1. Évocation
Je commencerai par ce texte de Genèse 1 dans la traduction de Chouraqui :
La terre était tohu et bohu.
Une ténèbre sur la face de l’abîme
mais le souffle d’Elohîm planait sur la surface des eaux.
Elohîm dit «une lumière sera»
Et c’est une lumière.
Elohîm voit la lumière: quel bien!
Elohîm sépare la lumière de la ténèbre.
Je poursuis avec ce passage de l’évangile de Jean au chapitre 1, toujours dans la traduction de Chouraqui.
Entête, lui, le logos et le logos est pour Elohîm
et le logos est Elohîm, il est entête pour Elohîm
Tout devient par lui; hors de lui rien de ce qui advient ne devient
En lui est la vie; la vie est la lumière des hommes
La lumière brille dans la ténèbre mais la ténèbre ne l’a pas saisie
Dans ces 2 passages, je relève ces 3 mots: lumière, ténèbre, vie
Pascal Quignard fait un parallèle entre ces textes et la naissance de chaque individu avec sa part d’ombre. Je vous en cite un court extrait.
La lumière avait beau chercher à retenir le nouvel arrivant dans sa clarté, […], commençait à naître le regret de l’ombre en chacun. […] C’est ainsi que tous les hommes […] en appelaient après l’ombre […] Ces hommes n’étaient pas des ombres; ils procédaient de l’ombre. […] Car la lumière n’accueille pas l’ombre, puisqu’elle l’éclaire. Plus encore, en émettant sa clarté, la lumière extermine l’ombre.
Simone Weil illustre, par une magnifique image, ce lien entre la lumière et la vie: Seule la lumière qui tombe continuellement du ciel fournit à un arbre l’énergie qui enfonce profondément dans la terre les puissantes racines. L’arbre est en vérité enraciné dans le ciel.
Octavio Paz, poète mexicain, quant à lui, exprime ceci:
Je suis homme: ma durée est courte et la nuit immense. Mais je regarde vers le haut: les étoiles écrivent. Sans comprendre je saisis: je suis aussi écriture et en ce moment même quelqu’un m’épelle.
Lorsqu’on l’a questionné sur l’identité de ce quelqu’un, il a répondu: «ou ce quelqu’un est quelqu’un d’autre, comme moi, ou ce quelqu’un est au-delà des hommes… j’ai découvert… une réalité qui est avant l’être et le non-être. Peut-être est-ce celui qui m’épelle. Mais, de lui, nous ne pouvons rien dire… Je ne suis pas croyant, mais je dialogue avec cette partie de moi-même qui est davantage que l’homme que je suis, car elle est ouverte à l’infini, vers l’ailleurs.»