EMPRISE ET RELATION D’AIDE

Jacques Poujol, article paru dans la Newsletter d’Empreinte Formations de février 2017

 

Parmi les emprises auxquelles nous devons faire face, la souffrance se place en premier plan. Bien plus qu’un simple sujet de réflexion, la souffrance est d’abord une des réalités auxquelles chacun est confronté dans sa vie. Réalité mystérieuse et révoltante mais que nous affrontons avec humilité et empathie. Je voudrais ici mettre en évidence une emprise que nous rencontrons dans le travail d’accompagnement.

La souffrance du Sujet suscite légitimement un besoin et, quand elle persiste, un désir de guérison. Nous savons que la notion de guérison a une signification différente selon que nous parlons du somatique, du psychologique ou du spirituel[1]. Comme tout besoin, celui de guérison crée un « désir de guérison » qui lui-même, selon le mécanisme bien connu, va générer un « fantasme de guérison ». C’est-à-dire une vision, une croyance personnelle qui nous dit comment devrait intervenir cette guérison que nous désirons et attendons. C’est une construction psychique et fantasmatique et donc très personnelle qui dit à la personne souffrante comment, selon elle-même, va être la solution à attendre – quelle forme prendra celle-ci.

Il y a beaucoup de possibilités fantasmatiques : des personnelles, des collectives, des positives, des négatives,… ; plus ou moins réalistes, elles ont toutes leur origine dans le sentiment de toute-puissance et dans sa gestion pendant l’enfance.

Il y a emprise quand « le fantasme » est irréaliste, c’est-à-dire qu’il ne s’appuis sur aucune réalité clinique. Irréaliste et utopique serait une « foi » qui se placerait et se nourrirait en dehors de la pensée chrétienne basée sur les promesses vérifiées et vérifiables par la Bible à cet égard.

Je pense à la souffrance de Job confronté à ses amis qui doit écouter leurs divagations fantasmatiques. Ainsi lorsque nous rencontrons la souffrance, notre image de Dieu risque d’en être modifiée et nos fantasmes bousculés.

Nécessaires sont les bons « fantasmes » qui, sans nier la réalité, donnent la force de continuer et de lutter justement. Ceux qui nient la réalité se nourrissent de leur toute-puissance. Ces fantasmes ne peuvent être que déstructurant et aliénant pour ceux qui s’engagent dans un chemin qui les éloignent de la réalité, difficile peut être mais la seule qui est et qu’il nous faut affronter.

Emportés par leurs fantasmes de toute-puissance ils voudraient alors « réaménager » la réalité à leur mesure jusqu’à l’obsession et la mégalomanie, persuadés que leur fantasme est pour eux la foi. Tout ceci au risque d’un déplacement du symptôme

Les emprises les plus résistances pour les humains sont celles qu’ils portent en eux-mêmes, celles dont ils ont seuls le pouvoir de s’en libérer parce que liées à leur propre image.

[1] Voir la newsletter n°1 de Janvier 2015 – Pour accompagner les personnes psychiquement fragiles