CROIRE EN L’HOMME

 Chapitre 6 du livre « Pratiquer la présence de l’homme » – Comment apprendre à aimer – par Mike Mason, Waterbrook Press, USA, 1999

 Traduction Bernard Bally

 

Nous avons accès au ciel en croyant en Dieu par Jésus-Christ. De la même manière, nous avons accès à la terre en croyant en l’homme, également par Jésus-Christ.

Croire en Dieu est important. Croire en l’homme est aussi important. C’est l’argument de l’apôtre Jacques qui écrit que « la foi sans les œuvres est morte » (Ja. 2,26). « Tu crois qu’il y a un seul Dieu, et tu fais bien ! Les démons aussi le croient, et ils tremblent » (Ja. 2,19). Pour rendre votre foi complète, vous devez la mettre en pratique dans le monde réel, en croyant non seulement en Dieu, mais aussi en l’homme.

En tant que chrétien, peut-être êtes-vous tout à fait satisfait de vous-même en croyant en Dieu. Mais comment croyez-vous en votre frère alcoolique ? Comment croyez-vous en votre fils qui se drogue, ou en votre fille enceinte sans être mariée ? Croyez-vous en votre voisin avec lequel vous pensez n’avoir rien en commun ? Croyez-vous dans les prisonniers, les malades mentaux, les cas désespérés ? Ou les éliminez-vous, ne croyant qu’en ceux qui sont comme vous ?

Croire en Dieu, c’est non seulement croire qu’il est réel, mais qu’il est bon. Croire en l’homme est similaire. Il est vrai que cela demande un plus grand effort de croire en l’homme que de croire en Dieu, parce que Dieu est vraiment bon, alors que l’homme ne l’est pas. « Le cœur est tortueux par dessus tout et il est méchant » (Jér. 17,9). Jésus a dit encore plus radicalement : « Il n’y a de bon que Dieu seul » (Marc 10,18). Face à ce que les théologiens ont appelé la doctrine de la « dépravation totale », n’est-ce pas un mensonge de croire que l’homme est bon ?

Non, parce que le fait demeure que l’homme a été créé bon. Croire en la bonté de l’homme, c’est rappeler le plan originel de Dieu. C’est se recentrer sur son intention originelle pour notre vie. C’est de l’ordre de la foi, et non un fait réel. Nous voulons parler d’un acte de foi prophétique. Croire que l’homme est bon ne va pas le rendre tel, mais communique une invitation puissante. En ayant foi en l’homme, nous augmentons beaucoup les chances qu’il se comporte bien et qu’il grandisse en vertu. Cela n’est pas une pensée positive naïve, mais une question de mise en pratique. Il est préférable de croire cela plutôt que le contraire. La foi agit.

Pour croire en l’homme, nous devons prendre la décision de ne considérer que le bien en lui. Si nos yeux sont ouverts, nous voyons aussi le mal, mais nous devons décider de ne voir que le bien. Après tout, seul le bien peut être vraiment connu. Le bien se révèle, le mal se cache. Le mal dans l’homme, c’est ce qui nous empêche de le connaître. Pour le connaître, nous devons regarder à ce qui est bien.

En regardant à l’homme avec les yeux de la foi – au delà des masques, des jeux, des mensonges – nous touchons à la vérité de la personne que Dieu a créée. Dieu n’a créé personne pour être un échec, un voleur, un alcoolique, un être ennuyeux. Ce n’est pas cela qui définit les hommes. Mais alors, qui sont-ils donc ?

La foi donne une réponse à la question de notre identité. Plus nous essayons de comprendre cette énigme, intellectuellement, moins nous y arrivons. La connaissance rationnelle se préoccupe du « quoi » et du « pourquoi », et non du « qui ». Celui qui cherche à connaître fait indéfiniment le tri de toutes les informations disponibles, le bien et le mal, pesant le pour et le contre, tentant de déterminer le bien par déduction. Mais le bien ne peut pas être connu de cette manière, parce que le bien n’est pas un « quoi » ou un « pourquoi », mais un « qui ». La grande question de la vie n’est pas : « que devrais-je faire ? » ou « pourquoi ? » mais plutôt : « qui suis-je ? » (qui est celui que je connais ?).

