L’APPROCHE NON DIRECTIVE EN RELATION D’AIDE
© Jacques et Claire Poujol. Pages extraites de leur livre «L’accompagnement psychologique et spirituel, guide de relation d’aide», Empreinte Temps Présent, 2007. Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.
Alors que dans la méthode directive le conseiller garde son savoir pour lui, dans celle-ci il le partage. Ici le client joue le rôle principal dans l’élaboration du diagnostic et des solutions envisageables par lui-même. Le conseiller se met avec ses connaissances à la disposition et à l’écoute du client pour l’aider à se comprendre et le stimuler à trouver les solutions en lui-même, à devenir lui-même.
1. Cette méthode, qui se veut cohérente avec la Bible, fait aussi appel à des apports des sciences humaines.
Pourquoi se le permet‑elle ? Parce que celles-ci rentrent, d’une part, dans le champ de ce que l’on appelle « la grâce commune de Dieu » et d’autre part dans « l’ordre créationnel ».
A. La grâce commune de Dieu
Dans sa théologie systématique, Berkhof distingue la grâce spéciale et la grâce commune ou générale. Celle-ci est naturelle et n’enlève pas le péché ni ne libère l’homme. Mais elle favorise la moralité, le développement de la science et des arts.
« Elle s’exerce pour révéler et mettre au service de l’homme les forces cachées de la nature et pour développer les capacités et talents qui sont latents dans la race humaine, afin que l’homme puisse toujours plus exercer sa domination sur la création inférieure, à la gloire de Dieu le Créateur ».
Luc 6 : 33 dit que les pécheurs aiment ceux qui les aiment et prêtent aux autres pécheurs, et Paul dit en Romains 2 : 14-15 : Quand les païens, qui n’ont point la loi font naturellement ce que prescrit la loi, ils sont, eux qui n’ont point la loi, une loi pour eux-mêmes ; ils montrent que l’œuvre de la loi est écrite dans leur cœur.
Calvin abonde en ce sens : « Tout ce que produit l’intelligence provient des grâces reçues par la nature humaine ; la nature de l’homme, bien qu’elle soit déchue de son intégrité et très corrompue, est toutefois ornée de beaucoup de dons de Dieu. Dirons-nous que ceux qui ont inventé la médecine ont été insensés ? Des autres disciplines penserons-nous que ce soit folies ? »
B. L’ordre créationnel
Par ailleurs, la succession création-chute-rédemption va dans le même sens. Les sciences humaines appartiennent à l’activité de l’homme qui utilise les ressources intellectuelles que Dieu met à sa disposition ; elles sont de l’ordre créationnel.
Bien que l’homme soit déchu, et qu’il utilise ses talents pour conquérir le monde, il découvre des méthodes, des techniques, des manières de comprendre et d’agir qui sont d’ordre créationnel et que les chrétiens peuvent donc utiliser avec profit dans le cadre d’une relation d’aide.
2. Bref résumé en trois points de la méthode non directive
A. Explorer le problème
Une fois le contrat élaboré, après avoir bien écouté, inviter le client à définir son problème principal ou le domaine qu’il est prêt à aborder. Nous pouvons résumer, compléter, aider, clarifier.
B. Définir des objectifs avec le client, en fonction des changements qu’il souhaite.
Fonctionner par hypothèse, réfléchir ensemble à des solutions permettant d’atteindre le but fixé.
C. Réaliser le programme
- Elaborer une stratégie, c’est-à-dire diviser la demande nécessaire pour atteindre les objectifs par petites étapes. Les stratégies sont les moyens pour atteindre les buts. Les évaluer d’un point de vue réaliste, pratique et biblique. L’option retenue doit faire participer le client ; ce n’est pas le conseiller qui fera le travail à sa place !
- Mettre en oeuvre ces stratégies. Cela se fait dans le temps.
3. Cette méthode travaille sur la pensée du client
Voici un bref rappel de la manière dont nous fonctionnons :
- La pensée, consciente et inconsciente, est toujours première.
- De nos pensées découlent nos sentiments.
- De nos sentiments découlent nos comportements.
- Les conséquences de nos comportements sont les réactions de ceux qui nous entourent. Ces réactions vont nous revenir comme un boomerang, renforcer notre façon de penser, ce qui nous ramène au point 1 selon ce schéma :
1. Mes pensées – inconscientes (dedans du cœur)
– conscientes (cœur)
4. Les réactions des autres 2. Mes sentiments
3. Mes comportements
Ce schéma fonctionne aussi bien sûr à l’envers : parfois ce sont mes sentiments qui influencent mes pensées, par exemple ; il y a en réalité une interaction constante entre mes pensées, mes sentiments, mes comportements et les réactions des autres.
Certaines thérapies visent à changer la personne au niveau de ses sentiments ou au niveau de ses comportements.
Mais en définitive, c’est vraiment la pensée qui est première, qui a une fonction directrice. Elle comprend la pensée inconsciente (6/7 environ), appelée dans la Bible le dedans du cœur et la pensée consciente (1/7), appelée le cœur.
A. La pensée consciente
C’est sur elle que l’on travaille en relation d’aide. C’est la pensée sur laquelle j’exerce un contrôle : mes convictions, opinions, préjugés, raisonnements, ce qui est facilement accessible à ma mémoire. Elle s’est structurée par rapport à mes parents.
Il est difficile de changer notre pensée, mais pas impossible, parce que nos pensées ont tendance à la rigidité. Une image tirée du domaine de la nature nous le fera comprendre : sur un champ labouré et vierge, les premières pluies créent des rigoles qui elles-mêmes forment des ruisseaux qui se jettent dans les rivières. A partir du moment où ces structures (rigoles, ruisseaux, rivières) se sont formées, toutes les eaux de pluie tombant ultérieurement emprunteront les mêmes tracés.
Face à une situation donnée, notre pensée, de même, reprend les mêmes circuits, et devient de plus en plus rigide, se renforçant elle-même. Dans un travail d’aide, il faudra apprendre à placer certains barrages sur ces ruisseaux pour en rectifier le cours.
B. La pensée inconsciente
En relation d’aide on ne travaille pas sur l’inconscient, bien que parfois on travaille avec l’inconscient et lui avec nous. Ce travail délicat doit être réservé aux professionnels.