6. Le suivre dans sa remontée
Libérer un alcoolique de sa drogue n’est pas tout : Encore faut-il qu’il puisse rester indéfiniment abstinent à l’égard de l’alcool. Les médecins alcoologues considèrent que la rechute est une caractéristique de l’alcoolisme. Cet incident doit toujours être prévu.
Lorsqu’elle est reprise à temps, la rechute n’est pas une catastrophe. Encore faut-il s’en apercevoir. Certains pensent même que la rechute peut être un enseignement utile pour l’intéressé. Si, doutant du fait qu’il ne peut plus supporter la moindre goutte d’alcool, il commet l’imprudence d’en consommer occasionnellement, il ne tardera pas à s’apercevoir qu’il ne peut pas s’en tenir à une consommation modérée, et que, pour lui, c’est du tout ou rien, sans la moindre nuance.
Il peut encore faire machine arrière s’il a le courage de s’en ouvrir à son médecin ou à l’ami qui l’avait sorti d’affaire. A défaut de ce recours, il rechutera rapidement et totalement, accréditant ainsi le fameux proverbe « qui a bu boira ”, dont s’accommode si facilement la conscience de ceux qui ne veulent pas entendre parler des alcooliques. C’est pourquoi la présence discrète de l’accompagnant, toujours disponible, est si utile à l’alcoolique soigné qui, pendant des mois, marche à la façon d’un funambule sur sa corde, où le moindre écart peut provoquer sa chute.
De là découle l’utilité des Associations d’aide aux buveurs, dont les membres conservent entre eux un contact suivi, pratiquant ainsi une sorte de psychothérapie de groupe, chacun assistant l’autre dans ses périodes possibles de découragement et de doute.
Aucune médication ne peut remplacer cette entraide mutuelle, dans laquelle chacun peut se trouver alternativement en position d’aidant ou d’aidé, mais où l’ensemble marche vers une libération totale, non seulement de l’alcool, mais aussi de tout ce qui pouvait inférioriser le buveur aux yeux de son entourage.
L’accompagnant interviendra plus spécialement auprès de ceux qui n’ont pas cru devoir s’intégrer à un tel groupe d’anciens buveurs, mais il le fera avec doigté, sans jamais s’imposer ni imposer quoi que ce soit. Un ancien buveur qui s’isole en déclarant qu’il ne veut pas entendre parler de son passe est un sujet mal déculpabilisé, par conséquent en danger de rechute.
Peut-être ne rechutera-t-il pas, mais les visites d’amitié que lui fera l’accompagnant l’aideront, à condition qu’il les accepte, à poursuivre sa route sans accrocs, sur le chemin qu’il s’est choisi. A l’inverse, un buveur soigné qui, non content de s’être libéré, acceptera d’aller à son tour au secours des autres buveurs en s’affirmant aux yeux de tous comme un alcoolique et en utilisant son passé comme témoignage, est conforté contre les risques de rechute.