4. Apprenez à contre-manipuler
Quand on parle de contre-manipulation, il s’agit le plus souvent de se servir de la technique dite « du brouillard ». Cette technique utilise des modes de communication floue et superficielle, et consiste à ne pas s’engager. Elle est largement utilisée par le manipulateur lui-même. Elle l’est aussi par les personnes « indifférentes » à la manipulation. Sans vraiment s’en rendre compte, les « indifférents » utilisent cette technique intuitivement.
La contre-manipulation, cependant, nous permet d’élargir le champ de nos possibilités au-delà de la technique du brouillard. Contre-manipuler consiste à s’adapter à chaque instant au manipulateur pour s’en protéger. Certains moments sont propices à une réponse humoristique, d’autres à une réponse ironique ou encore à une réponse ferme de refus et non plus à une réponse vague ou brumeuse. Il nous faut alors être vigilant, car cette démarche n’est pas naturelle pour la plupart d’entre nous et demande de gros efforts au système nerveux. Vous l’aurez compris, la contre-manipulation est le plus souvent verbale.
La pratique de la contre-manipulation n’est pas extraite d’une théorie créée par mon imagination fertile. Elle est basée sur l’observation de ceux qui s’en sortent le mieux avec les manipulateurs. Je veux parler des indifférents aux manipulations et provocations. Outre le fait que ces gens soient insensibles sur le plan émotionnel aux attaques, aux critiques, aux menaces ou autres moyens malsains de déstabilisation, ils y répondent sous une forme qui leur est commune. Ils ne l’ont jamais apprise dans les livres, ils l’ont acquise spontanément très jeunes ou par expérience au cours des années (à cause de la présence de manipulateurs dans leur entourage). Dans les deux cas, leur attitude et forme de réponses sont identiques.
Les spécialistes en relations humaines se sont intéressés de plus près à cette forme de communication (bien négative en d’autres circonstances) pour une raison : les manipulateurs se détachent rapidement des gens insensibles à leur pouvoir. Pouvoir de créer des émotions déstabilisantes, tout au moins. En effet, le manipulateur ne peut pas se sentir bien important ou supérieur aux yeux d’un indifférent puisque celui-ci ne réagit pas à ses provocations, aussi subtiles soient-elles. Rappelez-vous l’image de la personne en train de se noyer qui ne peut que prendre appui sur la tête des autres pour refaire surface. Le manipulateur glisse complètement sur un indifférent. D’ailleurs, ne dit-on pas parfois « cela me passe au-dessus de la tête », « je laisse glisser » ou « je laisse couler » ? Si les attitudes verbales et non verbales de l’indifférence nous permettent de ne pas subir comme les autres les assauts du manipulateur, alors la technique est efficace. Nous l’avons observée, testée, reproduite, évaluée et nommée : la contre-manipulation.
Les résultats bénéfiques de la contre-manipulation sont évalués différemment selon que vous connaissez déjà un manipulateur ou pas. Si vous vous exercez dès à présent, le premier manipulateur que vous rencontrerez sentira immédiatement qu’il risque de voir revenir sur lui le boomerang qu’il a lancé. Il vous craindra secrètement, vous respectera malgré les apparences et vous évitera tant qu’il pourra. Affaire conclue pour vous. Restez attentif aux dégâts relationnels et psychologiques qu’il provoque sur les membres de votre entourage. Si vous étés hors de son champ de tir, les autres sont néanmoins testés comme vous l’avez été. Il lui faut entre 5 et 15 minutes pour savoir qui est en face de lui. Parfois, c’est immédiat, quelques secondes suffisent.
Les manipulateurs au masque séducteur utilisent souvent cette clairvoyance pour vous parler de votre personnalité (en termes positifs d’abord) dès les premiers instants de votre rencontre. Vous êtes ébahi et tombez sous le charme de ce ton si prometteur ! En revanche, si vous vivez ou travaillez avec un manipulateur ou si vous le côtoyez, celui-ci connaît déjà vos réactions. Si elles ne sont pas celles d’un indifférent, si elles sont défensives ou bien introverties, il remarquera tout changement d’attitude de votre part. Il ne comprendra pas pourquoi soudain vous lui répondez comme si vous étiez sur de vous. Il ne supportera pas et vous provoquera pour vous faire réagir comme il l’espère.
Il vous faut tenir le cap chaque fois que le manipulateur tentera de créer le malaise. Aussi longtemps que nécessaire. Cela demande de la concentration et de la persévérance ; mais cela implique aussi un travail personnel sur la culpabilité que vous risquez de ressentir à vous montrer soudain si indifférent, donc sans cœur, inhumain, méchant… Toutes ces qualifications sont erronées mais vous en doutez peut-être encore au fond de vous. Il saura vous en accuser pour que vous repreniez votre attitude de défense. C’est la raison pour laquelle à tout attaque personnelle et culpabilisante du style « tu as une pierre à la place du cœur », « tu es égoïste », « tu ne m’as jamais aimé », vous pouvez lui répondre bien distinctement « si c’est ce que tu as envie de croire, tant pis ! » Ou une autre réponse aussi significative. Les mots choisis pour répondre sont importants. Ils véhiculent votre état d’âme.
