5. Conclusion

La trichotillomanie de l’enfant, mais également celle apparaissant à l’adolescence ou l’âge adulte trouve certainement son ancrage dans une altération des relations précoces entre l’enfant et ses proches. La présence d’épisodes de séparation, de perte, de deuil, de diminution de l’investissement affectif, voire de carence, chez le nourrisson ou pendant la première enfance y est d’une grande fréquence. L’enfant ( a fortiori s’il est très jeune) n’a pas toujours la possibilité de verbaliser ses difficultés et sa souffrance, il les montre donc , le corps est alors un moyen et un lieu d’expression privilégié. Il nous paraît intéressant de postuler chez ces patients la constance de vicissitudes dans l’élaboration de la séparation. L’apparition des conduites trichotillomaniaques renvoie, le plus souvent, à un évènement représentant la perte. L’accrochage de l’enfant à ses propres cheveux vient à la place du manque. Moins qu’un objet transitionnel, crée par l’enfant dans l’absence, le cheveu représente un objet qui vient dénier cette séparation et témoigner de la difficulté de l’élaboration de cette transitionnalité. D’autres conduites comme le balancement, le mâchonnement de joues, très présents chez le jeune enfant, peuvent ainsi être reliés à la trichotillomanie dans ce contexte.

À la faveur d’un épisode renvoyant à la perte et colorée de l’après-coup de la sexualité génitale, la trichotillomanie peut (ré) apparaître à l’adolescence. Elle doit se comprendre comme un moyen régressif de défense contre la vacuité et l’angoisse liées à la difficulté plus ou moins grande de gérer la séparation.

En l’absence de la mère, l’enfant tourne son accrochage vers ses propres cheveux. Comme l’enfant qui se balance est à la fois l’enfant bercé et la mère qui le berce, le trichotillomane est à la fois l’enfant qui s’accroche et la mère à laquelle il s’accroche.

 

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LA TRICHOTILLOMANIE

Origine

Le terme « trichotillomanie » a été inventé par Hallopeau, un médecin français (dermatologue) en 1889. Il créa ce nom afin de décrire le besoin compulsif et irrésistible de s’arracher les cheveux chez certains de ses patients.

Le mot vient du grec: thris (les cheveux), tillein (arracher) et mania (folie). Mais ce terme est inadéquat car les gens qui en sont atteints ne sont ni fous, ni psychotiques comme le mot le laisserait supposer.

Bien auparavant, ce trouble était considéré comme très rare car les gens hésitaient à consulter un médecin, ayant peur de passer pour « fous » et ils restaient donc seuls dans le secret de leur maladie. Aujourd’hui, le trouble est mieux connu et l’on dit qu’au moins 2% de la population (aux États-Unis) en est atteinte.

La cause de ce trouble n’est pas unique, mais plutôt une combinaison de facteurs: prédispositions génétiques, stress ou circonstances aggravant le trouble.

Description et symptômes

L’âge moyen du début de ce trouble se situe aux alentours de 12 ou 13 ans (cela peut être avant ou après cet âge). Souvent, le déclenchement est associé à un évènement stressant dans la vie de la personne, que ce soit un deuil, un conflit familial, changement d’école etc. Néanmoins, les changements hormonaux de la puberté peuvent également entrer en ligne de compte.

Pour mieux définir ce trouble, en voici les critères selon le DSM-IV:

Arrachage répété de ses propres cheveux aboutissant à une alopécie manifeste (absence de cheveux)

Sentiment croissant de tension juste avant l’arrachage des cheveux ou bien lors de tentatives faites pour résister à ce comportement

Plaisir, gratification ou soulagement lors de l’arrachage des cheveux

La perturbation n’est pas mieux expliquée par un autre trouble mental et n’est pas due à une affection médicale générale (ex: à une affectation dermatologique)

Les perturbations causent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants

Bien sur, tous les patients ne répondent pas à tous ces critères diagnostiques

Les principaux symptômes sont les suivants:

Grande tension associée à ce trouble (tension qui décroît suite à l’arrachage de cheveux). Par contre, la peur de devenir complètement chauve peut intensifier extrêmement l’anxiété chez la personne.

L’acte peut se faire soit distraitement (en regardant la télé, pendant la lecture d’un livre) soit avec une grande concentration (une sorte de « transe » ou il y a perte de conscience du temps et de l’environnement)

L’arrachage de cheveux peut se faire à une partie précise du cuir chevelu ou encore, être dispersé un peu partout.

Le nombre de cheveux arrachés par séance, peut varier de très peu à très nombreux.

Il n’y a pas que les cheveux qui sont arrachés, il peut y avoir également: cils, sourcils, poils (jambes, bras, pubis etc.)

La trichotillomanie est-elle une forme de TOC ?

Bien que des spécialistes aient proposé de classer la trichotillomanie dans la même catégorie que les TOC, celle-ci est plutôt répertoriée dans les « troubles du contrôle des impulsions » au même titre que le jeu pathologique, la pyromanie (impulsion irrésistible à allumer des incendies) ou la kleptomanie (impulsion irrésistible à voler des objets). Mais il y a tout de même plusieurs points communs avec les TOC.

La trichotillomanie présente une différence majeure avec les troubles obsessionnels compulsifs ordinaires: presque tous les trichotillomanes sont des femmes (pourquoi ? la question demeure sans réponse). Comme pour les TOC, une complication courante de ce mal est la dépression. (Judith Rapoport – voir référence ci-bas).

Cela pourrait peut être s’expliqué par le fait que ce sont majoritairement les femmes qui vont chercher de l’aide auprès des professionnels de la santé.

Néanmoins, beaucoup de trichotillomanes souffrent également de TOC.

Les traitements

Du côté des thérapies, la thérapie comportementale est préconisée, car elle a démontré plus d’efficacité pour ce type de trouble.

La trichotillomanie est plutôt difficile à traiter par les médicaments.

Toutefois, il faut tenir compte du fait que la réaction aux médicaments varie d’une personne à l’autre et que certains médicaments pour les TOC sont également efficaces pour la trichotillomanie. Il faut parfois en essayer plusieurs avant d’en trouver un efficace pour soi et plusieurs semaines de traitements sont nécessaires avant d’en tirer des conclusions en ce qui a trait à l’efficacité du médicament.

L’association des médicaments et de la thérapie cognitivo-comportementale reste donc la meilleure solution pour le traitement de la trichotillomanie.

Conclusion

Il peut être très difficile d’aller consulter un professionnel de la santé car le sentiment de honte qui habite la personne qui souffre de trichotillomanie est si grand qu’elle préfèrera souvent garder secrète la maladie dont elle souffre.

Il est donc important que les personnes souffrantes puissent en parler avec des proches (parents, amis) afin de briser leur isolement. En parler avec d’autres personnes souffrant du même trouble (groupe d’entraide, forum de discussion sur le web etc…) peut grandement aider la personne à se sentir moins isolée, et cela offre un bon soutien psychologique tout en facilitant bien souvent, la recherche d’aide auprès d’un médecin.

Références:

Judith Rapoport, « Le garçon qui n’arrêtait pas de se laver », Éditions Odile Jacob