LES CROYANCES

© Jacques Poujol. Pages extraites de son livre « L’accompagnement psychologique et spirituel, guide de relation », Empreinte Temps Présent, 2007. Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.

1. Un moteur qui pousse à agir

Tout comportement d’une personne est inspiré, nous l’avons vu, par sa recherche de satisfaction d’un besoin, qui est elle-même le fruit d’une ou plusieurs croyances.

Plus que de simples opinions (produites par des sentiments de sympathie ou d’antipathie), ses croyances sont le fruit d’une réflexion, d’une analyse, commencées durant l’enfance et renforcées tout au long de sa vie. Elles n’émergent pas toutes faites, mais sont le fruit d’un processus complexe qui ne doit rien au hasard.

Elles sont le moteur qui pousse la personne à agir, à se comporter en conformité avec ses convictions, même si ce comportement lui fait du mal. Ces croyances sont soit évidentes, soit bien cachées. En relation d’aide on ne s’occupe que de celles qui sont accessibles à la pensée consciente et à la réflexion.

Pour reconnaître ses croyances, il suffit de prêter attention à son monologue intérieur, aux phrases que l’on se dit à soi-même :

« J’aimerais tellement être mieux… »

« Les autres ne m’aiment pas… »

« Ma vie ne se déroule pas comme je le souhaite… »

La Bible dit que l’homme est tel que sont les pensées dans son âme. (Proverbes 23.7)

Marc Aurèle écrivait : « Si quelque objet extérieur te chagrine, ce n’est pas lui, c’est le jugement que tu portes sur lui qui te trouble. Il ne tient qu’à toi d’effacer ce jugement de ton âme. Si c’est ta disposition propre qui te chagrine, qui t’empêche de rectifier ton dessein ? »

Moins poétique, mais tout aussi vraie, est cette déclaration de La Rochefoucauld : « On a toujours les convictions de ses intérêts. »

Ce que croit une personne est indissociable de son identité et de l’image qu’elle a d’elle-même. Pour cette raison il est difficile d’amener quelqu’un à modifier ses croyances et pourtant, c’est un travail capital en relation d’aide pour évoluer.

Le conseiller y parviendra en recherchant les racines qui tout à la fois ont donné naissance à ces convictions et les nourrissent encore aujourd’hui (les racines recoupent un peu le scénario. Il devra travailler avec délicatesse et précision, et avec l’accord et la coopération du client.

2. Les cinq racines principales des convictions d’un client

Ce sont :

A. Son arrière-plan familial et socioculturel

Ce qu’il croit vient en grande partie de là, par mimétisme ou au contraire par rejet de ce que lui ont transmis son père et sa mère, ses professeurs, etc. Il se parle à lui‑même comme ses parents ou ses enseignants lui parlaient.

B. Ses expériences, son vécu personnel

Le vécu du client, ainsi que l’analyse qu’il en fait, est à l’origine de nombreuses convictions, mais par définition il est personnel et donc subjectif. « J’en suis sûr, je l’ai vécu », est une phrase que l’on entend souvent en relation d’aide, mais qu’il convient d’examiner en se replaçant dans le contexte : le client était enfant et se croyait le centre du monde. Par exemple si sa mère et son père se disputaient, il en a conclu que c’était de sa faute. Or sa conclusion était erronée.

C. L’enseignement qu’il a reçu

Chez lui, au lycée, à l’église, par les médias, etc. Il peut se poser la question :  « Comment est-ce que je sais que ce que je sais est vrai ? »

D. La pression du groupe

Au sens restreint : sa famille, ses collègues, ses amis, ses voisins.

Au sens large : la société, la civilisation. Par désir d’être accepté par les groupes auxquels il appartient, le client a peut-être adopté des convictions qui lui sont néfastes.

Comme l’a dit quelqu’un :

« Nous ne sommes pas ce que nous croyons être…

Nous ne sommes même pas ce que les autres croient que nous sommes…

Nous sommes ce que nous pensons que les autres croient que nous sommes… »

E. L’influence de ses modèles, des personnes qu’il admire ou qu’il aime

3. Les principales croyances erronées

Ce que nous pensons n’est pas toujours exact, loin s’en faut ! Le mental est menteur. Comme disait Prévert, « le monde mental ment monumentalement… »

Les psychologues qui travaillent à rectifier les convictions de leurs clients sont appelés cognitivistes. Ils ont dressé des listes des croyances erronées les plus répandues, commençant souvent par « Il faut… Il faudrait… Je dois… Je devrais… »

Par exemple Albert Ellis les a résumées en trois grands « I must » (je dois), qui concernent soi-même, les autres, et la vie. C’est la « musturbation », qui intoxique la vie de nombreuses personnes.

  • Je dois être bon, parfait, sinon je ne vaux rien.
  • Les autres doivent être bons et parfaits avec moi. S’ils ne le sont pas, c’est que je n’en vaux pas la peine.
  • Les conditions dans lesquelles je vis sont si horribles que je ne peux qu’être malheureux ou me suicider. Mes conditions de vie doivent être arrangées de façon que j’obtienne tout sans effort.

4. Modifier ses croyances, c’est possible

Nous verrons au chapitre 17 comment repérer les croyances erronées qui posent problème au client et l’aider à les modifier. C’est un travail sur soi souvent long, car il est prisonnier de ce qu’il croit, exactement comme un train est prisonnier des rails sur lesquels il roule. Ses convictions personnelles sont les barreaux de la prison qu’il s’est lui-même fabriquée.

Mais modifier ses croyances inexactes est une tâche possible et, nous dit Paul, c’est à chacun de la réaliser :

Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Lorsque je suis devenu un homme j’ai fait disparaître (en grec : katargeo) ce qui était de l’enfant. (1 Corinthiens 13 : 11)

Ce n’est ni Dieu, ni un autre chrétien mais Paul et lui seul, qui a opéré ce travail sur lui‑même.

Katargeo est un verbe fort qui signifie : « rendre inopérant, inactif, ôter effet et signification à…, libérer quelqu’un de ce qui l’enchaînait. »

Les croyances erronées du client ne tomberont pas toutes seules comme les feuilles d’un arbre. Il devra les abandonner, en finir avec elle, scier peu à peu les barreaux de sa prison, avec votre aide.