2. La structuration du temps

L’être humain cherche durant toute sa vie à recevoir et donner des signes de reconnaissance, parce qu’il vit dans la nostalgie de la relation chaleureuse et tendre qui l’unissait à sa mère lorsqu’il était nourrisson. Il cherche à retrouver cette intimité avec ceux qui l’entourent, mais celle-ci n’est pas évidente à obtenir. C’est pourquoi il va structurer son temps en organisant ses échanges, ses relations avec les autres. C’est ce que nous étudierons à présent, et que le conseiller devra apprendre à son client.

En commençant par les moments de relation procurant peu de signes de reconnaissance, et en allant vers ceux qui en procurent beaucoup, l’analyse transactionnelle propose un récapitulatif des six manières de passer son temps avec les autres :

A. Le retrait: Aucun signe de reconnaissance de la part des autres, éventuellement de soi-même. Le retrait est soit positif soit négatif.

B. Les rites: Signes de reconnaissance peu nombreux, neutres ou positifs.

C. Les passe-temps: Signes de reconnaissance peu ou moyennement nombreux, neutres ou positifs.

D. Les activités communes: Signes de reconnaissance moyennement nombreux, neutres ou positifs.

E. les jeux psychologiques:  Signes de reconnaissance nombreux, mais toujours négatifs.

F. La proximité (l’intimité): Signes de reconnaissance très nombreux et intenses, très positifs.

A. Le retrait

C’est le fait de se couper physiquement ou mentalement des autres. Le retrait est négatif s’il signifie solitude subie, fuite des autres, rumination de pensées amères.

Il est positif s’il consiste en repos, sommeil, ressourcement, réflexion, préparation, prière.

B. Les rituels

Ce sont des échanges prévisibles et répétitifs :

–     Bonjour, comment ça va ?

–     Il y a longtemps qu’on ne s’est pas vus !

1. Les rituels sont négatifs

  • s’ils sont l’unique forme de contacts avec les autres.
  • s’ils signifient que l’on est toujours gentil, superficiel avec les autres, donc pauvre en strokes.

2. Les rituels sont positifs en ce qu’ils permettent :

  • de montrer aux autres qu’ils existent, de leur manifester de l’attention. C’est la base de la vie sociale.
  • d’exprimer le désir de démarrer un contact.

3. En relation d’aide, les rituels (l’heure, le lieu, le siège) mettent à l’aise le client, c’est une façon de l’apprivoiser.

C. Les passe-temps

Ils permettent de passer le temps en bavardant de sujets banals tels que la météo, la télévision, les voitures, les enfants, etc.

1. Leur aspect négatif

  • c’est une conversation superficielle non impliquante.
  • il y a risque de ne se contenter que de ceux-ci.
  • risque aussi de médisance sur les absents.

2. Leur aspect positif

  • c’est une conversation facile, sans danger et qui n’implique pas.
  • ils détendent l’atmosphère et facilitent l’approche des autres.

D. Les activités

Elles sont orientées vers un but : exercer une profession, jouer au tennis, faire une promenade, élever ses enfants, etc.

1. Leur aspect négatif

  • risque de se droguer au travail, piège de l’activisme.
  • danger des buts négatifs
  • sentiment de vide, d’inutilité une fois l’activité terminée, par exemple à la retraite ou quand les enfants sont élevés.
  • les signes de reconnaissance reçus sont uniquement conditionnels, les autres nous jugent sur notre faire et non sur l’être, d’où risque de leur désapprobation en cas d’échec.

2. Leur aspect positif

  • réussir un travail avec d’autres.
  • atteindre un objectif de groupe.
  • pouvoir s’exprimer devant les autres.

3. En relation d’aide, le conseiller est parfois confronté au désarroi des personnes ayant trop investi soit dans leur travail soit dans leurs enfants soit dans tout autre domaine.

E. Les jeux psychologiques

Ils sont une manière, toujours négative, de passer le temps en étant soit le Sauveteur de l’autre, soit sa Victime soit son Persécuteur (voir l’article n° 39). Ils procurent de nombreux signes de reconnaissance, mais tous négatifs.

F. La proximité (l’intimité)

Elle consiste en relations enrichissantes où chacun reçoit et donne de nombreux signes de reconnaissance positifs inconditionnels et conditionnels. Chacun se livre à l’autre avec la richesse de tous ses états du Moi positif (Parent, Adulte, Enfant) mais c’est surtout l’enfant Libre de chacun (l’état le plus sensible) qui est activé et se sent apaisé et heureux.

La relation est réaliste, spontanée, directe, confiante et très gratifiante. Cependant la proximité est un bonheur assez peu vécu : elle est ressentie comme risquée car on s’y montre vulnérable, et dangereuse, car rien n’est programmé sinon le moment présent et les présences des personnes qui sont là. Elle est parfois fugitive mais toujours très intense. Elle ne peut être vécue que si l’Enfant Libre est sécurisé.

En relation d’aide on doit accorder beaucoup d’importance à l’acceptation inconditionnelle de soi et de l’autre, à l’authenticité et à l’empathie, à la qualité de présence et d’immédiateté. Dans la réalité cette proximité entre conseiller et client est rare mais précieuse. Elle surviendra plus facilement dans la mesure où le conseiller agit, à bon escient, à partir de ses trois états du Moi positif (notamment son Enfant Libre).

G. Schéma de la structuration du temps

Il est intéressant de faire réfléchir le client sur la façon dont il structure son temps (et donc sa quête de signes de reconnaissance), sur la place qu’il accorde par jour, ou par semaine, au retrait, aux rituels, aux passe-temps, aux activités, aux jeux et à la proximité.

Un couple peut établir son schéma de structuration du temps à deux.

Un autre exercice consiste à demander au client d’imaginer sa vie comme une scène (représentée par un cercle) et de découper ce cercle en portions correspondant au temps passé dans différents domaines.

Ensuite il pourrait réfléchir à ces quatre questions :

  • Quels signes de reconnaissance positifs ou négatifs est-ce que je reçois dans chaque domaine de ma vie ?
  • Qui est-ce (ou qu’est-ce) qui semble diriger mon histoire personnelle et me dicte le pourcentage de temps à passer ici ou là (le besoin de gagner ma vie, le plaisir de rencontrer des amis, etc.) ?
  • Quelle partie du cercle, quelle scène, me procure le plus de signes de reconnaissance positifs ?
  • Dans quelle partie du cercle suis-je le plus souvent en Sauveteur, Persécuteur ou Victime ?

Il est à noter que si une seule partie du cercle procure tous les signes de reconnaissance au client, cela veut dire qu’il est « drogué » à cette activité.