LES IMPACTS DE LA VIOLENCE CONJUGALE SUR LES ENFANTS EXPOSES

 

© Cosette Fébrissy, Jaques Poujol, Valérie Duval-Poujol

Pages extraites de leur livre « Violences conjugales – Accompagner les victimes »,

Empreinte Temps Présent, 2020, avec autorisation.

Disponible sur le site de la librairie 7ici ou par mail.

 
 

Pour un enfant qui entend ou voit les brutalités que subit l’un de ses parents, les conséquences sont graves à court, moyen, et très long terme.

Mais ce qui est vu dépend de l’adulte, qui ne voit que ce qu’il est prêt à voir. On ne voit la souffrance d’un enfant que si l’on sait penser au traumatisme qu’il peut subir.

Une pédopsychiatre expérimentée se formant à la thérapie familiale a dit : « Avant ma formation, je n’avais jamais vu d’enfant exposé aux violences conjugales ; depuis ma formation, je ne travaille qu’avec des enfants exposés aux violences conjugales. »

Un enfant n’est pas seulement témoin de la maltraitance que subit un de ses parents, mais il est une co-victime, car il est « sacrifié ». Le terme d’usage actuel est qu’il est « exposé aux violences conjugales ».

L’exposition à ces maltraitances engendre un stress préjudiciable à son bien-être comme à son développement cognitif, et biaise son système de représentation des rapports entre femmes et hommes. L’impact est d’autant plus fort qu’il est plus jeune, car il ne dispose pas des mécanismes de défense psychique pour y faire face. Il prend appui sur ces figures asymétriques comme modèles d’identification : or il se trouve que ses deux figures d’attachement, le père comme la mère, ne sont pas sécurisantes.

À l’âge adulte, il existe un risque aggravé, soit qu’il reproduise ces mauvais traitements, soit qu’il se victimise, même si heureusement, une telle reproduction de situations vécues dans l’enfance en tant que co-victime n’a rien d’inéluctable, ni pour les garçons, ni pour les filles.

En 2000, l’enquête ENVEFF (sur 7000 femmes) a ainsi montré que parmi celles qui avaient vu leur mère frappée par leur père durant leur enfance, environ une sur quatre se retrouvait plus tard frappée par son conjoint. Cette enquête soulignait que « ces atteintes graves peuvent produire une vulnérabilité sociale et relationnelle qui affectera durablement l’histoire de la vie de la personne. »

Donnons quelques chiffres.

En France, 145 000 enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré être victime de brutalités physiques et/ou sexuelles de la part de son conjoint (ou ex). 42 % d’entre eux ont moins de 6 ans. Si l’on tient compte des violences que les femmes ne déclarent pas (y compris verbales et psychologiques), quatre millions d’enfants seraient concernés ! Ils sont particulièrement présents lors des situations de « violences graves » (49 %) et « très graves » (43 %).

Lorsque des coups sont portés sur un partenaire séparé, ceux-ci sont, dans plus de 56 % des cas, vus ou entendus par les enfants.

Les études quantitatives relatives aux impacts de la maltraitance conjugale sur la santé et les comportements sociaux des enfants qui y sont exposés, ont surtout été menées au Canada.

Dans ce pays, 40 % des enfants exposés aux agressions commises sur un conjoint subissent eux-mêmes des brutalités physiques de la part de l’agresseur.

Outre le risque que l’enfant soit une victime directe des coups, ces impacts peuvent être asymptomatiques (sans symptômes, on parle alors d’un « traumatisme silencieux »), psychologiques, comportementaux, relationnels, physiques…

Ces enfants présentent 10 à 17 fois plus de troubles affectifs et comportementaux que les autres (dépression, anxiété, repli sur soi, refus d’aller à l’école, angoisse de séparation vis-à-vis de la mère, agressivité, reproduction de la violence…). Ce chiffre devrait nous interpeller…

60 % d’entre eux présentent un état de stress post-traumatique complet (ESPT) !

Ils peuvent en outre être confrontés de manière brutale à la mortalité. Une étude annuelle sur les morts violentes au sein de la famille, menée en France par le Ministère de l’Intérieur indique que pour 2018, 121 femmes, 28 hommes mais aussi 21 enfants ont été tués dans le cercle familial.