LES ACCROS AU CYBERSEXE

par Stéphanie Demers, sexologue, B.A.,  avec autorisation

 

Internet amène une révolution dans le monde du sexe et de la pornographie.

Plus que n’importe quel médium avant lui, Internet permet la liberté absolue de l’imagination et des fantasmes sexuels, car personne, ni entreprises ni gouvernements, n’a le pouvoir de le censurer. Il offre l’extraordinaire possibilité d’avoir toutes ses fantaisies sexuelles, des plus banales aux plus secrètes, au bout des doigts et accessibles d’un simple clic. Rien d’étonnant à ce que sexe soit le mot le plus demandé sur les moteurs de recherche et que 15% des internautes ont déjà visité des sites ou des forums de discussion à caractère sexuel. Le sexe en ligne est une forme d’exploration ou de divertissement sexuel sans conséquence pour la majorité des internautes. Cependant, certains (6 à 9%) en deviennent complètement accros, surtout les hommes.

Cybersexualité compulsive

Internet n’a rien inventé. Les photos, les films, les petites annonces, les dialogues à caractère sexuel existaient déjà. Ce qu’Internet a permis c’est de rendre leur accès beaucoup plus facile par l’anonymat qu’il procure, par la disponibilité de chez soi et par la gratuité de plusieurs services. Cet anonymat jumelé au très large éventail de fantasmes disponibles crée un terrain fertile pour une hypersexualité et un besoin compulsif de cybersexe.

La cybersexualité compulsive est définie comme étant un usage, pendant plus de 11 heures par semaine, de matériel sexuel (visuel, auditif ou écrit) obtenu par internet dans le but de ressentir une stimulation, une excitation ou une satisfaction sexuelle. Certains ont déjà des comportements sexuels compulsifs dans la réalité, la cyberdépendance n’est qu’un autre volet de leur compulsion sexuelle. Par contre, la plupart passe d’internaute « à risque » à compulsif grâce justement à l’anonymat et l’accessibilité. Ce sont des personnes qui n’avaient pas d’histoire antérieure de compulsion sexuelle, mais qui se retrouvent à dépenser beaucoup de temps et d’énergie dans des activités de cybersexualité sans atteindre les arbitraires 11 heures par semaine. Évidement, la cybersexualité compulsive ne se résume pas à une question de temps sur internet. Voici 10 autres indices qui peuvent vous indiquer si un problème de cybersexualité compulsive vous guette. Plus il y en a qui vous concerne, plus vous êtes à risque.

Ses conséquences

Les accros du cybersexe perçoivent souvent leur comportement comme sans conséquence. Pour eux, ce n’est pas comme avoir une relation extraconjugale, ce n’est que virtuel et c’est moralement plus acceptable que de réaliser ses fantasmes dans la vraie vie ou même que de louer des films pornos. Au pire, ce n’est pas vraiment plus dramatique que de « lire » un Playboy. Ça pourrait être vrai, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Le cybersexe n’est pas sans conséquence.

Les frontières de l’infidélité ne sont pas toujours nettes. Même s’il n’y a pas eu de réel contact avec l’autre, il y a eu une interaction sexuelle et les partenaires réagissent comme lors d’une infidélité réelle. Ils se sentent trahis, rejetés, humiliés, ils ressentent de la colère et de la jalousie et ont une perte d’estime de soi. Et la différence d’avec le Playboy, c’est qu’il y a un risque potentiel que la relation aille plus loin que le papier glacé, bien que peu de relations virtuelles sortent de l’anonymat.

La cybersexualité compulsive entraîne une incapacité à établir une relation saine et gratifiante avec le partenaire, car le compulsif néglige son entourage au profit de son comportement sexuel. Le désir pour le partenaire diminue, car il est monopolisé par les images ou les correspondants. 68% des couples dont l’un des partenaires est accro au cybersexe ont perdu intérêt dans les relations sexuelles vécues ensemble, certains n’ont pas eu de relations depuis des mois, voire des années. Évidemment, plusieurs couples éclatent.

Dans les couples où il y a des enfants, ces derniers en subissent aussi les conséquences. L’enfant est affecté par les conflits que vivent ses parents. Il vit de la négligence et de l’isolement, car un de ses parents est rivé devant un écran et l’autre est constamment préoccupé par la cybersexualité compulsive du premier. De plus, l’enfant risque d’être exposé à de la pornographie de toutes sortes.

Une escalade des comportements sexuels déviants est aussi souvent observée. Les activités sexuelles qui ont amené la cybersexualité compulsive deviennent graduellement trop banales pour offrir le même niveau de satisfaction. Quand on voit trop les mêmes images, on vient qu’à être désensibilisé et blasé. Alors en recherche de stimulation et de satisfaction plus grandes, et l’anonymat aidant, les internautes franchissent des frontières qu’ils n’auraient jamais outrepassées autrement et s’engagent dans des comportements sexuels inhabituels et parfois illégaux (violence, bestialité, pédophilie, etc.).

Et tout ça coûte cher! Bien sûr beaucoup de sites sont gratuits, mais si on en veut plus, il faut payer. L’industrie du sexe virtuel a un chiffre d’affaire de 2 milliards par année, donc il y en a qui dépense beaucoup d’argent sur ces sites. Perdre son emploi parce qu’on a utilisé l’ordinateur de la compagnie pour du cybersexe ou parce qu’on s’est retrouvé avec des accusations légales est aussi une conséquence financière majeure.

Finalement, les conséquences s’étalent sur un continuum allant du bris d’intimité avec le partenaire aux problèmes financiers et légaux, en passant par un engagement dans des situations sexuelles inappropriées.

S’en sortir

La cybersexualité compulsive peut briser des vies et doit être prise au sérieux. Heureusement, il y a moyen de s’en sortir. Voici quelques trucs pour vous aider si jamais vous en souffrez. Il faut commencer par faire le grand ménage sur son ordinateur, c’est-à-dire effacer tous les fichiers, liens et courriels à contenu sexuel et débrancher et ranger tout équipement pouvant servir à faire du vidéo. Ensuite, il faut rendre son ordinateur sécuritaire. Installez un filtre vous interdisant ainsi tout site à caractère sexuel. Placez l’ordinateur dans une aire de la maison que tout le monde fréquente assidûment (ex : le salon).

N’allez sur internet que lorsque quelqu’un est à la maison, vous éviterez ainsi la tentation des sites pornographiques. Au travail, placez l’écran de façon à ce qu’il soit visible par vos collègues. Ensuite, combattez l’isolement du cybersexe en reprenant contact avec votre entourage, en participant à de nouvelles activités. Joignez-vous à un groupe de Sexoliques Anonymes s’il y en a un de disponible dans votre région. Le support des autres peut vous être d’un grand secours.

Finalement, consultez un thérapeute. Ceci vous aidera à faire une introspection pour savoir ce qui vous pousse vers la cybersexualité compulsive, mais aussi à cesser vos comportements destructeurs. La thérapie est plus efficace si vous impliquez votre partenaire dans le processus, car cette personne a aussi des plaies à panser.