L’ÉTHIQUE EN RELATION D’AIDE

© Extrait du livre « 10 clés de la relation d’aide », Jacques Poujol (Pasteur et psychothérapeute) et Valérie Duval-Poujol (Théologienne), Empreinte Temps Présent, 2015, pages 31 à 34. Livre disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.

 

Notre société, qui met en avant le Sujet et ses droits, laisse à chaque personne la liberté de choisir sa façon d’être. Résumons les nouveaux droits que chacun estime normal d’avoir:

  • Droit à plus de prospérité, matérielle, physique, psychologique, spirituelle.
  • Droit à plus de savoir intellectuel, spirituel, technique.
  • Droit à plus de liberté, individuelle, relationnelle, politique, éthique.

C’est pourquoi accompagner quelqu’un dans une relation d’aide(1) est exigeant. Comment vivre ces nouveaux droits ? L’évolution rapide d’une part des sciences humaines et d’autre part des moyens techniques opérant sur l’homme, la pression de la rentabilité, le désir d’être efficace, conduisent à définir en permanence une éthique personnalisée.

L’accompagnant ne donne pas de conseils mais incite la personne à réfléchir. Il respecte ses choix, son cheminement mais pour autant, il ne la laisse pas sans outils pour prendre des décisions. Il ne se contente pas de répondre: « C’est vous qui savez, c’est vous qui voyez », mais il lui indique un cadre dans lequel réfléchir et faire ses choix.

La personne doit réfléchir à partir de quatre paramètres, qui sont des éléments constants dans la prise de décision.

Ces éléments de réflexion sont importants car la plupart des choix éthiques qu’elle est conduite à faire sont sans précédent dans l’Histoire.

Les quatre paramètres éthiques

1. L’éthique de la loi

Que dit la loi (le texte) au sujet de la question que se pose la personne? (Par loi, nous entendons la loi biblique, sociétale, sociologique, psychologique…)

Cet axe est essentiel à respecter mais pas isolément des autres. Si la personne ne prend en compte que ce critère-là pour prendre une décision, très vite elle applique aveuglément des principes fondamentaux qui paradoxalement deviennent nocifs.

Le roi David, ayant faim, dépassa la loi, et mangea des pains consacrés, réservés pourtant aux seuls prêtres (1 Sam. 21). Jésus lui-même déclare : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Mc 2.27).

La personne qui ne considèrerait que cet angle agit en enfant pour qui tout est blanc ou noir, bien ou mal. A aucun moment elle n’est responsabilisée, ni ne se construit par les choix qu’elle doit faire et assumer.

2. L’éthique des intentions

Ici l’idée est que seule la motivation ou l’intention comptent. Ce concept a une grande place dans notre société. Or une bonne intention, fût-elle louable, ne suffit pas à justifier nos choix et nos actes.

L’éthique chrétienne ne repose pas uniquement sur l’amour qui tolère, croit, supporte tout mais aussi sur la justice et le droit. Certes, les motivations ont leur place, mais de pair avec les autres paramètres. Si seule la motivation compte, c’est l’anarchie, l’effondrement de la vie collective.

3. L’éthique des situations

Cette éthique ne reconnaît aucune règle permanente, il n’y a que des situations particulières dans le temps comme avec les individus. La situation est analysée uniquement au cas par cas. Si par le passé, cet axe a été négligé, heureusement cela a nettement évolué.

L’éthique chrétienne est diachronique, elle traverse l’Histoire.

4. L’éthique utilitariste

Elle consiste à ne considérer que les conséquences d’un acte. L’utilité seule est le critère de morale pour juger une action, seuls comptent les résultats. Ce pragmatisme moral considère comme bon tout ce qui réussit. Comme le dit Hegel : « L’Histoire seule révèle la valeur effective de nos actes selon le rôle qu’ils ont joué en accélérant ou ralentissant l’Histoire ».

Or la personne n’est pas en droit de justifier n’importe quel acte en avançant seulement son résultat, sans tenir compte des conséquences des autres paramètres.

L’éthique de responsabilité

C’est à l’intérieur de ces quatre concepts, que l’aidé va réfléchir et prendre des décisions. C’est un véritable chemin de crête pour analyser chaque problème. L’aidant conduira donc la personne vers une éthique de responsabilité, pour qu’elle trouve son propre chemin, sans l’influencer vers un choix précis, mais en lui signalant si elle minimise un de ces axes.

Il s’agit de conjuguer liberté d’action et responsabilité. Selon la formule de Jacques Ellul, « il nous faut penser globalement et agir localement ».

Note 1 :  « La relation d’aide vise à donner une aide compétente dans les domaines psychologique et spirituel en vue d’une relation juste avec Dieu, les autres et soi. » (définition de l’ACC Europe, Association Européenne de Conseillers Chrétiens en relation d’aide)