QUE FAIRE APRES UN ECHEC PERSONNEL ?
Interview de Jacques Poujol par Natacha Horton
Lorsque l’on essuie un gros échec personnel, par où commencer?
La première étape est de reconnaître son échec et sa responsabilité. Aucun cheminement n’est possible si l’on ne commence pas par être honnête avec soi-même.
En tant que thérapeute, l’approche de la personne est claire: il ne s’agit pas de porter un jugement moral, mais de la considérer comme une personne en souffrance. La souffrance est un signe que l’on est au cœur des choses, et non à la surface.
À quelles conséquences celui qui a chuté doit-il faire face?
Il y a trois éléments : la solitude – car la souffrance isole -, les conséquences de ses actes et ses blessures intérieures. En effet, lorsqu’on a échoué, cela provoque une blessure narcissique: «Je ne suis pas ce que je pensais être ; j’ai commis des erreurs dont je ne m’imaginais pas capable». Cela vient toucher l’image que j’ai de moi.
Faut-il nécessairement demander de l’aide?
Un travail sur soi est une étape inévitable et on ne peut pas le faire seul. Il est préférable de s’adresser en dehors de l’Église locale. Celle-ci peut offrir un service de conseil pastoral ou de relation d’aide avec des gens formés, mais l’attachement affectif peut aussi être un frein à la démarche.
L’Église a une éthique qui définit sa normalité, alors que dans la situation, on a besoin d’un vis-à-vis empathique.
Quelles sont les étapes-clés de ce cheminement?
La première consiste à analyser ce qui s’est passé. Pour ensuite comprendre pourquoi on a agi de la sorte. Certains facteurs antérieurs, certaines blessures nous ont poussés à faire ce que l’on a fait, elles nous ont construits. Des crash ou des situations d’échecs peuvent se produire quand trois éléments sont rassemblés : une structure de la personnalité, une permission intérieure et une occasion donnée. La dernière étape consiste à se reconstruire.
L’échec peut être une chance: il permet de mieux se comprendre, d’accepter de se rencontrer.
À quel moment de ce processus peut-on vivre une réconciliation avec soi-même?
Cela ne peut se faire qu’«en chemin». Je parlerai plutôt de se «réunifier»: le mensonge divise. Une partie de nous dit une chose et l’autre son contraire. Le mensonge doit être mis en lumière. Vis-à-vis des autres, reconnaître ses torts n’est souvent pas suffisant, il faut reconstruire, porter du «fruit de repentance», comme le dit Jean-Baptiste, montrer que l’on travaille sur soi et qu’on change. De cette manière, on peut reconstruire la confiance.
Quelle attitude adopter vis-à-vis de l’Église? Quel rôle doit-elle jouer?
Il faut commencer par se demander quelle place l’Église tient dans notre vie. Joue-t-elle un rôle d’intermédiaire entre nous et Dieu? Lorsque l’on veut s’adresser à l’un de ses responsables spirituels, il est bien de questionner ses motivations: pourquoi le fait-on? Qu’attend-on?
Je suis totalement défavorable à la confession publique, en particulier dans le cas d’une relation extra-conjugale. Néanmoins, lorsque l’Église ou l’un de ses dirigeants est directement concerné par la loi du pays, la communauté est en droit d’être informée. Chaque situation est particulière. La personne qui va de l’avant après un échec doit se demander quel sera le moindre mal pour elle comme pour son entourage.
Les responsables spirituels semblent parfois vulnérables à «chuter». Cela s’explique-t-il ?
Ce phénomène est lié à un orgueil de « toute-puissance ». Mais il est aussi lié à la notion de transfert et de contre-transfert entre le responsable et ses paroissiens.
Deux mesures peuvent être mises en place pour éviter que cela ne se produise: une supervision où l’on peut parler librement de ses ressentis personnels et intimes, et entreprendre un travail sur soi avant d’exercer ses responsabilités, afin de comprendre comment l’on gère l’autorité et ce qu’elle représente.