L’ADOLESCENT SUICIDAIRE ET LA SOCIETE

 Travail réalisé par Léonard Vullioud  (Suisse) dans le cadre de la formation en relation d’aide avec Jacques POUJOL

 

Pour Durkheim, ce qui compte dans un acte suicidaire, c’est l’état de la société en général. « La société toute entière se suicide à travers certains de ses membres. »

La conduite suicidaire est fondamentalement humaine ! (Les baleines qui s’échouent sur le rivage ne se suicident pas ! Elles ont subi un dysfonctionnement de leur système d’orientation.)

Plus le sujet concerné est jeune, plus on est contrasté dans les remarques ; soit on fait preuve d’une totale incompréhension, soit on désigne immédiatement le responsable. Les facteurs de difficulté sont notamment le chômage, l’isolement, le contexte socio-économique défavorisé, le climat défavorable, la perte des valeurs.

Caractéristiques des pays à taux élevé de suicide

  • Fortement industrialisés
  • Grands problèmes socio-économiques
  • Faible taux de natalité
  • Vieillissement de la population
  • Taux élevé de divorces et de séparation
  • Eclatement des familles nucléaires
  • Mouvements migratoires majeurs

Malgré ces facteurs au niveau de la société, relevons que l’expérience clinique laisse entendre que c’est l’individu le principal agent à considérer. En effet, il est lui-même plus ou moins capable de s’adapter à ce qu’il vit. Il fait preuve d’une grande plasticité adaptative qui permet d’importants réaménagements. Pour certains, cela requiert cependant l’aide d’un tiers ou d’un professionnel.

L’adolescence est une période de vie qui s’allonge et cela est vraisemblablement en lien avec l’augmentation des troubles des conduites. L’étirement de ce temps apparaît potentiellement dangereux.

La perte et le déclin des rituels est à mettre en évidence ; le mariage, la conscription, les diplômes et examens ne sont plus considérés comme des moments clés dans une vie. La perte du rite est directement liée à l’effondrement des idéologies. Aussi, les jeunes ont l’impression que le message que leur laissent leurs aînés dit : « nous ne croyons plus en rien et surtout pas en un avenir prometteur ! » L’avenir est effectivement devenu sordide ; cela peut expliquer que l’on soit lassé de ce monde qui ne semble rien avoir à proposer.

Les adolescents ont perdu la différenciation entre le réel et l’imaginaire. Or il est indispensable de s’ajuster à la vie en fonction des deux. Mais dans le temps où l’on vit, on ne peut plus croire à ce que l’on voit. La réalité virtuelle, la télévision, les jeux d’ordinateur plongent dans un univers où l’on perd les notions de réalité et de fiction. Mais qui incriminer ? La TV et les médias ? Non, le manque se situe au niveau des échanges familiaux vis à vis de ce que l’on voit. C’est la tâche des parents d’apporter une approche critique et dialectique de l’image.

L’adolescence est une période à prise de risques ; la traverser est en soi une épreuve difficile.

Cette période est le siège de conflits et de tensions qui nécessitent d’être mis en lumière. Or la plupart du temps, cela est passé sous silence ou reste au niveau des non-dits. Cependant, passer cela sous silence rime avec une résurgence à un autre niveau.

La famille semble être le lieu idéal pour se replier, loin des dangers et des conflits ! Mais la réalité est toute autre : Eclatée, morcelée, séparée, recomposée… C’est devenu « chacun pour soi ! » Les carences les plus flagrantes sont au niveau de l’amour dont on parle tant. Parole de jeune : « Ils ne nous disent jamais qu’ils nous aiment ! » Si une personne affirme ne pas s’aimer et vouloir se suicider, c’est sans doute aussi reconnaître qu’elle n’a pas suffisamment été aimée. Une recherche compensatoire se fera bien souvent dans l’alcool, les drogues ou toute autre forme de dépendance.