LE CONTRAT EN RELATION D’AIDE
© Jacques et Claire Poujol. Pages extraites de leur livre «L’accompagnement psychologique et spirituel, guide de relation d’aide», Empreinte Temps Présent, 2007. Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.
1. LE BIEN‑FONDE DU CONTRAT
Le contrat est très important pour le client, qui est aussi un « consommateur » avec des « droits ». Il faut éviter de lui laisser croire qu’il va acheter une sorte de pochette surprise. On va lui dire, et c’est la notion de contrat, comment on va procéder, la nature de la relation d’aide, sa part à lui et la part du conseiller.
Un modèle d’aide axé sur la participation implique que le client comprenne les principaux objectifs et les méthodes utilisées. Le contrat doit être clair, précis, souple, pour ne pas l’accabler, le coincer, l’angoisser, le décourager. Le contrat clarifie les attentes mutuelles du client et du conseiller. Il y a possibilité à tout moment pour le client de le réviser, de le réévaluer, de le réajuster.
Par le contrat nous le plaçons déjà dans une attitude de co-responsabilité par rapport à ses problèmes. Il ne s’abandonne pas au conseiller comme on confie son corps au médecin. Il est à noter que cette attitude d’abandon au médecin influence beaucoup les clients en relation d’aide. Ils s’attendent à ce que nous soyons un médecin de l’âme et que nous fassions tout !
Le but d’un processus d’aide n’est pas de résoudre les problèmes du client à sa place, ce qui le rendrait dépendant de nous, mais de favoriser sa croissance psychologique et spirituelle.
Les psychothérapeutes connaissent le bien-fondé psychologique du contrat dans les cas graves. Il arrive par exemple à certains de demander à une personne suicidaire de signer un papier par lequel elle s’engage à ne pas attenter à ses jours. Inconsciemment la personne met déjà un pied dans le processus de rétablissement puisqu’elle ferme une porte d’« issue de secours » pour son problème.
Dans un travail d’aide, vous pouvez ainsi demander au client de s’engager à ne pas se faire aider par d’autres personnes pendant la période où il bénéficie de vos soins, en tout cas sans vous en avertir, ce qui changerait le contenu de l’accord passé entre vous deux.
2. QU’EST-CE QU’UN CONTRAT ?
C’est une convention passée entre le client et le conseiller. Chacun doit y faire son « 50 ». Ce chiffre ne représente pas un pourcentage quantitatif, c’est une part qualitative.
Si l’un des deux fait plus, ou moins, que son 50, il entre dans le triangle dramatique de Karpman.
Sauveteur __ Victime
\ /
Persécuteur
Dans ce triangle, je deviens Sauveteur quand sans l’autorisation de l’autre ou sans compétence personnelle, je dépasse la ligne de mon 50 et que je fais plus que ce que l’autre me demande ou que ce dont je suis capable.
Je suis Persécuteur quand je fais la même chose, mais par la force, et non pour faire plaisir. Je suis Victime si je fais moins que mon 50 en espérant que l’autre va faire davantage.
3. LA PART (le 50) DU CONSEILLER DANS LE CONTRAT
Elle se résume par la règle des 4 P (auxquels nous ajouterons un cinquième). Il s’agit de quatre mots commençant par un P et induisant quatre questions que le conseiller devrait se poser pour bien définir sa part, ne pas la dépasser, afin de ne pas devenir Victime, Sauveteur, ou Persécuteur du client.
A. La protection (ou la sécurité)
Ai-je la protection nécessaire pour m’engager dans cette relation d’aide sans que cela fasse du mal (sur les plans psychologique, physique, émotionnel, spirituel) à moi, à mes proches ou au client ?
Par exemple il ne sert à rien de m’occuper des drogués si cela entraîne mes propres enfants dans la drogue. De Sauveteur je deviendrai Victime.
Une personne qui fait souvent de l’accompagnement spirituel ou psychologique a intérêt à avoir un superviseur, quelqu’un de confiance avec qui parler d’elle-même et des difficultés qu’elle rencontre. On ne peut soutenir autrui sans être soi-même soutenu. Pour bien s’occuper des autres il faut aussi s’occuper de soi.
Cette supervision peut être collective, comme les groupes Balint. Ces groupes, qui furent d’abord réservés aux médecins, s’adressent maintenant au personnel paramédical, aux travailleurs sociaux, aux écoutants.
Le Père Duval a raconté dans un livre émouvant, « L’enfant qui jouait avec la lune », comment il est devenu alcoolique parce qu’il a exercé son ministère sans se protéger, en négligeant ses propres besoins. Il écrit : « Je ne savais pas que le désintérêt pour moi était le signe d’un grave déséquilibre spirituel. »
Françoise Dolto dans son livre Solitude écrit : « La solitude m’a toujours accompagnée, de près ou de loin, comme elle accompagne tous ceux qui, seuls, tentent de voir et d’entendre, là où d’aucuns ne font que regarder et écouter. »
B. La puissance (ou la capacité)
Ai-je la capacité de faire ce que le client me demande ? La bonne volonté ne procure jamais les qualifications techniques requises. Je dois avoir l’honnêteté de me rendre compte si je suis capable d’aider le client ou non, être conscient de mon désir de puissance, savoir que je ne suis pas seul à pouvoir aider, et avoir l’humilité de conseiller éventuellement au client de consulter une personne plus apte à l’aider.
Si je plonge pour sauver quelqu’un qui se noie, et que je ne sais pas nager, malgré toute ma bonne volonté, cela fera deux noyés au lieu d’un, parce que je serai allé au-delà de mes capacités. D’autre part aller au-delà de mes capacités me place dans le triangle dramatique, en position de Sauveteur.
C. La permission (ou l’autorisation)
Est-ce que le client me donne la permission d’agir, et jusqu’où ? Jésus demandait toujours : « Que veux-tu que je te fasse ? » Il avait la protection, la puissance mais il demandait la permission aux personnes.
Nous ne pouvons forcer quelqu’un à être heureux ou à désirer être guéri. Parfois notre zèle nous pousse à faire pour les gens ce qu’ils ne nous ont pas demandé (nous sommes alors Sauveteur), ils se fâchent (nous nous retrouvons Victimes) et nous avons envie de les persécuter. Un proverbe berbère dit : « Si tu veux faire quelque chose pour quelqu’un, si tu ne le fais pas avec lui, alors tu le fais contre lui. »
D. Le plaisir
C’est en fait l’amour, car il n’y a pas d’amour sans plaisir. Je dois trouver du plaisir dans l’aide que j’apporte. Et j’en trouve, parce qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. C’est mon salaire, mon bénéfice. Si je n’en retire pas du plaisir, je vais un jour ou l’autre « faire payer » à la personne l’aide que je lui accorde et entrer encore une fois dans le triangle dramatique.
A ces 4 P nous en ajoutons un cinquième.
E. La prière
Le P de ma prière n’est pas un acte magique, mais une action concrète d’amour envers le client. Si je vois qu’il me manque un ou plusieurs des 3 P de protection, de permission ou de plaisir, je peux demander à Dieu de me l’accorder.
Les 4 premiers P doivent être réunis avant de commencer une relation d’aide avec quelqu’un, sinon je vais me retrouver dans le triangle dramatique.