BIBLE ET «GUÉRISON PSYCHOLOGIQUE MIRACULEUSE»
1. Bible et guérisons psychologiques
La lecture des textes bibliques ne mentionne aucune guérison psychologique miraculeuse. Dans les Évangiles, tous les miracles de Jésus sont des miracles somatiques et/ou spirituels. Ils sont en rapport avec la mise en relation des individus guéris avec leur environnement.
Trois mots grecs dans le Nouveau Testament couvrent le champ sémantique du mot français «guérir»:
- Therapeuo (43 fois): «prendre soin de l’autre, donner ses soins pour le rétablir, guérir». Cf. Mt 4,23 où Jésus parcourait la Galilée et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple.
- Iaomai (27 fois), un synonyme de therapeuo dans le NT: «faire cesser une maladie, rendre la santé» (a donné le suffixe -iatrie). Cf. ce que Jésus fait pour le serviteur du centurion en Mt 8,8.
- Sozo (106 fois) «sauver»: si la plupart du temps ce terme désigne le salut de Dieu, son œuvre de grâce pour les hommes, il a parfois aussi l’emploi de «sauver d’un danger mortel» (Pierre qui se noie et crie «sauve-moi» en Mt 14,30) ou de «guérir d’une maladie physique» comme la femme atteinte de perte de sang («prends courage, ta foi t’a sauvée/guérie. A l’instant même elle fut guérie/sauvée.» Mt 9,22). Cf. Jacques 5,15: «la prière de foi sauvera/guérira le malade.»
Sans se lancer ici dans une étude détaillée de tous ce passages relatifs à la guérison, il ressort une évidence, une réalité «dérangeante»: il est clair que la guérison (therapeuo, iaomai, sozo) et même les situations où Jésus et les apôtres pratiquent l’exorcisme, ne nous présentent aucune guérison miraculeuse au sujet de maladies psychologiques.
Ce qui ne veut pourtant pas dire qu’il n’y a rien à faire face aux personnes souffrant psychologiquement. Alors quel accompagnement à leur égard?
2. Comment accompagner les personnes en souffrance?
L’apôtre Paul évoque ce problème des personnes en souffrance psychique dès le début de l’ère chrétienne dans sa première lettre aux Eglises, l’épitre aux Thessaloniciens: «Nous vous exhortons, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous…» 1 Thessaloniciens 5,14
L’étude des mots employés permet de comprendre à quelle situation précise il se réfère:
- «Nous vous exhortons»: ce mot est de la même famille que le «paraklet», terme employé pour parler du Saint Esprit. Il signifie encourager, consoler, un avocat qui défend notre cause, qui se tient à nos côtés (Luc 4,18-21).
- «avertissez»: signifie aussi «instruire, enseigner», en lien avec la volonté de la personne.
- «ceux qui vivent dans le désordre»: c’est un mot qui n’est employé qu’une seule fois dans le NT et qui désigne ceux qui ne restent pas, ne sont pas à leur poste, à leur place, qui n’agissent pas dans leur don, leur capacité.
- «consoler»: ce verbe signifie «réconforter, consoler, calmer par de bonnes paroles, adoucir». Ce terme est employé par exemple pour décrire les personnes qui viennent auprès de Marthe et Marie quand elles ont perdu leur frère (Jean 11,19.31).
- «ceux qui sont abattus» (oligopsuchos) désignent ceux qui manquent d’audace, qui sont craintifs, qui ont peu de courage. Le sens ici est de donner du courage à ceux qui en ont peu. Comme nous allons le voir, c’est ce terme qui s’applique aux personnes en difficultés psychiques.
- «supportez»: le verbe désigne le fait de s’attacher à, honorer, prendre soin.
- «les faibles»: ce mot désigne «se sentir sans force, sans valeur, vulnérable» mais aussi le manque de vigueur ou l’infirmité (2 Cor 12,9-10). En Hébreux 7,28 Jésus est présenté comme le sacrificateur capable de compatir à nos faiblesses (terme de la même famille).
