LES BUTS DE LA RELATION D’AIDE

© Jacques et Claire Poujol. Pages extraites de leur livre «L’accompagnement psychologique et spirituel, guide de relation d’aide», Empreinte Temps Présent, 2007. Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.

 

L’apôtre Paul désirait présenter à Dieu tout homme devenu parfait en Christ (Colossiens 1. 28). Notre but rejoint le sien : amener la personne à la maturité en Christ. Mais qu’est-ce que la maturité ?

1. Quelques symptômes permettant de discerner si quelqu’un est immature

  • Un besoin excessif d’approbation ou la crainte d’être désapprouvé et d’échouer ; l’anxiété, le pessimisme, le besoin de permission, d’être materné, l’idéalisation de l’enfance ; la fuite des responsabilités.
  • La culpabilité omniprésente : il se sent prisonnier de son « parent interne ».
  • Les problèmes sexuels : il réagit encore dans sa vie sexuelle comme un enfant, et ne se sent pas libre de donner et de recevoir sur ce plan. Les perversions aussi témoignent d’une immaturité.
  • Le sentiment d’infériorité, ou de supériorité, la peur des différences, la compétitivité comme mode de relation, et la pensée en noir et blanc, c’est-à-dire le fait de considérer les gens comme étant soit tout bons soit tout mauvais. Cette pensée manichéenne est caractéristique de l’adolescence.
  • Le besoin de domination sur les autres, l’esprit de jugement.
  • La haine (ou l’idéalisation) des figures d’autorité, l’agressivité.
  • Une dépendance excessive à l’égard de l’alcool, la nourriture, le travail, le sexe, ou même la famille.

 2. Quelques signes de la maturité

  • L’indépendance

Il s’assume, se prend en charge dans ses relations comme vis-à-vis de lui-même. Il n’est pas dépendant des autres sur le plan affectif ou matériel. Il a une image juste de lui, est en harmonie avec lui-même. Il accepte la responsabilité de ce qu’il pense et ressent. Il contrôle et gère ses émotions, ses sentiments, ses désirs et ses besoins. Il sait tirer profit de ses échecs, faire son autocritique.

  • L’entente avec les autres ou interdépendance

Il a des relations gratifiantes, sait s’expliquer clairement, bien communiquer, il sait collaborer et désire que les autres réussissent aussi. Il reconnaît et accepte les différences, il sait s’adapter. Il ne prend pas les autres pour un prolongement de lui-même et accepte qu’ils ne soient pas encore parfaits.

  • Il a une perspective à long terme

Il sait qu’il inscrit son histoire dans l’Histoire. Il a le sens de l’éternité. Il accepte la souffrance inévitable (mais comme Jésus, il refuse la souffrance évitable), tout en luttant de toutes ses forces contre le mal.

  • Il aime Dieu, les autres, lui-même.

Il met en pratique le commandement suprême de Jésus : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… Et ton prochain comme toi-même.

Disons un mot sur l’expression « comme toi-même », qui rencontre une grande résistance chez beaucoup de chrétiens. En plus de Lévitique 19. 18 et des Evangiles, ce second commandement est souligné dans trois passages  : Galates 5. 14 rappelle qu’il accomplit toute la loi, Jacques 2. 8 que c’est la loi royale, et Romains 13. 9 qu’il résume les commandements.

Nous sommes convaincus que l’amour de soi est la condition préalable, et le critère, de notre amour pour le prochain.

Cet amour de soi n’a rien d’égoïste ! C’est le contraire qui l’est : si nous nous ne sommes pas trouvés, nous nous cherchons nous-mêmes, nous nous centrons sur nous.

« Celui qui ne s’aime pas, dit Walter Trobisch, devient nécessairement un égoïste, parce que, mal assuré de son identité, il passe son temps à essayer de se trouver. Comme Narcisse, il fait de lui son centre. »

C’est quand on est libéré de soi que l’on peut être vraiment désintéressé, attentif aux autres. Jésus s’acceptait lui-même, s’aimait et savait qui il était. Grâce à cela, il pouvait diriger son attention ailleurs que sur lui-même.

Certains chrétiens sont influencés par le pessimisme radical de Calvin ou de Luther, qui niaient que le chrétien puisse s’aimer lui-même, puisqu’il n’y a en lui que méchanceté. Mais il faut savoir que Luther, suite à une éducation religieuse rigide et une enfance malheureuse, avait eu beaucoup de mal à apprendre à s’aimer lui-même. Pour lui, c’était de l’égoïsme, un péché. S’étonnera-t-on si avec un tel manque d’amour de soi, il a été sujet à des accès dépressifs si profonds et si fréquents ?

Nous croyons que s’aimer soi-même inclut d’abord s’accepter tel que l’on est, puis oser s’affirmer.

Si nous ne nous acceptons pas, si nous n’osons pas nous affirmer, il y a des chances pour que nous ne nous aimions pas beaucoup !

Au fur et à mesure que nous progresserons sur cet axe, nous pourrons alors simultanément accepter les autres tels qu’ils sont, leur permettre de s’affirmer, les aimer.

En conclusion, la maturité a un lien avec la capacité d’aimer Dieu, les autres et moi, ces trois amours étant, dans la Bible, profondément imbriqués et interdépendants.

Une difficulté : peu de personnes comprennent qu’il n’est pas nécessaire d’être malade pour avoir envie d’aller mieux.

La plupart des gens ne viennent en relation d’aide que lorsqu’ils vont vraiment mal, par exemple quand ils ne sont pas heureux en couple, en famille, ou dans leur vie personnelle. Ils sont frustrés ou désespérés et la raison qui les pousse vers le conseiller est davantage le besoin de se sentir mieux, de se sortir de cette impasse que celui de progresser dans la maturité.

Ils veulent des pansements plutôt qu’une réelle guérison. Ce n’est pas pour rien que Jésus disait aux malades : Veux-tu être guéri ?

Ce n’est pas que le désir d’être heureux soit mal. Mais la préoccupation excessive du bonheur obscurcit la compréhension des chemins que Dieu nous donne de parcourir. Ces chemins comporteront des difficultés, des frustrations qui, placées dans la perspective de l’éternité, ont un sens alors très relatif.

Pour le psychiatre Victor Frankl, déporté en camp de concentration, ce que l’homme cherche, ce n’est pas le bonheur, mais des raisons d’être heureux ou de vivre. Il fut l’inventeur de la logothérapie, qui est une recherche du sens de la vie.

Ne perdons pas de vue que l’objectif ici, c’est la maturité de la personne.

Deux mots résument donc le travail d’aide : pour le côté spirituel, la réorientation, pour le côté psychologique, la progression.