DISCERNER SI UNE PERSONNE VIT DANS LA SYMBIOSE

© Jacques et Claire Poujol. Pages extraites de leur livre «L’accompagnement psychologique et spirituel, guide de relation d’aide», Empreinte Temps Présent, 2007. Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.

 

1. Définition

Ce mot symbiose, signifiant « une association durable et réciproquement profitable entre 2 organismes vivants », n’est pas très approprié ici. Il vaudrait mieux parler d’une « relation soi-disant harmonieuse bloquée ».

Lorsque deux personnes ont entre elles des transactions quasi-exclusives entre le Parent de l’une et l’Enfant de l’autre, elles sont en symbiose psychologique, c’est-à-dire que ces deux personnes fonctionnent comme si elles ne faisaient qu’un, chacune excluant un (ou deux) états et les trouvant en complément chez l’autre.

La personne X fonctionne en excluant son état Enfant ; elle le trouve chez Y, qu’elle materne.

La personne Y fonctionne en excluant ses états Parent et Adulte. Elle se laisse materner par le Parent et l’Adulte de X. X et Y se disent implicitement : « L’un sans l’autre nous ne sommes rien. » Il convient d’être conscient du risque de symbiose dans la relation d’aide, lorsque le conseiller a besoin de materner son client pour exister (« je suis là, je m’occupe de vous, comptez sur moi ») et que le client demande au conseiller de tout faire sans s’impliquer lui‑même (« protégez‑moi, dites‑moi ce qui est bon pour moi »). Cela lui évite de se prendre en charge.

2. L’origine de la symbiose

C’est un phénomène normal dans la relation du très jeune enfant et de sa mère, qui utilise son Parent et son Adulte pour s’occuper de son enfant qui au début de sa vie ne possède qu’un seul état, l’Enfant. Peu à peu, l’enfant, par l’éducation (éduquer signifie : conduire dehors) se perçoit comme un être autonome ; le lien symbiotique se rompt et il arrive à s’affirmer comme étant une personnalité distincte de sa mère.

L’éducation, c’est faire évoluer l’enfant de la symbiose à l’autonomie. Mais l’immaturité de nombreuses personnes explique qu’elles tentent de recréer des situations symbiotiques à l’âge adulte.

Ces relations soi-disant harmonieuses bloquées peuvent exister entre une chaîne de personnes, par exemple dans les relations hiérarchiques. Chacune est pris en charge par quelqu’un, et prend en charge quelqu’un.

3. Les caractéristiques de la symbiose

La survie de chacun dépend de celle de l’autre : l’Adulte est toujours contaminé. Chacun s’identifie à l’autre, par exemple en répondant à sa place. Dans certaines familles, lorsque l’on interroge le mari, c’est la femme qui répond. Ou bien si on questionne un enfant ou même un adolescent, c’est la mère qui répond à sa place.

La dépendance amène une dévalorisation de soi et une sur-valorisation de l’autre. Examiner les raisons et le fondement réel de sa dévalorisation ou de la sur-valorisation consisterait à mettre l’Adulte aux commandes et à rompre la symbiose.

En relation d’aide, l’écoute active permet de faire sortir le client de sa position exclusive d’Enfant en posant des questions claires auxquelles il devra répondre en utilisant son Parent, son Adulte et son Enfant.

  • Que demandez-vous exactement ?
  • Quel est votre avis ?

Donner l’occasion au client d’exprimer ses désirs ou ses opinions débloque la « relation soi-disant harmonieuse bloquée » et lui donne de merveilleuses chances de décisions réalistes et autonomes.

4. Les comportements qui entretiennent la relation symbiotique

On les appelle comportements de passivité car il n’y a pas de prise en charge personnelle ni de souci réel de résolution du problème. La passivité est le comportement par lequel une personne s’abstient (généralement inconsciemment) de réagir à une situation donnée.

Il y a quatre manières d’être passif, de la moins grave à la plus grave :

A. Ne rien faire ou remettre à plus tard

  • Ca va s’arranger tout seul.
  • Mon conseiller va s’en occuper.
  • Je ne m’en sortirai jamais.

En face d’un client qui ne fait rien, le conseiller cherchera ce qui pourrait le motiver (amitié, pouvoir, reconnaissance de sa valeur, etc.)