Job l’a découvert. Après plus de trente chapitres de questions tortueuses autour des « quoi – pourquoi » de Job et de ses amis, le Seigneur lui a finalement répondu par quelques-unes de ses questions : « Qui a ouvert un passage à la pluie ?… Qui a fait naître les gouttes de rosée ?… Qui peut avec sagesse compter les nuages ?… De qui suis-je le débiteur, et je le payerai ?… » (Job 38,25, 28, 37 ; 41,2). Pour connaître le « qui », nous devons abandonner la recherche par la connaissance et croire, tout simplement. C’est alors que nous recevons le pouvoir de confronter le mal, non pas en cherchant à le connaître ou à le comprendre, mais plutôt en connaissant le bien et en le mettant en pratique. A la recherche du bien, le mal est écarté aussi sûrement que les phares d’une voiture repoussent la nuit du chemin. La nuit entoure encore la voiture de tous côtés, mais une partie suffisante de la route est éclairée pour permettre d’avancer.

Les Béatitudes parlent de ceux qui traversent les ténèbres, mais qui ont abandonné le besoin de connaître de quoi elles sont faites. Le pauvre en esprit, le pur de cœur, le miséricordieux, le doux… de telles personnes ne demandent plus : « Pourquoi Dieu permet-Il le mal ? » ou : « Si Dieu ne voulait pas que nous mangions de l’arbre défendu, pourquoi l’a t-Il créé au commencement ? ». Non, ceux qui font confiance ne sont pas préoccupés par le mal, car ils ont vu « une grande lumière » (Es. 9,1). Ils sont tellement subjugués par cette pure bonté qu’ils ne veulent plus connaître rien d’autre – ils connaissent seulement « Qui ». Comme Paul, ils peuvent dire : « Je sais en qui j’ai cru, et je suis persuadé qu’il a la puissance de garder mon dépôt jusqu’à ce jour-là » (2 Tim. 1,12).

La foi, qu’elle soit en Dieu ou en l’homme, ne peut exister que dans une humilité totale. Elle implique une volonté de n’avoir ni questions ni réponses, seulement une oreille ouverte et un œil éclairé. Cela veut dire qu’il faut entrer dans une présence des autres plus grande que la vie, et les laisser nous enseigner qui ils sont. Cela veut dire être plongé dans l’eau, souvent plus loin que son fond, et être touché de manière surprenante.

Si vous vous ennuyez, ou vous sentez prisonnier dans vos relations, c’est peut-être parce que vous essayez d’être en relation avec votre tête plutôt qu’avec votre cœur. Pratiquer la présence de l’homme requiert de l’écoute avec le cœur, parce qu’il ne parle que dans la relation. L’intelligence fonctionne plus ou moins à l’intérieur d’un système autonome de pensées centrées sur elles-mêmes. Mais le cœur implique un lien créé avec les autres.

Jésus a dit : « Que votre cœur ne se trouble pas. Croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jean 14,1). Il aurait tout aussi bien pu dire : « Vous croyez en moi, croyez aussi en l’homme ». Peut-être que notre mot d’ordre devrait être : « Lâcher prise et s’ouvrir aux autres ». Certains aveugles ont un chien comme regard. Ils doivent lâcher et laisser leur chien les conduire. De même, nous avons tous besoin d’autres personnes qui voient dans nos vies, en qui nous avons assez confiance pour nous conduire dans des vérités que nous ne pourrions pas découvrir par nous-mêmes.

La confiance se construit. Comme la foi en Dieu, la foi en l’homme mûrit avec le temps, au travers d’expériences agréables ou désagréables. Toujours à nouveau, nous devons prendre la décision de croire, sans attendre de faire une expérience extraordinaire qui nous délivrerait de tout incertitude, mais plutôt de faire des petits pas journaliers de confiance, nous conduisant par une douce progression dans les profondeurs de l’intimité.

Notre vie est cachée avec Christ en Dieu (Col. 3,3)

Eternel ! Tu me sondes et tu me connais… (Ps. 139,1)

L’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Eternel regarde au cœur (1 Sam. 16,7)