A. Le triangle dramatique

De nombreux romans, films, contes, ou vaudevillles sont bâtis sur une même dynamique : un méchant s’attaque à une victime. Cela dure jusqu’à ce qu’arrive un bon, qui sauve la victime, et le méchant se retrouve victime.

La vie aussi, qu’elle soit familiale, professionnelle ou politique, est pleine de tensions dramatiques, petites ou grandes, qui toutes se situent sur cet axe dynamique qui mène le monde : un persécuteur, une victime, et l’intervention d’un sauveteur.

Nous passons environ 75% de notre temps dans l’un ou l’autre de ces trois rôles. S. Karpman a représenté ces rôles sous forme d’un triangle dramatique, appelé aussi triangle S.V.P. (pour Sauveteur, Victime, Persécuteur).

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Ces trois rôles « se gravent » dans nos états du Moi :

Le rôle de Persécuteur

C’est une forme excessive, critique et dévalorisante, du Parent Normatif Négatif.

La personne dans ce rôle se croit obligée ou estime efficace d’être très sévère et méchante alors que ce n’est pas nécessaire. Elle infériorise et dévalorise les autres, les blâme, met à nu leurs défauts, leur fait la morale, ou les incite à se battre entre eux.

Elle s’imagine ainsi qu’elle va pouvoir dominer l’autre, mais rien n’est moins sûr. La Victime peut se rebeller ou bien un Sauveteur courra à son secours. Le Persécuteur est quelqu’un qui cherche souvent à se venger d’une frustration.

Le rôle de Victime

  • Si c’est une Victime soumise, c’est une forme excessive de l’Enfant Soumis Négatif qui amorce les points faibles d’un Sauveteur en exagérant ses handicaps personnels et en se représentant plus faible qu’elle ne l’est. Elle vit un désir comme un besoin impérieux et nécessaire. Ce rôle est souvent associé à la peur de manquer.
  • Si c’est une Victime Rebelle, c’est une forme excessive de l’Enfant Rebelle Négatif qui amorce les points faibles d’un Persécuteur. Elle est agressive, revendique et réclame. Ce rôle est souvent associé à la peur de perdre quelqu’un ou quelque chose ou d’être abandonné ou séparé.

Le rôle de Sauveteur

C’est une forme excessive du Parent Nourricier Négatif, consistant à vouloir aider les autres sans qu’ils aient rien demandé ou même contre leur gré. Bien souvent le Sauveteur n’est même pas compétent pour les aider vraiment. Et s’il l’est, il assure tout le travail à leur place, les rendant dépendants et passifs.

Ce rôle est joué par des personnes qui ont un besoin excessif de reconnaissance.

Dans le triangle dramatique, on ne peut pas être tout seul : il faut être deux ou plus. En effet il n’y a pas de Victime s’il n’y a pas de Persécuteur, pas de Sauveteur s’il n’y a pas de Victime à sauver et pas de Persécuteur s’il n’y a pas de Victime à attaquer.

On peut rentrer dans ce triangle par n’importe quel angle : soit en Victime, soit en Sauveteur, soit en Persécuteur. Mais une fois entré, il faut savoir que l’on adoptera tôt ou tard et obligatoirement les autres positions. C’est pourquoi on l’appelle le triangle dramatique.

Par exemple le Sauveteur devient Victime s’il n’obtient pas la reconnaissance espérée et devient le Persécuteur de la Victime qu’il a voulu sauver contre son gré et qui ne lui en est pas reconnaissante.

Ce manège de changement réciproque de rôle se représente ainsi :

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Le passage d’une position à l’autre peut se faire très rapidement. Il est à noter que tout être humain à tendance à jouer plus souvent un rôle que les deux autres. Certains ont une tendance à être le Sauveteur des autres, d’autres sont des éternelles Victimes, d’autres enfin sont souvent Persécuteurs.

Le triangle dramatique en relation d’aide

Si ce triangle est destructeur dans la vie quotidienne, il l’est aussi en relation d’aide.

Certaines personnes, par exemple, passent d’un conseiller à un autre. Leur énergie n’est pas utilisée pour progresser, mais pour contrecarrer toutes les possibilités d’amélioration qu’on leur offre. Elles veulent absolument prouver que : « Personne ne peut m’aider », que « ma situation est sans espoir », que « je ne vaux rien et que les conseillers ne valent rien non plus », que « ce que vous me dites est bien, oui, mais ça ne marchera pas pour moi, parce que… ».

Vous l’avez reconnu : ces jeux sont typiques de la Victime. Ce sont des patients chroniques que l’on appelle aussi des « tueurs de conseillers ». Vrais professionnels, ils viennent en relation d’aide pour le plaisir de lutter. Ils ont déjà mis K.O. plusieurs conseillers. De Victime ils deviennent très vite Persécuteur.

S’ils rencontrent quelqu’un qui joue en Sauveteur à « J’essaie seulement de vous aider », le jeu risque de durer assez longtemps, jusqu’à ce que, exténué (donc Victime), le conseiller finisse par abandonner la partie ou lui reproche (en Persécuteur) sa mauvaise volonté.