LES BESOINS ET LES FRUSTRATIONS

© Jacques et Claire Poujol. Pages extraites de leur livre « L’accompagnement psychologique  et spirituel : guide de relation d’aide », Empreinte Temps Présent, 2007. Disponible sur le sur le site de la librairie 7ici ou par mail

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A. LES BESOINS

De manière générale notre équilibre repose sur le fait que nos besoins fondamentaux comme la nourriture, la sécurité, l’amour, la reconnaissance des autres, la relation avec eux et avec Dieu, sont satisfaits en grande partie, disons au minimum à environ 70%.

Dans le Notre Père, Jésus nous invite à nous adresser à Dieu pour recevoir de lui les éléments essentiels à notre équilibre. Paul nous demande de faire connaître nos besoins à Dieu.

Il faut distinguer nos besoins et nos attentes.

Le besoin est une nécessité, une aspiration naturelle et vitale au bien‑être. Les besoins sont communs à tous les êtres humains.

L’attente consiste à espérer que l’autre va satisfaire nos besoins. Elle est de l’ordre de l’éducation. Par exemple tout enfant a un besoin vital de manger, mais l’attente de l’un peut être de manger des frites à chaque repas, alors qu’un autre voudrait ne manger que des pâtes.

Pour Freud, il existe deux besoins fondamentaux à l’arrière plan de tout homme et de ses comportements. Ils sont inconscients mais réels ; ce sont la puissance et le plaisir. La personne qui les gère bien connaît l’équilibre.

Freud a appelé libido cette pulsion orientée vers la recherche du plaisir. Elle fournit l’énergie psychique et elle est de nature essentiellement sexuelle.

Une autre manière très pratique de classer les besoins est la pyramide du psychologue Abraham Maslow.

Jésus nous le dit dans le Notre Père, Dieu peut et veut satisfaire nos besoins, depuis la nourriture jusqu’à la réalisation de soi, en passant par l’amour et la sécurité.

Pour qu’un individu aspire à la satisfaction d’un besoin, il faut que celui qui le précède dans la hiérarchie soit au moins partiellement satisfait.

Ainsi, un demandeur d’emploi n’éprouvera pas le besoin de s’accomplir personnellement avant d’avoir retrouvé une certaine stabilité économique. Une femme que le mari a jetée à la rue sans argent ne ressentira pas le besoin d’être reconnue socialement avant que ses problèmes urgents de logement et de nourriture soient résolus.

En relation d’aide on ne cherchera pas à satisfaire un besoin si celui qui le précède n’est pas comblé.

Pour Abraham Maslow, l’accomplissement de soi (devenir qui l’on est), est le but ultime de toute personne, donc ce qui motive chacun de nous.

B. LA FRUSTRATION

Etre frustré, c’est se sentir privé d’une satisfaction attendue, que l’on pense nécessaire. C’est un déficit de besoin. La frustration peut venir d’un obstacle matériel, de l’absence d’un objet ou d’une personne, de limitations physiques ou mentales, d’un manque de reconnaissance, de considération, d’amour. C’est le manque d’amour qui entraîne les frustrations les plus profondes. La frustration peut être éprouvée à tout âge, même dès les premiers mois de la vie, et elle est d’ailleurs d’autant plus pathogène qu’elle est plus précoce. Voyons d’abord :

1. Les frustrations dans l’enfance

Si l’enfant est satisfait, il ressent du bonheur. Mais l’exaucement des désirs ne doit pour autant pas être immédiat et systématique ! L’absence totale de frustration produit des enfants gâtés qui auront plus tard un Moi anormal, perturbé, générateur d’une existence malheureuse.

Si le besoin n’est pas satisfait, parce que les parents ne peuvent y répondre tout de suite ou posent un interdit, deux situations peuvent se produire :

a. Si les parents expliquent à l’enfant le pourquoi de l’interdit, en lui montrant que cela ne diminue pas l’amour qu’ils lui portent, il va développer une tolérance à la frustration qui est un élément important de la force du Moi. Françoise Dolto a montré que même un bébé est en mesure de saisir, au niveau de son inconscient, les explications de ses parents.

Une certaine dose de frustration est donc essentielle car elle force le Moi à se constituer de manière indépendante, à prendre conscience des limites du réel. Les premières périodes où elle est nécessaire sont : le sevrage, l’éducation de la propreté, la réaction aux « Non! » des trois ans, ou la réaction à la venue d’un autre enfant.

b. Si les parents n’expliquent pas le pourquoi de l’interdit, s’ils se limitent à des « C’est comme ça, un point c’est tout! » », s’ils frustrent l’enfant de manière excessive, le punissent injustement, pour le « dresser » », celui‑ci, pour gérer son conflit intérieur, va réagir en mettant en place des mécanismes de défense :

  •  Soit en intériorisant

Il va se déprécier, être anxieux, culpabiliser, compenser (boulimie), refouler ou sublimer.

  • Soit en extériorisant

Il va manifester de la colère, de l’agressivité, voire de la violence, riposter par des accusations.

c. Lorsque les parents diffèrent constamment la satisfaction du besoin en accordant un objet de substitution (tétine, doigt), l’enfant une fois devenu adulte risque de se consoler de ses frustrations par des objets de substitution.

2. Les frustrations à l’âge adulte

Elles sont souvent la continuation de frustrations de l’enfance qui n’ont pu être intégrées, mais elles surviennent aussi à l’âge adulte. De nombreuses personnes venant en relation d’aide souffrent de dysfonctionnements créés par des frustrations dont les plus graves sont les manques d’amour de la part du père et/ou de la mère. Haine, refoulement, complexes, névroses et autres troubles en sont la conséquence.

Une personne dont les besoins sont insatisfaits est en manque. Poussée par ce que l’on appelle une « motivation de déficit », elle peut construire une stratégie de remplacement, de substitution : alcool, drogue, sexualité débridée, boulimie, excès de travail.

Elle réagira en fonction de son scénario et de la manière dont elle a vu son père ou sa mère gérer eux‑mêmes leurs frustrations. Par mimétisme, un garçon qui a vu son père se mettre en colère chaque fois qu’il était frustré, reproduira la même attitude une fois adulte, à l’égard de son épouse.

Pour comprendre un dysfonctionnement du client, le conseiller recherchera quel besoin non comblé est à l’origine de ce comportement.

Il se rappellera qu’un besoin peut être évident, mais aussi parfois inavouable (le désir de domination cache de l’insécurité) ou inconscient (une femme en veut à son mari, mais c’est avec son père qu’à travers son mari elle règle ses comptes).