MOI, NOUS ET LE VIRTUEL : COMMENT ENTRONS NOUS EN RELATION VIA LES OBJETS VIRTUELS
Extraits de l’atelier donné par Henry Gros dans le cadre de la 3ème Université d’été de la relation d’aide chrétienne – du 23 au 25 août 2010 – Valpré (Lyon)
Henry Gros a été ingénieur puis dirigeant dans l’industrie des technologies environnementales. Il est aujourd’hui psychanalyste et coach.
Une présentation du thème
Aujourd’hui le virtuel, ce sont tous ces mondes créés par les textes, les images, les infos, générés par les nouveaux médias informatiques, ordinateurs, smart-phone, avec et à travers lesquels nous nous informons, nous jouons, nous communiquons, nous travaillons, nous sommes en relation avec d’autres. Ces mondes sont virtuels – et non pas réellement et physiquement présents – tout comme le sont les objets que nous pouvons nous représenter grâce à notre capacité mentale et notre imagination. À travers tous les outils informatiques dont nous disposons, ces représentations se retrouvent fortement renforcées et stimulées de façon instrumentale.
Une question qui se pose donc aujourd’hui, alors que nous communiquons de plus en plus entre nous via de tels outils à un niveau virtuel, est celle de la qualité des relations qui se développent entre les êtres humains communiquant de la sorte. Mais sans présence physique réelle. Dans quelle mesure, la fascination par l’outil ne crée-t-elle pas, tout en simulant une proximité et une rapidité très séduisante, une distance à l’autre, qui parasite de fait la qualité de nos relations.
Où se situe alors l’individu par rapport à l’autre, par rapport au groupe ? Dans quelle mesure ces relations sont-elles impactées par les nouvelles technologies de la communication, leur dimension virtuelle et l’usage que nous en faisons ?
Introduction à l’atelier
En guise d’introduction à l’atelier, sont présentés quelques aspects et vues spécifiques de la communication et des relations à travers de tels outils, de telles dimensions virtuelles.
Comme l’ont observé ou souligné différents auteurs dont deux cités ici, notre intelligence et notre capacité mentale humaine est spécialement développée à créer des « schèmes, qui continuent d’exister en dehors de notre champ perceptif » (Jean Piaget, La psychologie de l’intelligence). « Notre cerveau est un simulateur d’actions » (Alain Berthoz, La décision).
Ces outils informatiques stimulant la création d’images virtuelles sont donc des auxiliaires très bienvenus à notre activité mentale, ce qui explique aussi la fascination et aussi le danger de dépendance qui les accompagnent. Telle l’image (virtuelle) de la lune générée par un télescope, la représentation que l’on se fait de l’autre avec qui on communique, que ce soit dans un forum où l’on « chatte », via un jeu vidéo, une conversation par mail, par webcam ou tout autre moyen similaire, est tout aussi virtuelle. Elle est très fortement imprégnée des projections inconscientes de chacun.
De fait il y a comme un objet virtuel projeté entre le sujet et l’autre avec qui il communique. Peut-on dire qu’il y a quelque part dissociation entre virtuel et réel ? Comment alors se retrouver soi-même et l’autre dans un réel dialogue ?
Différents auteurs qui ont publié sur ce sujet font un parallèle entre l’objet virtuel (à la fois le jouet technologique comme l’information et l’image – de l’autre – qu’il génère) et l’objet transitionnel (W.J.Winnicott, Jeu et Réalité, nomme ainsi le doudou du bébé). Ils indiquent ainsi que souvent la communication virtuelle, malgré son caractère parfois régressif, peut être une étape dans la construction d’une meilleure relation de l’individu à la réalité, à l’autre, aux autres. Ce sont : Serge Tisseron (Virtuel mon amour), Michael Civin (Psychanalyse du net, titre original : Male, Female, e-Mail), Michael Stora (Guérir par le virtuel). De façon intéressante, ce dernier auteur utilise les jeux vidéo dans son travail thérapeutique avec des jeunes.
Les travaux de différents praticiens européens soulignent combien la réflexion et le dialogue, par exemple avec les jeunes autour du moyen de communication virtuel est positif dans leur développement, quant à l’attitude plus réfléchie qu’elle leur permet de développer. Contribuant ainsi à faire la part des choses entre les aspects positifs et négatifs de ces puissants outils.
