L’ADOLESCENT SUICIDAIRE ET L’ECOLE

Travail réalisé par Léonard Vullioud  (Suisse) dans le cadre de la formation en relation d’aide avec Jacques POUJOL.

Le message que les parents laissent aux institutions scolaires est souvent accusateur dans le sens qu’ils ne font pas leur travail. Ils attendent que ce soit au corps enseignant de palier à leurs insuffisances et manquements. Notons que ce qui se joue sur la scène de l’école est en écho de ce qui se passe dans la famille.

Le milieu scolaire a toute son importance dans cette période de vie ; il est en effet un intermédiaire entre la famille et le monde extérieur. Il permet la transition ; selon comment le jeune la vivra, il sera plus ou moins aisément introduit dans le monde.

Cependant l’école n’est pas un lieu de tout repos ! La course aux résultats, la compétition, le désir d’être le premier, sont au rendez-vous. Les parents font pression pour qu’ils réussissent, leur image est en jeu ; les profs font pression car l’image du collège est en jeu ; les élèves entre eux ne se font pas toujours de cadeaux.

Il n’est pas rare que les professeurs portent des jugements de valeur sur les élèves en fonction de leur travail. Leurs observations sont parfois moralisatrices, rejetantes, voire dégradantes. L’estime de soi des élèves est mise à rude épreuve.

L’infirmerie est un lieu privilégié dans l’établissement, que fréquentent les élèves en difficulté. Le phénomène de somatisation des problèmes se trouve ici. Fatigue, troubles du sommeil, crises d’angoisse, nausées, vertiges, syncopes, troubles alimentaires, etc. Ces troubles physiques laissent de manière voilée un message : « considère cela et viens moi en aide où j’en ai besoin ! » Cependant, la difficulté majeure est de permettre à la personne souffrante de mettre des mots sur celle-ci.

Lorsque le message peut être explicité, cela se fait avec de proches parents ou des amis. Soit par des paroles explicites, des menaces verbales voilées, une lettre d’adieu ou une correspondance morbide. La personne qui se trouve être investie de cette révélation ne sait souvent pas quoi en faire. Elle suggère à ce jeune de se changer les idées, lui dit que cela passera et contourne ainsi le problème, sans l’aborder.

Au niveau du message, il y a un doute qui peut planer : est-ce de la provocation ou un véritable appel au secours ? Car rappelons que la mort est très présente à l’adolescence. Aussi que fera un prof qui reçoit à corriger une dissertation sur le thème du choix de mourir ? C’est une question d’amplitude et de fréquence ; la mort envahit-elle la vie de l’élève et l’emprisonne-t-elle ? Si oui, il faut agir. Comment donc reconnaître la souffrance de l’autre ? En communiquant le ressenti que provoque son comportement ou discours. « Ce qui est annoncé est susceptible de se produire. ».

Aussi, ne rien dire équivaut à admettre que cet autre puisse mettre sa vie en danger. De plus, le silence sera ressenti par l’adolescent comme une confirmation du fait que personne ne le considère, ni ne fait attention à lui. Cette indifférence sera lue comme un encouragement au passage à l’acte. Le professeur devra en parler avec l’élève et au corps enseignant.

L’enseignant peut s’avérer un aidant efficace, peut-être le premier à pouvoir intervenir auprès du jeune suicidant. Mais souvent l’ado ne le reconnaît pas comme un adulte pouvant l’aider ! Le professeur est particulièrement touché et affecté par le geste de l’élève ; il est interpellé dans sa propre attitude face à la mort. L’angoisse du professeur rime souvent avec le déni de la situation telle qu’elle est.

De plus, il est indispensable d’éviter les mécanismes de défense suivants qui sont malheureusement trop utilisés encore :

  • Intellectualisation : neutraliser et tenir les affects à distance
  • Rationalisation : expliquer son acte avec logique et cohérence
  • Retournement des affects en leur contraire
  • Négation : « il n’est pas suicidaire, il est juste malade. »
  • Minimisation : « c’est juste un excès de fatigue. »
  • Banalisation : « tous les jeunes ont de telles idées, ça va passer. »
  • Défection : se détourner, passer sous silence l’action

Mise en garde : le geste fatal d’un élève peut donner lieu à une « contagion » de tentatives de suicide. Une cellule de crise doit être organisée et toute personne affectée doit pouvoir être suivie pour un « debriefing », des temps de questions – réponses et un soutien psychologique.