B. Se suradapter

Le client en fait plus que ce que les autres lui demandent, et fait à partir de ce qu’il devine que les autres veulent. Il suit aveuglement et docilement les conseils et les modèles. Le conseiller l’incitera à choisir dans la liste des options proposées celle qui lui paraît la plus efficace, la plus proche de ses buts personnels.

C. S’agiter

Le client s’énerve autour du problème, parle beaucoup, se tord les mains, remue les jambes, parce qu’il sait qu’il pourrait résoudre la situation en faisant quelque chose mais il ne s’en sent pas capable.

Le conseiller proposera des modèles d’analyse du problème dans une attitude un peu directive puis lui demandera de choisir l’option qu’il préfère.

D. Se rendre incapable de réagir ou être violent

Cette violence peut être dirigée vers les autres (colère, agressivité) ou vers soi (avoir un accident, souffrir d’insomnie, d’ulcère, de maux de tête).

Le conseiller aidera le client à sortir de ce blocage en lui conseillant de s’occuper de lui-même, de faire du sport ou de se reposer, afin de diminuer le stress. A partir de son Parent Nourricier, il l’encouragera à « vider son sac » devant lui en ouvrant son cœur et à exprimer ses sentiments de peur, de tristesse et de colère.

Pour rester dans la passivité, le client s’arrange pour faire « comme si » il ne percevait pas qu’il y a un problème. Jaqui Schiff appelle ce processus la méconnaissance du problème. Le client invite aussi le conseiller à le prendre en charge.

Les quatre types de méconnaissance sont, par ordre croissant de gravité :

  • La méconnaissance de ses propres capacités à résoudre le problème

« Oui, j’ai une vie beaucoup trop solitaire mais je suis incapable d’aller au devant d’inconnus. » La cliente devra se poser la question : « Quelles sont les aptitudes que je possède réellement pour résoudre ce problème ? »

  • La méconnaissance des possibilités de résoudre le problème

« Je ne vois vraiment pas quoi faire pour être moins seule ! »

La cliente sera encouragée à utiliser sa créativité, à faire une liste de solutions même imparfaites puis à choisir.

  • La méconnaissance de l’importance du problème

« Je suis toujours seule. Cela me déprime, mais ce n’est pas grave ! » La cliente doit analyser les conséquences de son problème pour bien en mesurer la gravité.

  • La méconnaissance du problème proprement dit

C’est le degré le plus grave : « Tout va bien. Je n’ai aucun problème. » Le conseiller aidera la cliente à découvrir qu’il existe des signes indiquant qu’il y a un problème.

5. La dépendance symbiotique en relation d’aide

En relation d’aide, le client est souvent dépendant de son conseiller. Il fait preuve d’une forte inertie et allègue son influence, son impuissance ou alors il revendique de façon agressive ou obéit aveuglément à ce qu’on lui dit.

Tout conseiller sent cette recherche d’attachement excessif du client. Ou bien il accepte inconsciemment la symbiose et complète la personnalité du client en devenant son Parent, le client fournissant l’Enfant. Les deux fonctionnent alors comme une seule personne. Ou bien le conseiller refuse d’entrer dans la symbiose et essaie de mettre le client en condition d’utiliser progressivement ses propres capacités de façon autonome, en utilisant aussi son Parent et son Adulte.

Si le conseiller, sans s’en rendre compte, se trouve pris dans la symbiose, il rentre dans le triangle dramatique. Il devra être attentif et se demander comment lui-même en tant que conseiller, joue la recherche symbiotique (le client lui apporte valorisation et encouragement).

A partir de son propre Adulte, il travaillera à se dégager de la symbiose, sachant que cela comporte le risque de ne plus être un Parent Nourricier Sauveteur et donc de perdre un certain pouvoir sur le client lorsque celui-ci gagne en autonomie.

Un des buts d’une relation d’aide est que le client devienne une personne autonome qui sait qu’elle a le pouvoir de refuser les manipulations des autres, qui sait qu’elle est responsable de ce qu’elle ressent, pense et fait, et qu’aucun être humain ne peut la faire se sentir bien ou mal (sauf en cas de situation extrême de violence ou de guerre par exemple).