L’état émotionnel dans lequel vous vous trouvez face aux provocations, aux stratégies manipulatrices ou simplement en présence du manipulateur lui-même n’est pas neutre. Ne sont cependant pas concernés par ce constat les indifférents dont j’ai déjà parlé. Vous ressentez intérieurement le malaise ou le piège dans lequel l’autre vous met et vous n’aspirez qu’à l’en informer agressivement pour qu’il se rende compte que ses comportements ou ses discours sont incohérents, malsains ou destructeurs. Peine perdue. Il vous répondra du tac au tac en utilisant des arguments incohérents et fondés sur de fausses bases mais qui semblent logiques au contraire ! Vous êtes piqué au vif et cherchez à vous justifier ou à remettre la vérité en place. La rage vous prend et elle s’accroît d’autant plus qu’il retourne vos arguments comme une crêpe. Résultat des courses : nul ou presque. Vous finissez certes par dire ce que vous souhaitez, mais votre état de nervosité, lorsque vous voulez vous défendre à tout prix, lui prouve votre manque d’assurance.
Contre-manipuler est une technique. Votre but sera de répondre comme si vous étiez indifférent. Faites en sorte qu’il le perçoive ainsi. Le manipulateur joue avec les mots et l’ambiguïté de leur sens. Il a confiance en leur pouvoir. Utilisez les mots et vous serez sur le même terrain. Au début, et ce pendant plusieurs mois, votre état émotionnel sera toujours intense : votre cœur battra plus fort et plus vite, la chaleur montera, la respiration se bloquera. Mais au moins, vous aurez commencé à lui répondre d’une façon plus assurée, plus adaptée et surtout moins émotionnelle. Pendant que vous cherchez la meilleure réplique en contre-manipulation, raccrochez-vous à des références externes et préoccupez-vous plus de ce qu’il vaut mieux dire dans un pareil cas que de vous laisser engloutir par vos propres émotions.
Les mots justes ne venant pas spontanément dans le contexte d’une communication aussi détournée, il est bon de reconnaître d’avance ceux que vous pouvez exploiter. Si vous apprenez une dizaine de ces phrases par cœur, elles viendront avec de moins en moins d’hésitations. Il est important de laisser penser au manipulateur que vous n’êtes pas touché par ses attaques sournoises. Ne lui laissez pas croire que vous devez digérer la remarque avant de répondre. Il est judicieux de répondre du tac au tac sans animosité ni agressivité (l’ironie en est la limite acceptable), mais cela prend quelques mois. Ne vous découragez pas même si vos reparties ne sont pas parfaites. Nous avons constaté que la contre-manipulation atteint son but, même si elle n’est point parfaite.
L’évaluation de vos efforts en contre-manipulation ne se fait pas au coup par coup. Ce n’est pas parce qu’il a eu le dernier mot ou qu’il semble persuadé qu’il a raison, malgré vos réponses logiques et détachées, que cela ne marche pas ! Les résultats de vos nouvelles attitudes seront visibles au bout de quelques mois seulement. Il est donc primordial de ne pas baisser les bras au bout de deux semaines sous prétexte que le manipulateur continue de tenter auprès de vous ce qu’il a toujours réussi à faire. C’est l’accumulation de situations où il perçoit votre résistance passive qui l’amène inconsciemment à se détacher de vous. Il peut même devenir soudain indifférent à votre personne et vous ne bénéficierez plus des avantages qu’il pouvait vous fournir sur certains plans. Soyez-en conscient. Si vous doutez de votre démarche, rappelez-vous tout ce que vous pouvez y gagner et oubliez ce que vous pensez perdre.
A. Les principes de contre-manipulation
Les principes que l’on peut soutenir pour contre-manipuler sont très précis. De cette précision dépendent les résultats.
- Faites des phrases courtes
- Restez dans le flou
- Utilisez les phrases toutes faites, les proverbes et les principes
- Utilisez aussi le « on » (généralités)
- Faites de l’humour dès que le contexte le permet
- Souriez, surtout en fin de phrase, si le contexte le permet
- Faites de l’autodérision (soyez humoristique à propos de vous-même)
- Restez poli
- N’entrez pas dans la discussion si elle ne mène à rien ou à la dévalorisation
- Evitez l’agressivité
- Utilisez l’ironie seulement si vous renvoyez un message et si vous êtes sûr de vous
- Ne vous justifiez plus
En bref, faites en sorte que votre comportement soit celui d’un indifférent.
Le contrôle de soi est nécessaire et ces consignes représentent des balises à tout débordement d’émotions négatives pour vous.
