclusif: ou semblable, ou étranger. Celui qui n’est pas, ne pense pas, ne croit pas, ne se conduit pas comme moi est un étranger. S’il ne veut pas se convertir, il est du dehors. Cette déviance sectaire marginalise les membres du groupe par rapport à une société qui, elle, devient intégralement mauvaise, puisque différente.

C. Le risque de l’emprise

Il y a emprise lorsque quelqu’un veut substituer sa propre pensée à celle qui lui apparaît défectueuse chez l’autre, ou à vouloir guider sa recherche selon ses propres orientations.Toutes les religions portent en elles ce risque, parce que leur service est forcément assuré par des humains avec leurs propres inauthenticités et leurs propres limites.

Celui qui prétend détenir la connaissance détient une autorité qui peut lui assurer de grands avantages, matériels ou autres. On comprend mieux que certains puissent alors pervertir à leur profit (consciemment ou non) les contenus de la foi.

La pression exercée d’une façon ou de l’autre pour convaincre, pollue la foi du croyant: celui-ci doit mettre un bémol à sa sincérité, ce qui entraîne qu’il ne peut plus mener sa recherche spirituelle propre, mais seulement apprendre et croire des dogmes en masquant tout ce qui pourrait susciter des doutes.

D. Le risque de l’intégrisme et du fondamentalisme.

Philippe Gonzalez qui enseigne la sociologie à l’Université de Genève nous rappelle que la religion qui se préoccupe du sens ultime de l’existence, l’a toujours fait dans un contexte socio-historique particulier, au moyen d’un ensemble de pratiques, de textes, de savoirs qui sont transmis au cours du temps.

La culture oblige le groupe à reconnaître que ce que l’on tient aujourd’hui pour vrai, absolu, sacré ne l’était pas forcément par le passé. Elle constitue une instance critique face à la tentation intégriste en nous aidant à reconnaître la diversité des communautés qui composent la société et la pluralité des manières de faire au sein de la communauté religieuse.

Cette relativisation qu’introduit la culture, le fondamentalisme l’assimile à une corruption. Car il cherche, lui, à produire un sentiment d’immédiateté, un rapport direct avec Dieu.

Cette attitude de négation de l’histoire est spécialement présente dans des traditions qui se fondent sur des textes, comme la Bible ou le Coran. Il s’agit alors d’en revenir à la «lettre» qui aurait été dégradée par des «interprétations» trop accommodantes avec la culture contemporaine.

Sur le plan individuel, cela signifie que la personne ne peut plus penser ou agir en dehors de son identité de croyant.

L’un des problèmes de ce type de groupe c’est que la critique interne n’est pas possible. Donc les plus modérés quittent la communauté, ce qui accélère le processus de radicalisation.

L’intégrisme quant à lui s’exerce en premier lieu à l’intérieur de la communauté, par la chasse aux tièdes et aux mécréants. Il défend une version maximaliste de la foi ou de l’engagement. C’est ce qu’on trouve, par exemple, dans le discours de l’État islamique mais pas seulement.

Ceci s’exerce aussi à l’égard de l’extérieur et conduit au communautarisme, c’est-à-dire au refus de composer avec les différentes communautés qui constituent la société. Ce refus peut se traduire par un retrait de la société mais il peut aussi se transformer en ambition expansionniste qui vise à soumettre la culture ou la politique à la loi divine. Dans ce dernier cas, on est proche de la tentation théocratique, comme on le voit, entre autre, aujourd’hui, avec le salafisme qui débouche sur le djihadisme.