Réflexions des participants
Partant de l’expérience de chacun des participants avec de tels outils et média informatiques et posant pour thème : « Moi, nous et le virtuel, comment entrons-nous en relation via les objets virtuels ? », l’atelier devrait permettre une réflexion sur un des aspects très actuels de la relation des individus avec le groupe.
Et voici quelques réflexions exprimées par les participants lors des ateliers :
- Sans adresse e-mail on est perdu aujourd’hui, c’est l’exclusion. Pour les gens plus âgés, c’est un problème.
- Le NOUS Virtuel n’est pas solide. C’est un « nous-masque ». Facebook, c’est un monde virtuel, mais aussi un moyen de sortir de la solitude. Cet outil nous appelle et nous dit : « aimez-moi », « être connecté, c’est exister »
- Dans le Virtuel c’est plus facile d’entrer en contact que réellement.
- Comment ne pas appauvrir la relation avec l’autre via le virtuel.
- Quelle est la place du virtuel dans la relation d’aide ?
- Il y a un risque d’analyse de bas étage sur le virtuel.
- Il est difficile d’entrer vraiment en relation quand l’autre est dans le virtuel.
- Il est important de pouvoir parler, réfléchir, ensemble.
- Mail et Virtuel sont des étapes à la relation personnelle et réelle.
- On s’est connu via le virtuel et mariés réellement.
- Il y a même la bible sur mon i-phone.
- Mon site d’aide.
- L’imaginaire est complémentaire du réel.
- Il y a un désir derrière le virtuel, un projet qui est en devenir.
- Virtuel et principe du plaisir. Il y a un risque de frustration quand on rentre dans la réalité.
- Contrairement à la musique par ordinateur (MAO), il y a une relation physique avec un vrai instrument de musique. Il en est de même quand on surligne son texte avec un « Marker » de couleur : c’est différent de le faire sur l’ordinateur.
- Je sens un danger de prise du pouvoir du virtuel sur l’imaginaire et n’ai pas assez de capteurs pour remarquer le danger sur le virtuel.
- On peut rencontrer sur le web des choses très choquantes : nécessité de pouvoir parler avec les enfants et les jeunes qui y sont confrontés. Nécessité de Valeurs, de Barrages/Digues pour limiter les excès du web.
- La société a été fortement modifiée par les Technologies de l’Information. Dans la formation et les échanges, c’est un outil indispensable aujourd’hui. Dans la recherche scientifique une relation virtuelle peut suffire. Il y a des nébuleuses qui se créent, plus que des communautés. Exigence d’être « présent » sur le web pour sa carrière, sa profession !
- Dans les grandes organisations ou même en privé, la communication par mail, avec sa rapidité, souvent le manque de réflexivité, est source de beaucoup de malentendus.
- La relation via le virtuel est très prenante mais peut aussi être rompue très brutalement (log-off). Au téléphone on a « appris » à s’excuser quand on coupe la communication. Ce n’est pas encore vraiment nécessaire quand on est « on-line » et que l’on coupe une ligne « chat ». Sauf que l’on reste plus « scotché »…
- Il y a des gens qui téléphonent et écrivent des mails en même temps : Il y a un problème de communication quand je ne « pense » pas à mon interlocuteur.
- Mais prendre des notes en même temps qu’une réunion (conseil d’église) permet de gagner du temps. Ces outils techniques sont toujours plus présents et on est toujours plus seul. Quel est le temps que je passe dessus et quel est le temps que je me donne pour rencontrer l’autre.
- C’est un outil. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Mais la nouveauté empêche la distance critique. Les jeunes sont doués, mais ne maîtrisent pas (tout) et les parents n’arrivent pas à gérer l’éducation.
Feed back
- Je suis rassurée, moins perdue, mais j’aurais aussi aimé plus de réponses sur comment cet outil peut aider à intégrer le groupe.
- Dommage qu’il n’y ait pas plus de jeunes ici.
- Si on ne va pas vers le réel, le virtuel n’a pas de sens.
- Oui c’est la question de l’éthique qui se pose.
- Je suis resté sur ma faim concernant Virtuel et relation d’aide chrétienne.
- La qualité des échanges dans le groupe était très bonne.
- Je dois me donner une limite dans mon utilisation de l’outil virtuel. Je ne veux pas tout y investir ! Il y a une limite, une vigilance active à y apporter. Je veux y apporter ma part d’humanité.
- Je suis content d’avoir pu évoquer les pièges du virtuel. C’est la réflexion qui est à suivre. J’ai apprécié la discussion, au-delà d’une vision en « noir et blanc ».
Merci à tous les participants pour ces apports !