B. Quelques outils de contre-manipulation
- C’est une (votre opinion)
- Vous (On) pouvez (peut) le penser
- Vous (On) pouvez (peut) le croire
- C’est une (votre) interprétation
- Vous (On) pouvez (peut) le voir sous cet angle
- Vous le voyez (prenez) comme vous voulez
- Vous avez le droit de le penser
- Je peux vous dire « oui » si c’est ce que vous voulez entendre
- Si vous le dites !
- Si vous le pensez !
- C’est une façon de voir
- Oh on parle souvent de choses que l’on ne connaît pas
- Quand on ne sait pas, on peut toujours se l’imaginer
- Vous pouvez vous l’imaginer
- J’ai une opinion différente
- C’est possible
- C’est possible… pour vous !
- C’est vrai
- C’est exact
- N’est-ce pas ?!
- Cela peut m’arriver
- Cela arrive
- Je n’ai pas de don de voyant
- Il faut savoir l’être parfois
- Et encore, vous ne savez pas tout !
- J’ai dû prendre modèle sur quelqu’un
- Cela m’amuse de faire comme tout le monde justement
- Tout le monde le sait
- Cela dépend
- Ce n’est pas moi qui en parle apparemment
- C’est trop facile !
- Me dire cela à moi ?
- Cela ne prend pas à tous les coups !
- Chacun ses goûts
- Il en faut pour tous les goûts
- Moi, j’aime ; c’est le principal non ?
- L’habit ne fait pas le moine
- Mais je suis bien dans ma peau
- Tout dépend qui le porte
- C’est vrai que cela ne vous irait pas
- J’aime l’originalité
- Eh oui ! Je ne fais rien comme tout le monde !
- Cela fait mon charme
- Mes amis (mon conjoint) m’aiment ainsi
- Nul n’est parfait, n’est ce pas !
- A chacun son style
- Oh c’est aimable comme réflexion !
- Ne vous inquiétez pas pour moi
- Les conseils sont toujours utiles
- L’avenir nous le dira
- Qui vivra verra ? Cela sert parfois
- A chacun ses expériences
- Qui ne tente rien n’a rien
- Oui, je n’y avais pas songé !
- Je n’y manquerai pas
- J’ai ma conscience tranquille
- Merci !
- Merci de le dire
- Merci de me laisser le choix
- Ai-je vraiment le choix ?
- Comme d’habitude
- C’est gentil de vous occuper de moi
- C’est gentil de m’y autoriser
- En apparence
- Cela n’a pas d’importance
- Rien n’est grave. Beaucoup de choses sont cependant importantes !
- J’ai une éthique différente
- Question de morale
- Je n’en doute pas
- Certes
- Je vois
- Ah bon !
- Mm, mm…
- Tout à fait
- Souvent, effectivement
- Certainement
- J’espère bien
- Nous nous sommes bien compris
- Vous le savez bien
- C’est dommage
- Tant pis !
- Je suis désolé pour vous
- Pour cette fois oui
- On ne peut pas toujours avoir tort
- Je ne pensais pas que vous l’aviez remarqué
- Heureux de vous l’entendre dire
- Il y a sûrement des raisons
- « On », c’est vous ?
- Nous ne connaissons pas les mêmes « on »
- Croyez-vous ?
- Je ne connais pas « on »
- J’ai l’impression que vous jetez de l’huile sur le feu
- Nous ne sommes pas là pour jeter de l’huile sur le feu
- Pourquoi dites-vous ce genre de choses ?
- Chacun évolue à sa manière
- Oui, mais on évolue dans le métier
- On ne peut pas tout décider par raison
- Et l’amour (l’amitié) qu’en faites-vous ?
- Quand on aime on ne compte pas ?
- Cela vous pose un problème ? (Au lieu de « Cela ne vous regarde pas »)
- Cela vous ennuie tant que cela ?
- Pourquoi ?
- Pourquoi pas ?
- Et vous ?
- Et vous, qu’en pensez-vous ?
- Pourquoi me posez-vous cette question ?
- Je sais ce que je fais, vous savez
- Cela me fait plaisir
- Qui a dit cela ?
- D’où avez-vous appris cela ?
- Vous tombez dans les ragots maintenant ?
- A votre avis ?
- Que voulez-vous dire par-là ?
- Qu’aurais-je du faire d’autre ?
- Pourquoi dites-vous cela ?
- Voulez-vous préciser votre pensée ?…
A présent, fermez les yeux et retrouvez par mémoire dix de ces expressions.
Maintenant je vous propose de souligner quelques réponses de contre-manipulation très pratiques dans bien des cas :
- C’est votre opinion
- On peut le croire
- Vous avez le droit de le penser
- C’est possible
- Cela peut arriver
- Chacun ses goûts
- Ne vous inquiétez pas pour moi
- J’ai la conscience tranquille
- Je n’en doute pas
- Que voulez-vous dire par-là ?
Apprenez ces dix expressions par cœur.
Les 118 expressions répertoriées ci-dessus sont des réponses de protection contre les situations ou remarques manipulatrices. Il en existe des centaines d’autres puisqu’elles doivent s’adapter à chaque remarque.