Le terme le plus intéressant ici pour l’accompagnement des personnes en souffrance psychologique est le mot désignant «ceux qui sont abattus» (oligopsuchos). Il est e fait composé de deux mots, de deux racines et signifie littéralement «peu de psyché», c’est à dire «psychologiquement faible, fragile, ceux qui ont des problèmes psychologiques».
Notons qu’il n’est pas demandé de changement mais un accompagnement de ces personnes. Paul ne dit pas «exorcisez, convertissez, sanctifiez, mettez sous discipline, enseignez plus fermement, changez-les brutalement». En fait la Bible propose un «être avec» tout à fait différent.
Si ce mot très important «ceux qui sont abattus» (en grec oligopsuchos) n’apparaît qu’une seule fois dans le Nouveau Testament, il n’est pas pour autant nouveau dans la Bible. Dans la Septante, la traduction grecques de l’Ancien Testament, lue couramment dans les synagogues et les églises des premiers siècles, ce mot se retrouve dans quatre passages messianiques en Esaïe avec le sens de «cœur défaillant, découragé», c’est-à-dire «psychiquement faibles». Les textes dans lesquels il est employé utilisent des images qui décrivent la situation de personnes en grande difficulté et qui mentionne l’action de Dieu envers ces personnes, le secours qu’elles peuvent espérer de lui. C’est une action imagée de ce que devrait être notre accompagnement pour ce type de personne «psychologiquement faibles».
- Esaïe 25,4-5
«Car tu es le rempart du faible, le rempart du pauvre dans la détresse, le refuge contre l’orage, l’ombre conter la chaleur – car le souffle des tyrans est comme l’orage contre une muraille, comme la chaleur sur une terre aride. Tu éteins le tumulte des barbares comme fait à la chaleur l’ombre d’un nuage, tu étouffes la fanfare des tyrans.»
L’image employée ici est de comparer ces personnes faibles à une terre aride, desséchée, victime d’un tyran. Dieu dit qu’il sera pour elles comme un nuage qui passe et fait cesser la chaleur.
- Esaïe 35,3-4
«Rendez fortes les mains fatiguées, rendez fermes les genoux chancelants. Dites à ceux qui ont le cœur troublé (oligopsuchos): prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu: c’est la vengeance qui vient, la rétribution de Dieu. Il vient lui-même vous sauver.»
Ce texte évoque celles et ceux qui cherchent un secours, une justice auprès de Dieu en face de l’action des méchants. Dieu leur annonce sa justice et la rétribution à ceux qui font le mal, et à ceux victimes d’abus, sa justice et son amour.
- Esaïe 54,6
«Car l’Éternel te rappelle comme une femme délaissée et au cœur attristé (ologopsuchos), comme une épouse de la jeunesse qui a été répudiée, dit ton Dieu.»
Ce verset parle de ceux qui ont été abandonnées comme une «épouse» pouvait l’être à cette époque, ceux qui ont l’esprit accablé, ceux qui portant en eux la souffrance de ces abandons.
- Esaïe 57,15
«Car ainsi parle le Très-Haut, dot la demeure est éternelle et dont le nom est saint: J’habite dans les lieux élevés et dans la sainteté; Mais je suis avec l’homme contrit et humilié, afin de ranimer les esprits humiliés (oligopsuchos), afin de ranimer les cœurs contrits.»
Dans la Septante, le texte évoque ici la patience, l’endurance que Dieu veut donner à ceux qui ont le cœur découragé, qui sont psychologiquement faibles. Ce texte que Paul reprend en 1 Thessaloniciens 5,14 évoque Dieu qui demeure avec ceux qui sont humiliés, abaissés accablés afin de leur redonner la vie.
Pour résumer, à l’image de Dieu dans ces textes, soyons pour les personnes qui souffrent, pour les faibles psychologiquement:
- Comme un nuage au dessus de leur terre aride
- Une justice pour ceux victimes de l’injustice
- Un accueil pour les rejetés, trahis, abandonnés
- Un secours de vie pour les accablés