4. Le contexte historique

Pour comprendre un texte biblique, il est recommandé de tenter de le situer à sa place dans l’histoire d’Israël ou de l’Eglise. Cet éclairage donne une profondeur au texte, aux événements qu’il relate. Prenons l’exemple de certains psaumes où la comparaison entre les déclarations du psalmiste et les circonstances de sa vie qui l’ont poussé à écrire tel psaume est éloquente. Ainsi en est-il du psaume 3: «Mais toi, ô Eternel, tu es mon bouclier, tu es ma gloire, et tu relèves ma tête. (…) L’Eternel est mon soutien. Je ne crains pas les myriades de peuples qui m’assiègent de toutes parts.» Ce texte prend encore plus de relief lorsqu’on réalise que David l’a écrit alors qu’il doit faire face à un coup d’Etat mené par son fils Absalon qui en veut à sa vie.

De même, c’est lorsqu’il est en prison que Paul écrit: «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le répète, réjouissez-vous. (…) Ne vous inquiétez de rien… la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ.» Ces circonstances donnent une autre perspective à cette déclaration!

Dans ce domaine, les découvertes archéologiques en Israël et dans les pays constituant jadis le Proche-Orient ancien constituent une précieuse aide. Parmi les découvertes les plus importantes, nous trouvons des papyrus, les villes enfouies et leur nombreux vestiges, de la poterie, des outils, des pièces de monnaie, des inscriptions, des lettres, des tablettes d’argile ou de pierre, du cuir…

Ainsi, la découverte de contrats de mariage ou de reçus de vente attestent de l’authenticité de nombreux prénoms bibliques. Quand Paul demande à ses lecteurs romains: «Saluez Andronicus et Junia, mes compatriotes: ils ont été mes compagnons de captivité; ce sont des apôtres remarquables», pour les Pères de l’Eglise (Chrysostome par exemple au 4ème siècle), il s’agit bien de Junia, un prénom féminin. Mais à partir du 13ème siècle, gêné par le fait qu’une femme soit appelée apôtre, on masculinisa ce prénom en Junias dans les traductions. Or ce prénom est inconnu dans toutes les sources grecques dont nous disposons: aucune inscription, monument public ou document littéraire n’atteste ce prénom masculin. Certaines traductions contemporaines gardent pourtant le masculin.

Prenons un autre exemple. Quand Paul et Barnabas visitent Lystre, au cours de leur premier voyage missionnaire en Asie mineure, ils y guérissent un impotent: la foule en conclut «que les dieux sont descendus vers eux sous forme humaine.» Ce fait se comprend mieux à la lumière d’une tradition locale. Dans cette région en effet, le culte de Zeus et Hermès étaient particulièrement développé. Ovide, au huitième livre de ses Métamorphoses raconte la légende bien connue selon laquelle ces deux dieux s’étaient rendus incognito dans la région en question et avaient bénéficié de l’hospitalité d’un couple âgé qui fut largement récompensé de sa générosité. Nul doute que ce contexte local donne des précisions intéressantes sur l’événement rapporté dans les Actes.

Ces découvertes archéologiques ont également permis la comparaison des textes bibliques avec des documents des empires et peuples contemporains des temps bibliques, notamment des textes du Proche-Orient ancien: textes babylonien, assyrien, hittite, ou égyptien… Ce travail a mis en valeur les spécificités du texte biblique par rapport à ses voisins. Prenons l’exemple d’une comparaison entre la toute première loi de l’Ancien Testament et la première loi des différents codes du Proche-Orient ancien (le plus connu étant celui d’Hammourabi). La première des lois bibliques (après le Décalogue) traite de la libération du serviteur hébreu tandis que celles des codes du Proche-Orient ancien, bien moins humanistes mais plus intéressées et prosaïques, concernent la défense des propriétaires terriens ou une grille de prix pour la location d’un bateau, d’un âne, ou encore le sort à réserver à la jeune fille qui vole quelque chose dans le temple.

Se plonger dans des ouvrages consacrés au contexte socio-culturel et historique de la Bible est un appel et une chance s’offrant à chacun. Leur érudition évite de s’égarer dans un contresens et rend le texte plus familier au lecteur qui du coup, peut se laisser interpeller en vérité par le cœur du texte, tout en savourant les beautés de son enracinement culturel.

Bibliographie

A.WESTPHAL, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Empreinte, 2003

Xavier LEON-DUFOUR, Dictionnaire du Nouveau Testament, Seuil, 1976

Le Nouveau Dictionnaire biblique, Emmaüs, 1992

Alan MILLARD, Des pierres qui parlent. Lumières archéologiques sur les lieux et les temps bibliques, Excelsis, 1998

Gleason ARCHER, Introduction à l’Ancien Testament, Emmaüs, 1978

Roland DE VAUX, Les institutions de l’Ancien Testament, Cerf, 1961

André et Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d’Israël, Adrien Maisonneuve, 1988

The IVP Bible Background Commentary Old Testament/ New Testament, Intervarsity Press, 1993/2000

Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Cerf, 1993

The IVP Women’s Bible commentary, ed. Catherine Clark Kroeger et Mary J.Evans, Intervarsity Press, 2002

La Bible déchiffrée, Fleurus, 1983

Le monde de la Bible, Collectif, Bayard/Gallimard, 1997

Henri DANIEL-ROPS, La vie quotidienne en Palestine au temps de Jésus, Hachette, 1961

Henri DANIEL-ROPS, Jésus en son temps, Livre de Poche, 1960

L’auteur : Valérie Duval-Poujol est Doctorante en théologie (en exégèse).