LES TROUBLES PSYCHIQUES DE L’ADOLESCENT SUICIDAIRE
Travail réalisé par Léonard Vullioud (Suisse) dans le cadre de la formation en relation d’aide avec Jacques POUJOL.
On peut penser que la plupart des personnes qui passent à l’acte ont un trouble sévère et nécessitent un soin psychiatrique. La folie et le suicide est en réalité un couple fort rare. Bien souvent, le jeune qui va jusqu’au suicide souffre d’affects anxieux et dépressifs qui nécessitent une prise en charge. Le suicidant est vu comme un désespéré dont le geste reflète une perte manifeste, indépassable.
L’acte suicidaire traduit une intense souffrance qu’il faut absolument reconnaître et si possible apaiser ! Cet acte peut aussi montrer le début d’une affection psychiatrique évolutive de type psychose (ex. schizophrénie) ou trouble de l’humeur.
40% à 60% des suicidants présentent les critères d’un épisode dépressif majeur.
L’adolescence est le terrain d’un vacillement du narcissisme et de la relation d’objets (interrelations avec l’entourage et au niveau surtout fantasmatique).
L’acte suicidaire est fondamentalement anti-narcissique car autodestructeur ; mais il est aussi tout-puissant, car emprise sur tout son être. Par son acte, l’adolescent a l’impression de croire maîtriser sa dérive.
Comment se fait-il que l’individu peut affronter l’idée de la mort ? Car il n’y a pas d’idée de mort dans l’inconscient. En effet, les pulsions de vie et celles de mort sont une dualité inséparable.
En somme, qu’est-ce qui différencie un jeune suicidant d’un autre ado ?
La fragilité du narcissisme primaire ; le peu d’efficience des mécanismes de défense ; les failles dans l’organisation oedipienne : les menaces incestueuses et castratrices sont maintenues actuelles. Le corps propre est devenu un « objet à abattre ».
Le double paradoxe peut être rendu ainsi : « Détruire le corps réel tout en sauvant le corps idéalisé (impubère). » L’adolescent veut mourir et veut ne pas mourir ; ces deux pensées contradictoires sont concomitantes.
Les caractéristiques de la personne sujette au suicide sont les suivantes
- Immaturité affective flagrante.
- Extrême sensibilité aux pertes et frustrations.
- Dépendance massive à un parent (excluant l’autre).
- « Dépressivité » de l’humeur.
- Propension à l’agir sous toutes ses formes.
- Troubles manifestes de la sexualité.
- Beaucoup estiment « ne pas s’aimer ».
- Leur vocabulaire comporte facilement les termes de : « insupportable, intolérable » ; « il faut que ça cesse ! » ; « je voudrais que tout s’arrête ! » ; « oublier tout et tout le reste ! »
De manière beaucoup plus concrète, on peut mentionner les points suivants :
- Antécédents de tentative de suicide ou gestes suicidaires
- Plan suicidaire établi
- Plan létal (arme à feu, …)
- Armes, médicaments à disposition du sujet
- Projet combiné à de l’alcool
- Précautions prises contre tout secours
- Signes de rangements, de règlements de ses affaires
- Souhait de rejoindre un être décédé
- Lettre, message, page de journal, communiqué suicidaire
- Fréquence accrue d’idées noires et de suicide
- Suicide vu comme une véritable alternative
- Incapacité de bons rapports avec le clinicien
- Incapacité d’adhérer à un contrat de non-suicide
L’acte suicidaire porte bien souvent des indications laissant comprendre qu’il est adressé à quelqu’un. C’est un geste d’appel à celui ou celle que le suicidant tient pour son agresseur. Le mode suicidaire dépend du message que la personne veut laisser à ce dernier. On notera que c’est bien souvent la première personne qui se présente à l’hôpital après une TS. Il reproduira son geste et de manière de plus en plus convaincante ; sauf s’il en perçoit les mobiles véritables, ou qu’il est considéré avec attention dans sa souffrance. Mais il a impérativement besoin d’aide dans ce travail, il a besoin d’un « guide ».
Le passage à l’acte est souvent expliqué trop simplement par ses facteurs déclencheurs ; mais ils n’en sont pas la cause profonde. En effet, il prend racine dans l’histoire personnelle et du sujet, ainsi que dans celle de ses proches.